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Tarification du carbone au Canada

La tarification du carbone fait référence à un coût imposé à la combustion des combustibles fossiles utilisés par l’industrie et les consommateurs. La tarification peut être fixée soit de façon directe, par le biais d’une taxe sur le carbone, soit de façon indirecte, par le biais d’un système de plafonnement et d’échange de droits d’émission. La tarification du carbone vise à établir les coûts publics des émissions de gaz à effet de serre (GES) et à reporter le fardeau des dommages aux émetteurs d’origine, en vue de les contraindre à réduire leurs émissions. En 2016, le premier ministre Justin Trudeau a fait l’annonce d’une politique nationale sur le changement climatique qui comprend un système de tarification du carbone appliqué à l’ensemble du Canada. Les provinces peuvent soit créer leur propre système en vue de respecter les exigences fédérales, soit se voir imposer une taxe fédérale sur le carbone. Neuf provinces et territoires ont leur propre plan de tarification du carbone qui respecte les exigences fédérales. Ottawa a imposé sa propre taxe sur le carbone en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario.

Centrale thermique alimentée au charbon

Mots-clés

Taxe sur le carbone : dans le cadre d’une taxe sur le carbone, un État réclame directement des montants aux entreprises qui brûlent ou distribuent des combustibles fossiles (généralement par unité d’émission de carbone). Les entreprises peuvent répercuter ce coût aux consommateurs; par conséquent, une taxe sur le carbone peut augmenter le prix de l’essence et du mazout domestique. Plafonnement et échange : un système de plafonnement et d’échange crée un marché pour les émissions de carbone. Un État impose une limite – ou un « plafond » – d’émissions totales de carbone au sein de son territoire de compétence. La limite diminue au fil du temps en vue de respecter un objectif d’émissions. Les entreprises s’échangent alors des permis entre elles, dans un système de commercialisation réglementé.

Contexte

Depuis des décennies, les spécialistes du climat mettent en garde les gouvernements quant aux conséquences possibles de l’émission de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. (Voir Changement climatique; Climat et société.) En 1998, le gouvernement du premier ministre Jean Chrétien signe le Protocole de Kyoto, convenant de réduire les émissions à 6 % en deçà des niveaux de 1990 d’ici la fin de 2012. Le Protocole de Kyoto permet l’« échange de droits d’émission » – communément appelé « plafonnement et échange » – entre les pays en vue de maintenir les émissions mondiales en deçà d’une limite établie. Les gouvernements libéraux de Jean Chrétien et de Paul Martin ne mettent toutefois pas en œuvre un système de tarification du carbone en vue de respecter ces objectifs. Lors de son accession au pouvoir en 2006, le premier ministre conservateur Stephen Harper s’oppose au Protocole de Kyoto. Son gouvernement se retire officiellement de cet accord en 2011. À l’époque, les émissions du Canada sont 30 % supérieures à l’objectif établi dans le cadre du Protocole de Kyoto. Durant le reste de l’époque Harper, le Canada ne prendra que peu de mesures pour réduire les émissions de carbone.

Durant la campagne électorale fédérale de 2015, le chef libéral Justin Trudeau promet de mettre en œuvre un plan de tarification du carbone à l’échelle du Canada; ce plan permettra aux provinces d’imposer leur propre plan, tant qu’elles respectent les normes fédérales. Après son élection, Justin Trudeau et plusieurs premiers ministres provinciaux prennent part au sommet sur les changements climatiques de Paris qui se déroule en décembre 2015. Le sommet se conclut par un accord international visant à limiter l’augmentation moyenne de la température mondiale à 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Afin de respecter sa part de l’accord, le Canada promet de réduire les émissions de GES de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030.

Plans provinciaux

Avant que le gouvernement Trudeau propose son plan national de tarification du carbone, certaines provinces canadiennes avaient déjà créé leur propre programme.

En 2007, l’Alberta commence à réclamer des droits de 15 $ par tonne d’émissions de dioxyde de carbone supérieure à une limite établie. En 2015, le gouvernement du Nouveau Parti démocratique (NPD) nouvellement élu et dirigé par la première ministre Rachel Notley adopte un plan de taxe sur le carbone; il fait passer le prix des émissions à 20 $ la tonne en 2017, puis à 30 $ la tonne en 2018. En 2019, le gouvernement du Parti conservateur uni (UCP), dirigé par Jason Kenney, élimine la taxe sur le carbone de l’Alberta.

Le Québec adopte lui aussi la taxe sur le carbone de façon précoce. La province instaure une taxe modeste à partir de 2007, ainsi qu’un programme de plafonnement et d’échange à partir de 2013. En vertu de ce système, le Québec se joint à la Californie dans le cadre d’un « marché du carbone » qui permet aux entreprises d’acheter et de vendre des permis d’émission délivrés par cette province et par cet État.

En 2008, la Colombie-Britannique instaure la première taxe sur le carbone généralisée au Canada. Elle s’applique à l’essence et au mazout domestique, ainsi qu’aux activités industrielles. À l’origine, elle s’établit à 10 $ par tonne de dioxyde de carbone émis, pour atteindre les 40 $ par tonne en 2019. Il était prévu que cette taxe atteigne les 50 $ par tonne en 2021, mais, en raison de la pandémie de COVID-19, cette province ne l’augmente qu’à 45 $ la tonne le 1er avril 2021. Une augmentation à 50 $ est prévue pour le 1er avril 2022. À l’origine, la taxe de la Colombie-Britannique est « sans incidence sur les recettes ». Cela signifie qu’elle vise à diminuer d’autres taxes. Mais cette province prévoit désormais d’utiliser les montants recueillis par le biais de cette taxe pour accorder des remises gouvernementales aux familles et pour investir dans des solutions en matière de changement climatique.

En 2018, l’Ontario se joint au marché de plafonnement et d’échange Québec-Californie. La première ministre libérale Kathleen Wynne est toutefois remplacée par le premier ministre progressiste-conservateur Doug Ford plus tard cette année-là. Doug Ford annule le programme de plafonnement et d’échange de l’Ontario dès sa première semaine en fonction.

Politique nationale sur la tarification du carbone

À la conférence des premiers ministres tenue à Vancouver en mars 2016, le premier ministre Justin Trudeau et les premiers ministres provinciaux concluent une entente sur la nécessité d’une stratégie nationale destinée à respecter l’objectif de réduction des émissions de 2030. La Déclaration de Vancouver, publiée le 3 mars, stipule que les premiers ministres provinciaux se sont engagés à assurer « une transition vers une économie sobre en carbone en adoptant une vaste gamme de mesures appropriées au pays, notamment à l’aide de mécanismes d’instauration d’un prix sur le carbone adaptés aux circonstances de chaque province et de chaque territoire… »

Après des mois de débats et de désaccords continus entre les provinces, Justin Trudeau annonce, en octobre 2016, le nouveau plan de tarification du carbone du gouvernement fédéral. Ottawa exige alors que toutes les provinces et tous les territoires disposent d’un système de tarification du carbone. Dans le cas des provinces imposant une taxe sur le carbone, cette dernière doit initialement s’établir à un minimum de 10 $ par tonne, pour ensuite être augmentée annuellement de 10 $ par tonne, jusqu’à atteindre 50 $ par tonne en 2022. Dans le cas des provinces adoptant une approche de plafonnement et d’échange, le plafond d’émission doit être réduit au fil du temps, de façon à ce que le Canada soit en mesure d’atteindre son objectif de GES de 2030.

Ottawa entend imposer sa propre taxe aux provinces qui ne respectent pas les exigences fédérales. Justin Trudeau promet toutefois que tout montant recueilli par le biais d’une taxe fédérale sera restitué aux gouvernements provinciaux, qui pourront alors en disposer à leur guise.

En avril 2019, le gouvernement fédéral impose une taxe sur le carbone à la Saskatchewan, au Manitoba, à l’Ontario et au Nouveau-Brunswick. L’Île-du-Prince-Édouard, le Nunavut et le Yukon choisissent l’application du programme fédéral, en tout ou en partie. Le reste des provinces disposent déjà de programmes conformes aux exigences fédérales. Le Nouveau-Brunswick passe ensuite à un plan provincial approuvé de tarification du carbone. L’Alberta annule sa taxe sur le carbone lors de l’élection du chef de l’UCP Jason Kenney en 2019 et commence à payer une taxe fédérale sur le carbone de 20 $ par tonne le 1er janvier 2020; il est alors prévu que cette taxe soit augmentée à 30 $ par tonne en avril 2020, puis à 50 $ par tonne en 2022.

Opposition au plan fédéral

Le plan fédéral se heurte à une forte opposition, particulièrement de la part du premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, et de celui du Manitoba, Brian Pallister. La Saskatchewan poursuit le gouvernement fédéral en justice, déclarant que, en vertu de la Constitution, Ottawa n’a pas le droit d’imposer une tarification du carbone aux provinces. Deux autres contestations sont soulevées par le gouvernement progressiste-conservateur de l’Ontario et par le gouvernement de l’UCP de l’Alberta. Ces trois appels distincts cheminent au sein des tribunaux provinciaux, jusqu’à atteindre la Cour suprême du Canada. Le 25 mars 2021, la Cour juge que la taxe sur le carbone fédérale est constitutionnelle, rendant sa décision à l’encontre des provinces par six voix contre trois.

Fin 2020, le gouvernement Trudeau fait passer son objectif de réduire les émissions de GES de 32-40 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. Pour atteindre cet objectif, il propose d’augmenter annuellement la taxe fédérale sur le carbone de 15 $ par tonne après 2022, pour qu’elle atteigne les 170 $ par tonne en 2030. Le gouvernement propose également une loi visant à contraindre le Canada à atteindre zéro émission nette d’ici 2050.

Incidence de la tarification du carbone

La tarification du carbone est en quelque sorte une expérimentation économique. (Voir également Réglementation de l’économie.) Les répercussions économiques à long terme ne sont pas encore claires, et on ne comprend pas non plus parfaitement le niveau que doit atteindre une taxe en vue de réduire les émissions. Les détracteurs de la taxe sur le carbone, comme les membres du gouvernement provincial de la Saskatchewan, font valoir que cette taxe constitue un fardeau injustement imposé aux consommateurs et qu’elle rend les provinces moins concurrentielles.

Un examen réalisé en 2016 par la Banque mondiale a révélé que la taxe sur le carbone avait peu d’incidence sur la compétitivité économique d’une juridiction. Une étude sur la taxe sur le carbone réalisée en 2015 en Colombie-Britannique indique que la taxe parvient à faire diminuer les émissions, avec une incidence « négligeable » sur l’activité économique. Cependant, le gel de la taxe à 30 $ par tonne depuis 2012 a effectivement porté préjudice à quelques industries à fortes émissions, comme celle de la fabrication de ciment.

Voir également Imposition au Canada; Gaz naturel au Canada; Pétrole et gaz naturel; Sables pétrolifères.