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Albani, Emma

Avant d'avoir quatre ans, Emma commence l'étude du piano avec sa mère mais, à partir de sa cinquième année, son père se charge de sa formation musicale, lui enseignant le piano, la harpe et le chant.
Emma Albani
Apr\u00e8s avoir étudié \u00e0 Paris et \u00e0 Milan, Emma Albani se lan\u00e7a dans une carri\u00e8re qui la mena dans les opéras les plus cél\u00e8bres du monde. Lorsqu'elle fit ses adieux en 1896, elle avait interprété 43 r\u00f4les principaux (avec la permission de Biblioth\u00e8que et Archives Canada/PA-127289).

Albani, Emma

 (Marie Louise Cécile) Emma Albani (née Lajeunesse, m. Gye). Soprano, professeure (Chambly, près de Montréal, 27 septembre ou ler novembre 1847 - Londres, 3 avril 1930). Fille aînée (deuxième enfant) de Joseph Lajeunesse et de Mélina Mignault. Du côté paternel, elle appartient à la septième génération canadienne des Lajeunesse, dont le premier de ce nom venu au Canada, Étienne Charles dit Lajeunesse (né en Bretagne en 1649), épouse Madeleine Niel à Trois-Rivières (Québec) en 1667. Du côté maternel, sa grand-mère, Rachel McCutcheon, est issue d'une famille d'origine écossaise qui habite longtemps Plattsburgh (New York). À ce jour, la date et l'année exactes de la naissance d'Emma ne sont pas établies hors de tout doute (voir plus loin).

Premières formations et représentations

Avant d'avoir quatre ans, Emma commence l'étude du piano avec sa mère mais, à partir de sa cinquième année, son père se charge de sa formation musicale, lui enseignant le piano, la harpe et le chant. La famille vit à Plattsburgh de 1852 à 1856, année de la mort de Madame Lajeunesse, après laquelle Joseph Lajeunesse s'établit à Montréal avec ses trois enfants. En septembre 1856, Emma se produit pour la première fois en public comme chanteuse et pianiste, à Montréal, à la Salle des artisans, puis se fait entendre dans quelques localités des environs. En 1858, Emma et sa sœur cadette Cornélia deviennent pensionnaires au couvent du Sacré-Cœur de Sault-au-Récollet, en banlieue de Montréal, où leur père est engagé comme professeur de musique. La voix d'Emma et son talent pour la musique attirent l'attention de ses professeurs et compagnes. En août 1860, elle chante lors de la venue du prince de Galles, invité à l'inauguration du pont Victoria. Le 13 septembre 1862, en compagnie de sa sœur, elle participe à une « grande soirée musicale » à la Salle des artisans. Emma s'y produit comme chanteuse, pianiste, harpiste et compositrice. Le concert est présenté sous les auspices des plus hautes autorités civiles et militaires dans le but « d'aider les demoiselles Lajeunesse à défrayer les dépenses qu'occasionnera leur prochain voyage à Paris où elles se proposent d'étudier au Conservatoire ». Dans La Minerve du 16 septembre, un compte rendu anonyme parle d'une « voix qu'on dirait exilée du ciel » et lui prédit déjà une carrière internationale. Joseph Lajeunesse n'ayant pas réussi à recueillir la somme nécessaire pour envoyer ses deux filles en Europe, il part avec elles pour les États-Unis après leur sortie du couvent en juillet 1865, s'arrêtant dans quelques villes pour des concerts, notamment à Albany (N.Y.), où Emma est bientôt engagée comme soliste à l'église catholique Saint-Joseph. Durant trois ans, elle chante les grandes messes du répertoire classique, joue de l'orgue à l'occasion et dirige même le chœur. En 1868, grâce aux économies de son père, à l'aide des paroissiens et à l'encouragement du curé, Mgr J.J. Conroy, Emma va en Europe.

Études en Europe et débuts à l'opéra

À Paris, elle étudie le chant avec Gilbert-Louis Duprez ainsi que l'orgue et l'harmonie avec François Benoist. Huit mois plus tard, elle se rend à Milan pour travailler avec Francesco Lamperti qui lui enseigne la méthode italienne et la fait débuter au Teatro Vittorio Emmanuel de Messine, le 22 décembre 1869, dans le rôle d'Oscar d' Un Ballo in Maschera de Verdi, suivi d'Amina dans La Sonnambula une semaine plus tard et d'Alina dans La Regina di Golconda de Donizetti le 22 février suivant. Elle fait toute la saison 1869-1970 à Messine, chantant en tout 44 représentations de ces trois opéras entre décembre et avril. À la suggestion de son maître d'élocution, elle adopte Albani comme nom de théâtre, l'empruntant à une vieille famille italienne. Son succès à Messine est considérable et lui vaut des engagements immédiats à Acireale, Cento, Florence et Malte. À ce dernier endroit, elle fait toute la saison d'hiver 1870-1971. Outre La Sonnambula, elle y chante Lucia di Lammermoor, Rigoletto, Martha, Il Barbiere di Siviglia, L'Africana (rôle d'Inez), Il Mantello de Romani et Robert le Diable. De Malte, l'écho de ses succès parvient à Londres d'où l'impresario James Henry Mapleson, par son collègue maltais Zimmelli, l'invite à se joindre à la troupe d'opéra italien au Her Majesty's.

Covent Garden

Albani se rend à Londres en juin 1871 mais sa voiture l'amène, par mégarde semble-t-il, au théâtre rival, le Covent Garden, que dirige Frederick Gye. Ce dernier, mine de rien, lui fait des offres, notamment de la faire débuter le printemps suivant, dans La Sonnambula. Contrat en poche, la chanteuse retrouve son maître Lamperti au lac de Côme pour travailler de nouveaux rôles, dont celui de Mignon, qu'elle doit chanter à Florence l'hiver suivant. Soucieuse de perfectionner ce rôle, elle se rend à Paris où l'éditeur Heugel lui fait rencontrer Ambroise Thomas, le compositeur de l'opéra, qui lui fait travailler Mignon. En décembre, elle recueille d'autres succès à Florence, au Teatro della Pergola où, en plus de ses rôles réguliers, elle chante Adèle dans Le Comte Ory de Rossini. Son succès dans Mignon est tel qu'elle doit en chanter neuf représentations en 10 jours. Ses débuts à Londres ont lieu le 2 avril 1872 dans Amina de La Sonnambula. C'est un nouveau triomphe pour la jeune cantatrice qui devient aussitôt l'une des premières étoiles de Covent Garden. Elle y chante la même saison Rigoletto, Martha, Lucia di Lammermoor et Linda di Chamounix. Ce théâtre devient son pied-à-terre; elle y chante chaque saison, sauf quatre et ce jusqu'en 1896.

À l'automne de 1872, elle chante pour la première fois dans les festivals anglais puis se produit avec succès à Paris, au Théâtre-des-Italiens, dans La Sonnambula, Lucia di Lammermoor et Rigoletto. La saison 1873 à Londres lui apporte de nouveaux triomphes avec Les Diamants de la couronne d'Auber, Hamlet de Thomas ainsi que Le Nozze di Figaro (rôle de la Comtesse). Elle triomphe ensuite à Moscou et à Saint-Pétersbourg puis revient à Covent Garden en 1874 où elle chante pour la première fois Elvira dans I Puritani. Un contrat avec les impresarios Maurice et Max Strakosch l'amène aux États-Unis pour une tournée en 1874-1875. Le 21 octobre, elle débute dans La Sonnambula à l'Academy of Music de New York où elle chante ensuite Lucia, Mignon, Gilda, Martha puis Elsa (Lohengrin), son premier rôle wagnérien, appris en 15 jours. La tournée Strakosch se poursuit jusqu'en février 1875, puis elle se rend à Venise pour chanter Lucia avec Tamagno, le futur créateur d' Otello de Verdi.

De retour à Covent Garden, elle crée en Angleterre Elsa de Lohengrin en plus de reprendre ses rôles habituels. La saison suivante, c'est la création de Tannhäuser, dans lequel elle joue le rôle d'Élisabeth. Après une tournée en Angleterre et en Irlande, elle participe aux festivals de Birmingham et de Leeds puis fait une autre saison à Paris, aux Théâtre-des-Italiens, où son succès est cette fois décisif dans Linda, Lucia, Elvira, Gilda et Amina. Elle est reçue par le président MacMahon et chante au Palais de l'Élysée. À Londres, sa saison de 1877 est marquée par son interprétation du rôle de Senta dans Le Vaisseau fantôme et sa participation au festival Haendel du Crystal Palace devant 20 000 auditeurs. Au printemps de 1878, à Paris, elle chante La Traviata puis crée un opéra écrit pour elle par von Flotow, Alma l'incantatrice. Le 6 août suivant, elle épouse Ernest Gye qui vient de succéder à son père à la direction de Covent Garden. De ce mariage naît le 4 juin 1879 un fils, Frederick Ernest. Après une importante carrière diplomatique, le fils d'Albani meurt célibataire à Londres en 1955 après avoir vécu à Montréal (1941-1952). En 1934, il établit au Conservatoire royal de musique l'Albani Prize, attribué chaque année depuis à une jeune chanteuse.

1878 à 1885 : Représentations canadiennes

Au cours des années qui suivent, Albani chante de nouveau en Russie (1878), ainsi qu'en Belgique, à Monte-Carlo et à Berlin (1882) où elle interprète Elsa de Lohengrin en allemand, en présence de l'empereur Guillaume 1<sup>er</sup> qui la reçoit dans sa loge et lui décerne le titre de Hofkammersängerin (cantatrice de la cour). Deux ans auparavant, son passage à la Scala de Milan est l'un des rares échecs de sa carrière. Souffrante, elle veut néanmoins chanter Lucia et Gilda devant un public hostile. La représentation de Lucia est interrompue avant la tombée du rideau, créant un scandale retentissant. À Londres, elle ajoute à son répertoire Le Démon (1881) de Rubinstein qu'elle chante sous la direction du compositeur. L'année suivante, ce sont Mefistofele de Boito et La Rédemption de Gounod au festival de Birmingham sous la direction de l'auteur. Pour elle, Gounod écrit ensuite Mors et Vita qu'elle crée en 1885. En janvier 1883, elle est de nouveau à New York pour chanter avec la Symphony Society de Walter Damrosch. Elle se rend à Albany puis entreprend une longue tournée aux États-Unis avec une troupe sous les auspices de Mapleson, partageant la vedette avec Adelina Patti. Elle débute à Chicago dans I Puritani puis visite Washington, Baltimore, New York, Toronto et Brooklyn. Toronto, où elle chante Lucia à la Grand Opera House, est la première ville canadienne qu'elle visite après environ 20 ans d'absence.

À la fin de mars 1883, elle vient enfin à Montréal pour donner trois concerts au Queen's Hall. Un public délirant lui fait un accueil des plus chaleureux. Les journaux estiment à 10 000 le nombre d'admirateurs venus à son arrivée. Elle est l'invité d'honneur d'une réception civique au cours de laquelle le poète Louis-Honoré Fréchette récite un long poème qu'il compose pour elle.

À Londres, elle fait ensuite une nouvelle saison à l'opéra et dans les festivals. En 1884, elle aborde le premier rôle de Sigurd de Reyer et Juliette dans Roméo et Juliette de Gounod. Elle passe l'été en Écosse, près de Balmoral, où la reine Victoria, devenue son amie et confidente, lui rend plusieurs fois visite. À l'automne, c'est une autre tournée en Belgique et en Hollande. À Londres, elle chante la cantate La Fiancée du fantôme de Dvořák. Le compositeur tchèque est au pupitre l'année suivante quand Albani interprète le rôle titre de son oratorio Sainte Ludmilla. Elle chante aussi The Golden Legend d'Arthur Sullivan, à Londres et à Berlin, sous la direction du compositeur.

Débuts à l'opéra : Opéra de Montréal et le Metropolitan Opera

Franz Liszt vient à Londres en 1886 et, en sa présence, Emma Albani chante le premier rôle de son oratorio La Légende de sainte Élisabeth, ce qui lui vaut les félicitations du célèbre musicien. Puis c'est une nouvelle saison à Berlin (Lohengrin et Le Vaisseau fantôme) et des tournées en Belgique, Hollande, Écosse et Scandinavie. Partout, la diva canadienne est accueillie avec enthousiasme, recevant plusieurs décorations royales lors de réceptions officielles. Au début de 1889, Albani revient au Canada, se produisant à Montréal, Québec, Toronto, Hamilton et London, puis se rend aux États-Unis. Elle rentre à Londres, mais revient à l'automne aux États-Unis, au Canada et au Mexique. En mai 1890, elle chante ses premiers opéras à Montréal, La Traviata et Lucia di Lammermoor, à l'Académie de musique. Le 10 mai 1890, elle prête son concours à un concert-bénéfice pour l'hôpital Notre-Dame, 6000 personnes l'acclamant à la patinoire Victoria aux côtés du pianiste-compositeur Salomon Mazurette, du violoniste Alfred De Sève et de la Bande de la Cité sous la direction d'Ernest Lavigne. En mars 1890, elle chante au Metropolitan Opera comme membre de la troupe d'Abbey et Grau, interprétant pour la première fois dans ce théâtre Desdemona dans Otello de Verdi. Le 23 décembre 1891, elle fait officiellement ses débuts comme membre de la troupe. Après Rigoletto, elle chante plusieurs rôles au cours de la saison 1891-1892, notamment Faust, Les Huguenots, Don Giovanni (rôle d'Elvira), Otello, Lohengrin, Die Meistersinger et finalement Le Vaisseau fantôme. En janvier 1892, elle vient à Montréal avec sa compagnie chanter Les Huguenots et Lohengrin à l'Académie de musique.

1893 à 1907 : Tournées et adieux à Covent Garden

Elle passe les années 1893 et 1894 à donner des concerts en Europe avec des artistes célèbres comme Sarasate et Paderewski, notamment à Vienne avec un orchestre dirigé par Hans Richter. En 1895, elle inaugure la saison de Covent Garden en chantant Desdemona aux côtés de Tamagno et de Maurel, créateurs des rôles d'Otello et d'Iago. Elle crée Harold, opéra de Frederick Cowen. Au début de 1896, elle vient au Canada pour une brève tournée à laquelle participe le violoniste Frantz Jehin-Prume. Puis elle fait sa dernière saison à Covent Garden, marquée d'un triomphe sans précédent lors de quatre représentations de Tristan und Isolde, avec les frères Jean et Édouard de Reszke. Du duo du deuxième acte, Herman Klein écrit dans le Sunday Times : « Jamais auparavant à Covent Garden a été ressentie d'une manière aussi totale la beauté de cette scène d'amour. Entendre cette musique difficile chantée avec autant de perfection était en soi un régal, presqu'une révélation » (cité par Rosenthal dans Two Centuries of Opera at Covent Garden). Le 23 juillet, elle chante pour la première et unique fois de sa carrière Donna Anna de Don Giovanni. Le lendemain, elle reprend Valentine dans Les Huguenots et ce sont ses adieux à la scène où elle débute 24 ans plus tôt. En novembre 1896, elle arrive au Canada avec quelques artistes pour entreprendre une tournée transcontinentale qui la conduit de Halifax à Victoria. Partout, les Canadiens la consacrent « reine du chant ». Elle entreprend ensuite de lointains voyages en Australie et en Nouvelle-Zélande (1898-1907), en Afrique du Sud (1898, 1899, 1904) puis au Ceylan et en Inde (1907). En Angleterre, elle continue sa carrière comme interprète d'oratorios et donne des récitals. Elle a l'insigne honneur qu'on lui demande de chanter aux funérailles privées de la reine Victoria dans la chapelle du château de Windsor (1901). Elle revient ensuite au Canada pour une tournée au printemps de 1901, laquelle se prolonge jusqu'à la mi-mai. Une autre tournée de deux mois au Canada en 1903 est suivie de sa tournée d'adieux en 1906, à laquelle participe Éva Gauthier.

Concert final et difficultés financières

Le 14 octobre 1911, au Royal Albert Hall, Albani fait ses adieux définitifs en présence d'une foule émue. Plusieurs de ses collègues sont sur scène, y compris Adelina Patti et Nellie Melba. La même année, elle publie ses Mémoires, Forty Years of Song, puis se retire dans sa propriété de Tregunter Road, dans le district de Kensington. Elle et son mari ayant subi des revers de fortune, elle doit enseigner et même chanter au music-hall. En 1920, le gouvernement britannique lui alloue une rente annuelle de 100 livres. Sollicités pour lui venir en aide, les gouvernements du Canada et du Québec répondent par la négative. À la mort de son mari en 1925, la situation matérielle d'Emma Albani est plus que précaire. À l'initiative de Melba, un grand concert à son bénéfice auquel participent notamment Melba, Elgar et la Canadienne Sarah Fischer est organisé à Covent Garden le 25 mai. À Montréal, une manifestation identique (28 mai, au Théâtre Saint-Denis) ainsi qu'une souscription publique permettent d'envoyer un peu plus de 4000 $ à l'artiste en détresse, ce qui l'aide à finir convenablement ses jours. Elle meurt doucement dans sa demeure le 3 avril 1930. De modestes funérailles ont lieu deux jours plus tard à l'église des Servites de Marie, Fulham Road. Sa dépouille est conduite au cimetière voisin de Brompton où elle repose aux côtés de son mari.

Honneurs et reconnaissance

En 1897, la Royal Philharmonic Society lui décerne, en même temps qu'à Paderewski, sa médaille d'or appelée aussi médaille Beethoven, accordée précédemment à des célébrités comme Gounod, Joachim, von Bülow, Patti et Brahms. En 1925, Georges V lui confère le titre de Dame Commander of the British Empire (D.B.E.). En 1939, la Commission des sites et monuments historiques du Canada dévoile à Chambly une plaque commémorative sur l'emplacement de sa maison natale, rue Martel. En 1977, elle est remplacée par une stèle surmontée d'une inscription rappelant sa carrière. À Montréal, son nom est donné à une rue de l'ouest de la ville durant les années 1930 mais le nom disparaît quand cette rue devient le prolongement d'une autre avenue. En 1969, le nom d'Albani est donné à une nouvelle artère du nord-est. À Québec, le Musée du Québec possède un portrait d'Emma Albani dans son costume de Lucia di Lammermoor, œuvre du peintre américain Will Hicock Low, réalisée à Paris en 1877 et qui est montrée au Salon du printemps la même année. Le musée possède aussi un buste en marbre, œuvre du prince Victor Hohenlohe de Langenburg.

De son vivant et jusqu'à nos jours, les marques d'admiration à l'endroit de la cantatrice sont nombreuses et variées. Des compositeurs comme Guillaume Couture, Ernest Gagnon, Alexis Contant et Salomon Mazurette lui dédient des mélodies. Le compositeur québécois Georges McNeil écrit Albani Galop pour harmonie ou piano (Lavigne 1875) et lui dédie aussi Fleurs du printemps, valse jouée par le Septuor Haydn et transcrite pour piano par J.-A. Defoy (Lavigne 1875). Une Albani Caprice Polka pour violon et piano de Max Bachmann est publiée en 1897. En 1883, les journaux annoncent même un chapeau Albani pour dames et publient une recette culinaire : le gâteau Albani. En 1972, Jean Patenaude fonde à Chambly les Éditions Albani Inc., surtout consacrées à des œuvres pédagogiques. En 1980, un timbre-poste à son effigie est émis par le Canada à l'occasion du 50<sup>e</sup> anniversaire de sa mort. Un organisme à but non lucratif, la Maison Albani, est fondé à Chambly en 1986 afin de promouvoir la diffusion des arts et perpétuer le souvenir de la cantatrice. Albani est le sujet d'une pièce de Simon Fortin, Le Pays dans la Gorge, créée à Montréal en 1992. Une version en anglais de Bill Glassco est créée à Toronto en 1994. Une production vidéo de Nanouk Films paraît en 1998.

Appréciation

Emma Albani est la première musicienne canadienne de naissance à conquérir la gloire au niveau international, ce au cours d'une carrière longue de quatre décennies. Sa voix au timbre d'une beauté exceptionnelle, sa solide formation musicale et vocale acquise dans sa jeunesse puis développée auprès des meilleurs maîtres, sa maîtrise de quatre langues - français, anglais, italien et allemand - sa facilité à déchiffrer une partition nouvelle sont autant de facteurs qui contribuent à faire d'elle l'une des cantatrices les plus sollicitées par les chefs d'orchestre et les compositeurs de son temps.

D'innombrables articles de presse et autres témoignages rendent hommage à son talent. De passage à Londres en 1886, le critique viennois Eduard Hanslick écrit  : « La meilleure cantatrice à Covent Garden cette saison, sinon la seule d'importance (en l'absence de Patti qui n'est pas engagée), est de loin Madame Albani » (Music Criticisms 1846-1899, traduit et révisé par Henry Pleasants, Harmondsworth, Angl. 1963). Nombreux aussi sont les témoignages écrits de musiciens célèbres dont Franz Liszt (« admiration et remerciements »), Charles Gounod (« ma chère et grande interprète »), Hans von Bülow (« la plus brillante étoile du chant à notre époque »), Hans Richter (la « meistersinger »), etc. Par ailleurs, George Bernard Shaw trouve son art trop calculé et lui reproche souvent un manque de spontanéité.

Avec les années, la voix d'Emma Albani est passée du soprano colorature au soprano « spinto » et même au soprano dramatique vers la fin de sa carrière, ce qui lui permet d'aborder un répertoire très diversifié (43 rôles différents dans 40 opéras) allant d'Amina à Isolde. Sa réputation comme interprète d'oratorio est aussi exceptionnelle. À ses talents musicaux s'ajoutent une personnalité, un charme et une présence dont la plupart des critiques ne manquent pas de faire état.

Compositions

Dans sa jeunesse, Emma Albani s'adonne à la composition et signe des œuvres pour piano (Grande marche triomphale, Grand Fantasia on « When This Cruel War is Over »), pour deux pianos (Grand Duett on Themes from Sabatier's Cantata), pour harpe (Variations on « Tis the Last Rose of Summer »), ainsi que des œuvres vocales (« Hymne à Pie IX », « And Must These States Now Sever », « Les Martyrs » et « Travail de reconnaissance »). Elle et sa sœur les interprètent à Albany et dans la région dans les années 1860. Aucune trace de ces œuvres n'est trouvée en 1990, sauf un exemplaire d'un « O Salutaris » pour voix et piano composé par Emma C. [Charles] Lajeunesse, publié chez Wm. Hall & Son de New York, sans date. La partition porte les mentions « agée de 16 ans » et « op. 9 », et l'œuvre est dédiée « au Très Rév. J.J. Conroy, administrateur du diocèse d'Albany ».

L'année exacte de la naissance d'Albani demeure encore un sujet de controverse, tout document officiel à cet effet demeurant introuvable en 1990. L'année 1847, adoptée par sa biographe Hélène Charbonneau, est généralement acceptée. Dans ses Mémoires, la chanteuse affirme qu'elle est née le 1er novembre 1852. La pierre qui recouvre sa tombe est cependant marquée 1er novembre 1850. Son premier biographe, Napoléon Legendre, affirme pour sa part qu'elle serait née en 1848 et baptisée plus tard à Plattsburgh (N.Y.). D'autres sources mettent de l'avant le 27 septembre 1847 et les années 1849 et 1851.

Des fonds d'archives comprenant correspondance, photos et autres documents se trouvent à la Ville de Chambly ainsi qu'à la Bibliothèque nationale du Canada (auj. Bibliothèque et Archives Canada) et aux Archives nationales du Québec à Montréal.

Écrits

Forty Years of Song (Londres, Toronto 1911, New York 1977); traduit et annoté par Gilles POTVIN, Mémoires d'Emma Albani (Montréal 1972).

Discographie

Dès 1888 ou 1889, la voix d'Emma Albani aurait été captée par un appareil rudimentaire de Thomas Edison lors d'un festival Haendel au Crystal Palace de Londres. Si cela est exact, rien de cette expérience ne nous est parvenu. Entre 1904 et 1907, Albani enregistre au moins neuf titres pour The Gramophone and Typewriter Company et Pathé. Des repiquages de certains titres sont réalisés aux États-Unis vers 1940 (étiquette IRCC) puis en 1950 (étiquette HRS). Au Canada, Rococo repique en 1967 huit titres sur une face d'un 33 tours (5255): « Angels, Ever Bright and Fair » (Theodora), « Sweet Bird » avec obligato de flûte (Il Penseroso) et « Ombra mai fù » (Serse) de Haendel; « Souvenirs du jeune âge » (Le Pré aux clercs) de Hérold; « L'Été » de Chaminade; « Home, Sweet Home » de Bishop; « Robin Adair »; « Ave Maria » de Bach-Gounod, avec obligato de violon. L'on sait qu'elle enregistre aussi la chanson « Ma Normandie » de Bérat. Parmi les repiquages plus récents, nommons Les grandes voix du Canada/Great voices of Canada vol.1 (Analekta AN2 7801, 7803, 1993) et Opera souvenirs (XXI-21 Records XXI-CD2 1420, 2002).

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Catalogue of Canadian Composers.