Formation et engagement social
Amir Khadir arrive au Québec en 1971, à l'âge de 10 ans. Fuyant la dictature du chah d’Iran, sa famille est venue y chercher un asile politique. Son père Jafar Khadir, professeur de mathématique, est notamment arrêté par la police pour avoir parlé à ses élèves de sujets tabous pour le pouvoir en place, comme les revenus du pétrole et la pauvreté.
À l’adolescence, Amir Khadir s'intéresse à la littérature, à la poésie et à la philosophie, mais se tourne vers la physique. Pendant ses études collégiales et universitaires, l'Iran vit une période de bouleversements importants : une révolution populaire menée par des étudiants, des chômeurs et des syndicats éclate en 1978, le Chah Mohammad Reza Pahlavi et sa famille sont contraints à l’exil en 1979, la République islamique d’Iran est proclamée et l'Ayatollah Khomeiny en devient le guide. Comme beaucoup d’Irano-Canadiens, la famille Khadir suit de très près les événements qui se bousculent dans son pays d’origine. Dans un premier temps, Amir appuie la révolution populaire, mais s’oppose à l’instauration d’un régime islamique qui lui succède. Il œuvre comme président du regroupement des étudiants iraniens au Canada et milite au sein du Comité de la défense des droits de la personne en Iran au Canada. Pendant deux ans, de 1981 à 1983, il interrompt ses études afin de se consacrer entièrement à ses engagements politiques.
En 1985, il est l’un des fondateurs du Centre culturel et communautaire des Iraniens de Montréal et en assure la coordination pendant trois ans. Il complète une maîtrise en physique à l’Université McGill en 1987 et prend la décision d’entreprendre une formation en médecine. En 1990, il obtient son doctorat de l’Université Laval et entreprend une spécialisation en microbiologie-infectiologie à l’Université de Montréal. En 1997, il décroche un poste au centre hospitalier Pierre-Le Gardeur, à Terrebonne dans le nord de Montréal.
Lors de ses études en médecine, Khadir est stagiaire, puis coordonnateur du groupe Santé Tiers-Monde de la Faculté de médecine de l’Université Laval (1986–1989). Il s’engage activement dans divers projets humanitaires au Nicaragua (1987), au Zimbabwe (1990) et en Inde (1997). De 1998 à 2008, il est collaborateur à l’aide médicale à la Palestine et pour la Caravane d'amitié Québec-Cuba. Il est directeur de missions d’assistance médicale d’urgence dans plusieurs pays (il se rend notamment en Afghanistan) pour Médecins du Monde de 2000 à 2002.
Au début de 2003, il participe à une délégation humanitaire en Irak, mission à laquelle contribue aussi Françoise David, afin de mettre à jour les conséquences des sanctions économiques sur la population irakienne et de fournir de l’aide humanitaire. De 2001 à 2004, il est président du conseil d’administration de l’organisme Solidarité, union, coopération (SUCO), un organisme canadien qui a pour objectif l’appui au développement durable des communautés et l’éducation à la solidarité internationale. Depuis 1998, il est aussi membre de la Coalition des médecins pour la justice sociale, un organisme dont le but est de s'opposer à la privatisation du système de santé québécois. En 2004, il signe la préface de L’envers de la pilule de Jean-Claude St-Onge, ouvrage qui dénonce l’industrie pharmaceutique et les prix exorbitants des médicaments.
Jamais très loin de la politique, il devient membre du Rassemblement pour l'alternative progressiste (RAP) en 1997. Lors des élections fédérales de l'an 2000, il se présente pour le Bloc québécois dans la circonscription d'Outremont et y remporte la deuxième place avec 28 % des voix, contre le député libéral Martin Cauchon.
Député et porte-parole de Québec solidaire
En 2005, Khadir est cosignataire avec plusieurs autres personnalités publiques, du Manifeste pour un Québec solidaire en réaction à la publication du Manifeste pour un Québec lucide menée par l’ancien premier ministre Lucien Bouchard. Il devient porte-parole de l'Union des forces progressistes (né de la fusion du Rassemblement pour une alternative progressiste, du Parti de la démocratie socialiste et du Parti communiste du Québec) et se présente dans la circonscription de Mercier (Montréal) aux élections générales québécoises du 14 avril 2003. La formation politique ne fait élire aucun député (et récolte un maigre 1 % à l’échelle provinciale), mais Khadir obtient 18 % des voix dans sa circonscription.
Le 4 février 2006, il participe à la création du parti Québec solidaire, né de la fusion de l'Union des forces progressistes et du mouvement Option citoyenne mené par Françoise David. Avec celle-ci, Khadir devient le porte-parole de la nouvelle formation politique reconnue quelques jours plus tard par le Directeur général des élections.
Lors des élections provinciales de 2007, il se présente dans la circonscription de Mercier, mais le député sortant Daniel Turp (Parti québécois) conserve son siège. Le 8 décembre 2008, à l’issue d’une nouvelle élection générale, Khadir est élu dans Mercier, l’emportant avec une majorité de 810 voix sur le député sortant (environ 38 % des voix et un taux de participation de 56 %). Il devient ainsi le premier député d’un parti de gauche à se faire élire à l’Assemblée nationale.
Pendant près de quatre ans, il est le seul député de Québec solidaire à siéger au parlement. Il se fait remarquer pour son franc-parler et ses frondes, dont la plus célèbre est certainement celle à l’endroit d’Henri-Paul Rousseau, ancien directeur de la Caisse de dépôt et placement du Québec lors de sa comparution en mai 2009 devant une commission parlementaire au sujet de la perte de 40 milliards de dollars de l’institution financière : « Vous êtes de ces nouveaux monarques qui se croient tout permis et au-dessus de tout jugement. Comme souvent l’arrogance et le mépris cachent une certaine lâcheté, vous avez préféré démissionner au milieu de la tourmente ».
Lors des élections du 4 septembre 2012, il est réélu dans sa circonscription de Mercier. Cette fois-ci, Françoise David l’accompagne à l’Assemblée nationale. Aux élections d’avril 2014, Khadir et David sont reconduits dans leur mandat; une troisième députée de Québec solidaire, Manon Massé, se joint à eux, obtenant plus de 30 % des suffrages exprimés. Depuis le 5 mai 2013, Andrés Fontecilla remplace Khadir comme porte-parole masculin de la formation politique aux côtés de Françoise David.
Controverses
Depuis son élection en 2008, le député Khadir a été au cœur de plusieurs controverses. La plus connue est sans doute celle entourant son lancer de soulier sur une effigie du président George W. Bush, devant le consulat des États-Unis à Montréal; un geste pour lequel il s’est ensuite excusé. À l’automne 2010, il parraine une pétition hébergée par le site de l’Assemblée nationale, réclamant la démission du premier ministre Jean Charest. Cette pétition, qui a recueilli 247 379 signatures, est la pétition virtuelle officielle la plus signée de l’histoire du Québec.
Au printemps 2012, comme plusieurs autres personnalités publiques, il donne son appui au mouvement étudiant contre la hausse des frais de scolarité (voir La grève étudiante québécoise du printemps de 2012). Le 18 mai 2012, il invite la population québécoise à réfléchir à envisager la désobéissance civile à la suite de l’adoption du projet de loi 78 par le gouvernement Charest. Arrêté par la police début juin 2012, pour avoir participé à une manifestation illégale, il justifie son action en faisant référence à Martin Luther King et Gandhi : « Je fais ce que Martin Luther King aurait fait, ce que Gandhi aurait fait. Je ne me compare pas, mais c'est nos modèles ». Cette déclaration sera tournée en ridicule par la classe politique et notamment par Gilles Duceppe.
Héritage
Amir Khadir s’attaque avec fougue et conviction à des dossiers négligés par les autres élus. Sa verve et son engagement social ont fait de lui un acteur clé de l’arène politique québécoise. En plus du dossier sur le prix des médicaments, il a condamné l’exploitation de l’amiante chrysotile. Il a dénoncé les redevances dérisoires versées à l’État québécois par les compagnies minières (voir Exploitation minière), pris la défense des résidants de Malartic, en Abitibi face à une expropriation et réclamé un moratoire sur l’extraction de l’uranium sur la Côte-Nord. Avec son équipe, il a mis au jour une pratique de prête-noms qui aurait permis à des firmes d’ingénieurs de financer illégalement les principaux partis politiques québécois. Il est alors le premier député à demander une enquête publique sur le financement des partis politiques. Cela conduit à la mise sur pied de la Commission Charbonneau (Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction) à l’automne 2011.