Abraham Martin (« l’Écossais », « Maître Abraham »), pêcheur, pilote de bateau et pionnier (né vers 1589 à Dieppe, en France; décédé en septembre 1664 à Québec). Abraham Martin et son épouse Marguerite Langlois ont été parmi les premiers colons français à s’installer en Nouvelle-France, mettant le pied au Québec vers 1620. En 1635 et 1645, Abraham Martin a reçu des dons de terres totalisant 32 arpents sur le promontoire de Québec. Ces terres chevauchaient le site de la bataille des plaines d’Abraham de 1759, qui porte vraisemblablement son nom.
Qui est Abraham Martin?
Abraham Martin naît à Dieppe, en France, une ville portuaire de Normandie. Les détails de son enfance, les noms de ses parents et sa date de naissance ne sont pas connus, mais il est probable qu’il soit né vers 1589. L’origine de son surnom, « l’Écossais », est également incertaine. Il peut faire référence à de possibles racines écossaises, à de fréquents séjours en Écosse dans sa jeunesse ou au nom d’une rue de Dieppe (la rue de l’Écosse) où il a vécu. Ce pourrait aussi être une indication de désertion du service militaire ou même d’appartenance à une organisation illégale, car de tels pseudonymes étaient courants pour éviter d’être repérés par les autorités.
Abraham Martin était pêcheur et marin. Il épouse Marguerite Langlois vers 1615. Leur premier fils, Jean, est baptisé à la paroisse Saint-Jacques de Dieppe le 23 septembre 1616, mais aucun document n’indique qu’il a survécu par la suite. En 1620, le couple s’embarque pour Québec avec la sœur et le beau-frère de Marguerite, Françoise et Pierre Desportes.
Pionniers en Nouvelle-France
Québec était devenue un établissement permanent en 1608 lorsque Samuel de Champlain avait fondé un poste de traite fortifié sur le promontoire du cap Diamant. Abraham Martin et sa femme arrivent un peu plus d’une décennie plus tard et sont parmi les premiers habitants de la nouvelle ville pionnière. Leur fils Eustache, qui naît en 1621, est le premier Canadien français né au Québec, mais il ne vit pas très longtemps. Lui et sa sœur Marguerite, qui naît en 1624, sont les deux premiers baptêmes enregistrés dans la nouvelle paroisse de Notre-Dame. En 1627 naît une autre fille, Hélène, et Samuel de Champlain en est nommé le parrain.
Après que les frères Kirke s’emparent de Québec pour la couronne d’Angleterre en 1629, la famille Martin retourne en France en 1630, où naît le fils Pierre (qui n’a probablement pas survécu). Cependant, elle revient en 1633 après le traité de Saint-Germain, comme Samuel de Champlain. L’amitié entre les Martin et Champlain ne fait aucun doute dans le dernier testament de ce dernier : lorsque Champlain meurt en 1635, il lègue à Martin et à sa femme une somme d’argent substantielle, équivalant à peu près à un an de salaire pour un fonctionnaire de rang inférieur à l’époque, pour financer leurs futurs travaux pour la colonie. Il laisse également de l’argent aux filles des Martin pour les aider à fonder leur famille.
Plaines d’Abraham
En 1635, la Compagnie de la Nouvelle-France donne à Abraham Martin 12 arpents de terre sur le versant nord du promontoire du cap Diamant. La Compagnie (également appelée la Compagnie des Cent-Associés) avait été créée en 1627 par un groupe d’investisseurs français désireux d’agrandir les colonies françaises. Selon certaines anecdotes, Abraham Martin aurait descendu l’actuelle côte d’Abraham avec ses vaches pour les faire s’abreuver à la rivière Saint-Charles. Dix ans plus tard, Adrien Duchesne, chirurgien et interprète de la colonie, également originaire de Dieppe, remet à Abraham Martin 20 arpents supplémentaires qu’il avait reçus de la Compagnie. Cette dernière zone recoupe le site de la bataille des plaines d’Abraham de 1759. En 1667, après la mort des Martin, la famille vend les terres aux Ursulines.
L’origine exacte de la dénomination des plaines d’Abraham demeure floue, mais la terre a probablement été associée très tôt à Abraham Martin. L’appellation côte d’Abraham, qui fait référence au versant nord du promontoire, figure dans des documents juridiques du début du 18e siècle où sont délimitées les propriétés; une rue d’Abraham est observée sur une carte de 1734. François-Gaston de Lévis, chevalier de Lévis, et le capitaine britannique John Knox sont les premiers à utiliser les désignations hauteurs d’Abraham et plaines d’Abraham dans leurs comptes rendus de la campagne de 1759. Les Britanniques ont peut-être délibérément popularisé le nom par association religieuse, une façon de légitimer leur victoire par son caractère sacré (Abraham, le premier patriarche hébreu, est vénéré par les juifs, les chrétiens et les musulmans). Au cours des années suivantes, le nom désigne diverses entités jusqu’à ce qu’on l’associe pour de bon au parc qu’on appelle aujourd’hui les plaines d’Abraham, bien que cette zone ne fasse pas partie de la propriété d’origine d’Abraham Martin.
Troubles juridiques et mort
Abraham Martin a probablement travaillé comme pilote de bateau sur le fleuve Saint-Laurent. Il se qualifie de « pilote royal » dans le contrat de mariage de 1647 entre sa fille Marie et Jean Cloutier. Cependant, il n’existe aucune preuve que ce titre lui a été accordé, même si de nombreuses sources postérieures interprètent à tort le contrat de mariage comme une nomination officielle.
En 1649, une accusation de viol envoie Abraham Martin en prison, mais il n’existe aucune trace d’un procès ultérieur; on ignore ainsi s’il a été déclaré coupable ou s’il a été innocenté. Il comparaît à nouveau devant le tribunal en 1664, au nom d’un de ses domestiques accusé d’agression. Cette fois, un procès a lieu et Martin se voit à l’issue de ce dernier dans l’obligation de verser une indemnité à la victime.
Martin meurt le ou vers le 8 septembre 1664, à Québec; le 8 septembre est la date de ses funérailles dans les registres de la cathédrale Notre-Dame de Québec. Son épouse Marguerite Langlois se remarie en février 1665, mais meurt peu après, le 17 décembre 1665.
Héritage
Abraham Martin est un personnage de première importance, étant parmi les premiers colons du Canada français. Marguerite Langlois et lui auraient eu officiellement onze enfants, dont la plupart ont survécu jusqu’à l’âge adulte. Parmi eux, un fils, Charles Amador Martin (1648-1711), a été l’un des premiers Canadiens à être ordonné prêtre. Les filles survivantes se sont toutes mariées et ont eu de nombreux descendants. En 1800, les descendants mariés des Martin étaient au nombre de 7 765. Abraham Martin est donc l’ancêtre d’innombrables personnes qui vivent au Canada aujourd’hui. En outre, son association avec le site de l’une des batailles les plus déterminantes pour le Canada moderne fait de lui un personnage marquant de l’histoire canadienne.