Comment passe-t-on de la poutine à l’Expédition arctique canadienne ?
Dans cette édition des six degrés d’histoire du Canada, nous commençons par une maudite poutine pour terminer avec l’Expédition arctique canadienne. Un favori régional pour tous les goûts, la poutine est ce qui se rapproche le plus d’un plat national canadien. Grande épopée dans une région des plus fascinantes, l’Expédition arctique canadienne a constitué l’entreprise la plus ambitieuse, dispendieuse et scientifiquement sophistiquée dans l’Arctique au début des années 1900. Mais… qu’est-ce que cela a à voir avec la poutine? Voyons comment passer d’un plat chaud et réconfortant aux eaux glaciales et hostiles de l’Arctique.
L’article suivant provient de notre série « six degrés d’histoire du Canada. » Les articles provenant des séries précédentes ne sont pas mis à jour.
Poutine
La poutine est un plat canadien à base de frites agrémentées de fromage en grains et de sauce. Elle fait son apparition auQuébec dans les « casse-croûtes » ruraux dans les années 1950 et devient très populaire dans tout le reste du Canada et ailleurs à partir des années 1990. La poutine se retrouve partout, des restaurants les plus chics aux restaurants rapides, notamment McDonald’s et Burger King. Elle est devenue le symbole de la cuisine et de la culture québécoise et canadienne.
On s’accorde généralement à penser que le mot « poutine » vient du mot « pouding » (dérivé de l’anglais pudding) qui décrit un mélange, habituellement collant, de plusieurs ingrédients. Au Québec, « poutine » est un mot d’argot qui signifie le bazar, la pagaille. Plus d’une douzaine d’autres explications ont été offertes, notamment que le mot proviendrait du mot français potin (pâté) et de poutitè (ragoût de pommes de terre).
Un ingrédient clé de ce plat typiquement québécois est le fromage en grains. Et qui dit fromage typiquement québécois, dit fromage Oka, un fromage confectionné par les moines trappistes d’Oka depuis plus de 150 ans.
Oka
Oka, au Québec, se trouve à l’ouest de l’île de Montréal. La ville est incorporée en 1875, six ans avant que les moines trappistes de France fondent leur célèbre abbaye de Notre-Dame-du-Lac (maintenant appelée Abbaye Val Notre-Dame, mais mieux connue sous le nom d’Abbaye d’Oka).
Oka a été le site d’une impasse de 78 jours (le 11 juillet au 26 septembre 1990) entre les manifestants mohawks, la police locale et l’Armée canadienne (voir Crise d’Oka). La crise est déclenchée par l’agrandissement proposé d’un terrain de golf et le développement de condominiums sur le terrain litigieux qui abrite un cimetière mohawk. La tension est palpable, en particulier après la mort du caporal Marcel Lemay, un policier. La situation n’est résolue qu’une fois l’armée déployée sur les lieux. Bien qu’on ait annulé le projet d’agrandissement du terrain de golf et que le terrain ait été acheté par le gouvernement fédéral, celui-ci n’a toujours pas été transféré à la communauté de Kanesatake.
Au plus fort de la crise, les résidents locaux lancent des pierres sur environ 75 voitures dans lesquelles prennent place en grande partie des femmes, des enfants et des personnes âgées tentant de quitter la réserve de Kahnawake. Cette histoire est racontée dans le long métrage documentaire d’Alanis Obomsawin, Pluie de pierres à Whiskey Trench.
Alanis Obomsawin
L’une des cinéastes documentaires les plus distinguées au Canada, Alanis Obomsawin débute sa carrière en tant que chanteuse et conteuse professionnelle avant de rejoindre l’Office national du film (ONF) en 1967. Ses films récompensés traitent des combats livrés par les peuples autochtones du Canada, de leur point de vue, et mettent en valeur leurs voix, qui sont depuis si longtemps tombées dans des oreilles de sourds. Officier de l’Ordre du Canada, Alanis Obomsawin est récipiendaire de plusieurs Prix du Gouverneur général, de prix d’excellence pour l’ensemble de ses réalisations et de grades honorifiques.
Le chant de gorge figure dans au moins deux des projets d’Obomsawin, dont Mère de tant d’enfants et Amisk. Ce style de chant a été récemment popularisé par Tanya Tagaq.
Tanya Tagaq
Artiste expérimentale ayant atteint un certain succès auprès du grand public avec une musique à la croisée de plusieurs genres, Tanya Tagaq, parfois simplement appelée Tagaq, mélange les chants de gorge inuits, traditionnellement chantés en duo, avec de la musique électronique, classique, punk et rock. Lauréate d’un prix Juno, d’un Canadian Aboriginal Music Award et du Prix de musique Polaris, Tagaq fait partie du mouvement que Wab Kinew de la radio de la CBC a qualifié de « renaissance de la musique autochtone » incarné par une nouvelle génération d’artistes autochtones canadiens. Le New Yorker a décrit sa voix comme des « soubresauts venus des profondeurs de la gorge, des hurlements tout en vibration et des cris saccadés à glacer le sang » et a salué son travail comme étant marqué par « le courage et l’absence d’inhibition, l’aisance technique et la maîtrise de la tradition ».
Au sujet de son origine inuite, Tanya Tagaq a déclaré : « Je suis une femme inuite; ce qui me préoccupe, c’est l’amélioration de la situation pour ma propre fille et pour mon peuple et cet objectif imprègne, jour après jour, la totalité de mes agissements. »
Inuit
Inuit (en inuktitut, le mot inuit signifie « le peuple ») désigne un peuple autochtone qui habite majoritairement dans les régions nordiques du Canada. On utilise le mot « Inuk » pour parler d’une seule personne de ce peuple autochtone. Sa patrie, appelée « Inuit Nunangat », fait référence à la terre, à l’eau et à la glace des régions de l’Arctique, mais peut aussi désigner les terres occupées par les Inuits en Alaska et au Groenland. En 2011, l’Enquête nationale auprès des ménages, de Statistique Canada, a permis d’évaluer à 59 440 le nombre d’Inuits vivants au Canada s’affichant comme Inuits, soit 4,2 % de la population autochtone.
En 2011, 73 % des Inuits vivent à Inuit Nunangat. On retrouve près de la moitié de ce nombre au Nunavut, suivie de près par le Nunavik (dans le nord du Québec), le Nunatsiavut (le long de la côte nord du Labrador) et l’Arctique de l’Ouest (les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon), connu sous le nom d’« Inuvialuit ».
Des chasseurs inuits, des guides et des couturières – comme Kohoktok et sa femme Munnigorina, le chasseur Avrunna et Patsy Klengenberg – ont apporté un soutien d’une valeur inestimable à l’Expédition arctique canadienne de 1913.
Expédition canadienne dans l’Arctique
L’Expédition arctique canadienne (1913 à 1918) constitue le projet canadien le plus ambitieux, dispendieux et scientifiquement sophistiqué dans l’Arctique à cette époque. Il s’agit de la première expédition financée et soutenue par le gouvernement canadien pour explorer l’ouest de l’Arctique. L’expédition, à laquelle prennent part plusieurs Inupiat, Inuvialuit et Inuinnait, affirme la souveraineté du Canada dans l’archipel de l’Arctique et permet la découverte de nouvelles îles et un nouveau tracé de la carte de l’Extrême-Nord, en plus de recueillir une grande quantité de données scientifiques.
Commandée par l’explorateur controversé Vilhjalmur Stefansson et en proie à des dissensions internes, l’expédition s’avère être un mélange de réussite et de catastrophe. Elle compte plus de 100 personnes, y compris le scientifique et commandant adjoint Rudolph Martin Anderson, l’anthropologue Diamond Jenness et des dizaines d’Inupiat, d’Inuvialuit et d’Inuinnait chasseurs, guides et couturières. Les réalisations de l’expédition incluent la découverte des îles Lougheed, Borden, Meighen et Brock dans l’archipel de l’Arctique, ainsi que des études scientifiques et culturelles d’une grande valeur. Malheureusement, son navire, le Karluk, finit emprisonné dans les glaces au large de l’Alaska. Onze hommes y perdront la vie.