En 1941, l’avionneur britannique A.V. Roe & Company, Ltd. (Avro) a mis au point le bombardier lourd Lancaster. Il était censé résoudre les problèmes de son prédécesseur infructueux, le Manchester. Le Lancaster est devenu, selon l’avis de plusieurs, le bombardier allié le plus remarquable de la Deuxième Guerre mondiale. Près de 7 400 Lancaster ont été construits et pilotés par des escadrons de la Grande-Bretagne, du Canada et d’autres pays du Commonwealth. Parmi eux, 430 ont été construits au Canada.
Origine
En 1936, Avro répond à une demande de la Royal Air Force (RAF) pour un bombardier bimoteur propulsé par deux moteurs Rolls-Royce Vulture. Le résultat en est le Manchester, qui vole pour la première fois en juillet 1939 et entre en combat en février 1941. Le moteur Vulture n’a cependant pas de succès et peu de Manchester sont construits.
Avro propose alors un Manchester redessiné, propulsé par quatre moteurs Rolls-Royce Merlin, le même moteur que celui utilisé dans le célèbre Supermarine Spitfire. (Voir aussi Hawker Hurricane.) Ce nouveau bombardier est le Lancaster. En janvier 1941, il effectue son premier vol; la production commence et le Lancaster entre en combat au début de l’année 1942.
Description
Le Lancaster a une envergure de 31 m et il fait 21 m de longueur. Chacun de ses moteurs développe une puissance de 1460 chevaux, ce qui lui confère une vitesse maximale de 450 km/h et un plafond de 7 500 m. Il peut transporter 6 350 kg de bombes avec un rayon d’action de 2 670 km à 320 km/h.
Le Lancaster contient un équipage de sept personnes : le pilote, le mécanicien de bord, le viseur de bombes/mitrailleur avant, le navigateur, l’opérateur radio, le mitrailleur dorsal et le mitrailleur arrière. Le mitrailleur dorsal et le viseur de bombe contrôlent chacun deux mitrailleuses de calibre 0,303, tandis que le mitrailleur arrière en utilise quatre. Plus tard, sur certains modèles, le mitrailleur dorsal et le mitrailleur arrière contrôlent chacun deux mitrailleuses lourdes de calibre 0,50.
Production canadienne
En septembre 1941, on décide de construire des Lancaster au Canada. Il s’agit d’une tâche colossale pour un pays qui a une petite base manufacturière et qui se remet encore de la crise des années 1930. Une nouvelle société d’État, Victory Aircraft Ltd, est établie à Malton (voir Mississauga) en Ontario, en novembre 1942, pour construire les bombardiers.
Les dessins arrivent en janvier 1942. En août, un Lancaster s’envole pour le Canada afin de servir de modèle principal pour la production. Le Lancaster canadien, connu sous le nom de Mk. X, diffère de la version britannique. Les moteurs sont des Packard Merlin fabriqués aux États-Unis au lieu de moteurs britanniques. Tous les instruments et l’équipement radio sont également nord-américains.
Le premier Lancaster canadien, surnommé « Ruhr Express », sort de la chaîne de montage le 1er août 1943, un an seulement après l’arrivée de l’avion modèle. La production au Canada arrive finalement à fabriquer un avion par jour alors que la main-d’œuvre passe de 3300 à plus de 9500 personnes, dont un quart sont des femmes. (Voir aussi Les femmes canadiennes et la guerre.)
Au total, 430 Lancaster sont construits au Canada : 422 bombardiers et 8 avions de transport de longue distance. Ces derniers transportent le courrier destiné aux militaires en Europe et au personnel clé en temps de guerre. À leur arrivée en Grande-Bretagne, les bombardiers Mk. X sont affectés aux escadrons de l’Aviation royale du Canada (ARC) du groupe No 6.
Le saviez-vous?
Une centaine de Lancaster canadiens ont été perdus durant la guerre : 70 ont disparu au combat et 30 autres se sont écrasés pendant l’entraînement ou lors du retour en Grande-Bretagne après une mission. Lorsque la guerre a pris fin en Europe, trois escadrons de Lancaster de l’ARC ont ramené d’anciens prisonniers de guerre en Grande-Bretagne.
Service en temps de guerre
Presque tous les Lancaster sont utilisés dans la campagne de bombardement stratégique nocturne contre des cibles en Allemagne et dans l’Europe occupée par les Allemands. Les Lancaster transportent généralement une charge mixte d’explosifs puissants et de petites bombes incendiaires.
Au cours de la campagne de bombardement stratégique, les équipages doivent faire face à des défenses redoutables sous la forme de chasseurs de nuit et de batteries antiaériennes allemandes. Ils sont également exposés à d’autres risques comme le givrage, la foudre et les défaillances structurelles.
Le taux de pertes qui en résulte est effroyable et il est comparable à celui de la guerre des tranchées sur le front occidental durant la Première Guerre mondiale. Malgré les pertes, les Canadiens continuent à se porter volontaires pour devenir membres d’équipage des bombardiers et, une fois leur entraînement terminé, ils participent à des missions de bombardement nuit après nuit, tout en sachant que leurs chances de succès sont minces.
Les Lancaster en service dans l’ARC
Des milliers de Canadiens volent dans les escadrons de Lancaster de la RAF; un tiers des équipages du Bomber Command sont canadiens.
Au sein du Bomber Command de la RAF, l’ARC forme le 6e Groupe, qui compte 14 escadrons à la fin de la guerre. À la fin de 1944, tous les escadrons, sauf un, sont équipés de différentes marques de Lancaster, dont sept sont équipés d’appareils construits au Canada. Lorsque la guerre se termine, le 6e Groupe a effectué près de 41 000 sorties et a largué plus de 126 000 tonnes de bombes, au prix de la perte de 814 appareils.
Au total, environ 10 000 Canadiens sont tués alors qu’ils servent dans des escadrons de bombardiers, ce qui inclut les décès opérationnels, les décès liés à l’entraînement et les décès accidentels.
Deux des quatre Croix de Victoria qui sont décernées à des aviateurs canadiens de la Deuxième Guerre mondiale vont à des membres d’équipage de Lancaster à titre posthume; le sous-lieutenant d’aviation Andrew Mynarski était mitrailleur de bord, tandis que le chef d’escadron Ian Bazalgette était pilote. Les deux hommes sont morts des actes qui leur ont valu la Croix de Victoria.
Après la capitulation de l’Allemagne, quelque 140 Lancaster sont envoyés au Canada pour équiper la « Tiger Force », un groupe de bombardiers lourds du Commonwealth chargé de mener la guerre au Japon. Les bombardiers sont assemblés à l’entrepôt de réparation de l’ARC à Scoudouc au Nouveau-Brunswick, mais le largage de deux bombes atomiques met fin à la guerre et la Tiger Force est dissoute.
Le saviez-vous?
Les conditions météorologiques à Scoudouc n’étant pas propices à l’entreposage des avions, les Lancaster de la Tiger Force ont été acheminés par vol vers des bases aériennes récemment fermées dans le sud de l’Alberta. De nombreux avions ont été vendus à la ferraille ou à des agriculteurs pour des montants de 250 $ à 350 $.
Après la guerre, environ 230 Lancaster sont convertis pour être utilisés par l’ARC dans différents rôles. Ces rôles comprennent la reconnaissance et la patrouille maritimes, la recherche et sauvetage, ainsi que les relevés photographiques dans le nord du Canada. Les Lancaster servent dans l’ARC jusqu’en avril 1964.
Monuments commémoratifs
Bien qu’il y ait 17 Lancaster survivants dans le monde de nos jours, 15 sont désormais des monuments commémoratifs ou des pièces de musée, et seulement deux de tous les milliers d’appareils construits peuvent encore voler. L’un d’eux fait partie du Battle of Britain Memorial Flight de la RAF (voir aussi Bataille d’Angleterre), tandis que l’autre se trouve au Canadian Warplane Heritage Museum de l’aéroport international de Hamilton en Ontario.
Le saviez-vous?
En 1945, une société britannique a acheté Victory Aircraft et a créé Avro Canada. Son avion le plus célèbre était le chasseur biréacteur supersonique avancé, le CF-105 Arrow. Le Arrow a fait l’objet d’essais en vol, mais il n’a jamais été produit, car le gouvernement l’a annulé en 1959. (Voir aussi Avro CF-100 Canuck.)