Dans la bataille de Coronel, les vaisseaux de la redoutable Escadre d’Extrême-Orient allemande ont infligé une défaite à une escadre beaucoup moins puissante de la Royal Navy. L’engagement a eu lieu le long de la côte du Chili, près de la ville portuaire de Coronel, le 1er novembre 1914. Quatre aspirants de marine de la Marine royale canadienne ont sombré avec le vaisseau amiral britannique. Ils étaient les premiers Canadiens à perdre la vie durant la Première Guerre mondiale.
Escadre d’Extrême-Orient allemande
L’Escadre d’Extrême-Orient allemande, basée dans le port chinois de Tsingtao (Qingdao), est chargée de protéger les intérêts du pays dans la région pacifique. En 1914, l’Allemagne (comme l’Angleterre, la France, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis) dispose de plusieurs possessions coloniales dans le Pacifique, dont des parties du Samoa, de la Nouvelle-Guinée et des îles Salomon, ainsi que Nauru et les îles Marshall.
L’escadre est commandée par le vice-amiral Graf (comte) Maximilian von Spee. Elle est composée de deux croiseurs cuirassés modernes, le Scharnhorst et le Gneisenau, et de trois des plus récents croiseurs légers, l’Emden (plus tard remplacé par le Dresden), le Leipzig et le Nürnburg. Le Scharnhorst et le Gneisenau sont équipés chacun de huit canons de 8,2 pouces et six canons de 6 pouces, tandis que les croiseurs légers disposent chacun de dix canons de 4 pouces.
Lorsque l’Angleterre déclare la guerre à l’Allemagne, le 4 août 1914, l’escadre de von Spee se trouve en mer. Jugeant qu’il n’est pas en mesure de défendre Tsingtao ou une des possessions de l’Allemagne dans le Pacifique, il décide plutôt d’attaquer les navires marchands alliés à l’ouest de la côte de l’Amérique du Sud. Il prend la direction de Valparaiso, au Chili, où une importante population d’immigrants allemands devrait l’aider à obtenir des renseignements et des approvisionnements, particulièrement du charbon.
Réponse britannique
Bien qu’ils ne soient pas certains des intentions de von Spee, les Alliés redoutent qu’il attaque les navires marchands dans le sud du Pacifique puis dans le sud de l’Atlantique. L’amirauté britannique décide donc de créer une escadre sud-américaine, commandée par le contre-amiral sir Christopher Cradock. Les vaisseaux dont dispose la nouvelle escadre ne sont pas de premier ordre et sont généralement inférieurs à ceux de l’escadre allemande.
Le vaisseau amiral de sir Cradock est le HMS Suffolk, mais l’amirauté lui ordonne de changer pour le croiseur cuirassé HMS Good Hope. Tandis que le Good Hope vogue de l’Angleterre vers Halifax, en Nouvelle-Écosse, en vue du transfert, le Suffolk s’y trouve, les 13 et 14 août, pour faire le plein de charbon. Sept aspirants de marine de la Marine royale canadienne (MRC), familièrement appelés « middies », se sont portés volontaires pour se joindre au navire. Pour une raison inconnue, sir Cradock n’attend pas le Good Hope, et le Suffolk appareille le 14 août.
Le Good Hope arrive à Halifax le 15 août et prend la mer le même jour pour rattraper le Suffolk. Lorsqu’il rejoint celui-ci, sir Cradock est transporté d’un vaisseau à l’autre à bord d’une chaloupe. Quatre aspirants de marine de la MRC sont aussi transférés sur le Good Hope.
Le saviez-vous?
Les quatre aspirants de marine canadiens qui se trouvaient à bord du HMS Good Hope étaient des diplômés récents de la première promotion de l’École navale de la Marine royale canadienne de Halifax. L’amiral britannique Christopher Cradock avait spécifiquement choisi William Palmer de Halifax, qui était premier de sa classe, et Arthur Silver, aussi de Halifax, qui avait été élève-officier capitaine. Malcolm Cann, de Yarmouth, Nouvelle-Écosse, et John Victor Hatheway, de Fredericton, Nouveau-Brunswick, avaient été choisis par tirage au sort.
Le Good Hope est équipé de deux canons avec tourelles simples avant et arrière de 9,2 pouces et de seize canons de 6 pouces installés en casemates dépassant de chaque côté du navire. Ces canons de 6 pouces sont facilement noyés lorsque la mer est agitée, et leur tir est difficile à ajuster.
Les autres vaisseaux de l’escadre de sir Cradock sont le HMS Glasgow, un croiseur moderne légèrement cuirassé, le HMS Monmouth, un croiseur protégé, et le Otranto, un paquebot converti en croiseur marchand cuirassé. Le Glasgow est le plus rapide des vaisseaux de sir Cradock, mais ses canons de 6 pouces sont montés de la même manière que ceux du Good Hope et souffrent des mêmes limitations.
Bataille de Coronel
Sir Cradock traverse le détroit de Magellan le 27 octobre et remonte la côte ouest du Chili à la recherche de l’escadre allemande. Le 1er novembre, à la nuit tombante, les Britanniques interceptent les Allemands à 80 km de Coronel. Les vaisseaux de von Spee sont plus rapides et ont une plus grande portée de tir, et leur bordée combinée est deux fois supérieure à celle des vaisseaux britanniques. En outre, les équipages des croiseurs allemands Scharnhorst et Gneisenau viennent de remporter la compétition de tir de la Marine impériale allemande.
À 19 h 04, les puissants croiseurs britanniques ouvrent leu feu avec leurs canons de 8,2 pouces. La troisième salve du Scharnhorst touche directement le Good Hope, neutralisant sa tourelle avant de 9,2 pouces. Pendant ce temps, la deuxième salve du Gneisenau touche directement le Monmouth. Puis les tirs se succèdent sur le Good Hope et le Monmouth. En moins d’une heure, les deux vaisseaux de la Royal Navy sont en flammes, et sombrent sans le moindre survivant. Plus de 1 600 marins sont disparus, incluant les quatre aspirants de marine canadiens. Ils sont les premiers Canadiens à perdre la vie au combat pendant la Première Guerre mondiale.
Le Glasgow et l’Otranto s’échappent et rapportent la nouvelle du désastre. La bataille de Coronel est la première défaite que subit la Royal Navy depuis plus d’un siècle. En plus de secouer l’amirauté et l’opinion publique britannique, elle accroît la crainte d’une attaque navale allemande en Colombie-Britannique.
Bataille des Falklands
Sans perdre de temps, les Britanniques assemblent une nouvelle escadre puissante comprenant deux croiseurs de bataille, quatre croiseurs ainsi que le Glasgow afin de neutraliser l’escadre de l’amiral von Spee, qui se dirige vers le sud de l’océan Atlantique. Le 7 décembre, la force britannique se rassemble à Port Stanley, dans les îles Falkland, pour se préparer avant de prendre la direction du Pacifique à la recherche de l’escadre allemande.
Le lendemain, l’escadre allemande est en vue. La plupart des navires britanniques se ravitaillent en charbon et ne peuvent partir immédiatement à la poursuite de von Spee, qui vogue vers le sud-est. Deux heures plus tard, les deux croiseurs de bataille, l’Invincible et l’Inflexible, quittent le port. Plus rapides que les vaisseaux allemands, ils rattrapent rapidement von Spee. À l’aide de leurs canons de 12 pouces, ils coulent le Scharnhorst et endommagent sérieusement le Gneisenau, que son capitaine décide de saborder. À peu près simultanément, les autres croiseurs britanniques coulent le Leipzig et le Nürnberg, qui se dirigeaient vers le sud.
Le Dresden parvient à s’échapper dans l’océan Pacifique. Plutôt que d’engager le combat, l’équipage décide de saborder le bateau après avoir aperçu les deux croiseurs britanniques, le 14 mars 1915. Sur les quelque 2 200 marins allemands qui se trouvaient à bord des quatre vaisseaux de guerre coulés, seulement 215 sont rescapés. La menace des navires de surface allemands contre le transport marchand allié est éliminée.