Les communautés des réserves routières ont été le foyer des familles métisses de la fin des années 1800 jusque dans la deuxième moitié du 20e siècle. Le peuple métis a utilisé les réserves routières comme nouvelles communautés d’appartenance après avoir subi des relocalisations, des migrations et la dépossession de ses terres natales. Après de la résistance et de la violence au cours et à la suite de la Résistance de la rivière Rouge de 1869 à 1870, et la Résistance du Nord-Ouest en 1885, les Métis ont été marginalisés et étiquetés comme étant rebelles et difficiles par le gouvernement du Canada et les provinces.
Communautés des réserves routières
Le terme réserve routière tient son origine de l’espace désigné qui est mesuré entre une route pavée ou non pavée et la limite de l’endroit où est marquée la section de terrain privé, municipal, provincial, ferroviaire ou de terre de la Couronne. Forcés à l’intérieur des marges géographiques et économiques de la société canadienne, les Métis construisent des communautés des réserves routières sur des portions de terres inutilisées qui se trouvent généralement à la frontière d’une plus grande communauté non autochtone, d’une réserve des Premières Nations, ou dans des régions rurales moins peuplées. Les communautés des réserves routières sont également souvent construites à côté des routes, le long des terres agricoles, des lacs, les rivières, des ruisseaux, des voies ferrées, des installations hydroélectriques, près des petits villages et à l’intérieur des grandes régions urbaines (voir Rooster Town). À la fin des années 1800 et au cours de la première moitié des années 1900, il est courant pour les Métis d’être confrontés à la dépossession. En conséquence, ils font de leur mieux avec ce qu’il leur reste, ce qui est une pratique courante chez les Métis en ce qui concerne les ressources ou les terres.
Vie quotidienne sur les réserves routières
Des souvenirs de la vie sur les réserves routières ont été enregistrés par les aînés métis et dans les histoires orales métisses. Les expériences de la vie sur les réserves routières varient. Plusieurs se souviennent d’années éprouvantes, de pauvreté, et de racisme et discrimination graves. D’autres se souviennent de cette époque avec affection, alors qu’ils vivaient au sein de familles élargies et nombreuses, qu’ils se débrouillaient bien avec ce qu’ils avaient, qu’ils faisaient du sport, des courses de chevaux, de la danse et de la musique en communauté. Il était d’usage pour les Métis d’accueillir les visiteurs dans leur communauté, et peu importe s’ils ne possédaient eux-mêmes que très peu, un invité ne repartait jamais chez lui le ventre vide. La vie sociale, économique et politique des Métis se perpétuait même si ces actions demeuraient invisibles aux yeux du « reste du Canada ».
Communautés en marge
Les communautés des réserves routières ne sont pas imposables et ne sont pas rattachées aux municipalités. Par conséquent, elles ne sont pas reliées aux services et soutiens, comme la livraison de la poste à domicile, l’eau courante, l’électricité et le déneigement. Dans plusieurs cas, elles n’ont pas accès à des écoles publiques. Les communautés métisses doivent fonctionner sans infrastructures ou soutiens, et plusieurs doivent instruire leurs enfants par eux-mêmes ou dans des écoles gérées par l’Église. Les communautés sont limitées en ressources; cependant, les familles métisses partagent des souvenirs de sentiments de sécurité et de protection même lorsqu’ils ont à faire face à la discrimination ou aux migrations forcées.
Souvent associées à la pauvreté ou à une image de « squatters », les communautés des réserves routières sont autosuffisantes et sont soutenues par les Métis qui travaillent comme ouvriers, couturiers, cuisiniers, nettoyeurs, pêcheurs/pêcheuses commerciaux ou ouvriers agricoles.
Le peuple libre : les Métis
Les réserves routières sont des espaces permettant aux Métis de mener leurs vies communautaires en tant que « peuple libre » ou Otipemisiwak, le peuple qui s’appartient. Dans de nombreuses communautés, plusieurs langues sont parlées, incluant la langue métisse, le mitchif. De plus, les pratiques traditionnelles et culturelles sont perpétuées à l’intérieur des communautés des réserves routières. Durant les années de marginalisation et d’oppression, les réserves routières fournissent également un espace pour maintenir les langues et les cultures vivantes. Ces communautés sont aussi des lieux où des liens forts se tissent, des liens qui unissent les familles même après qu’elles aient déménagé ou qu’elles aient été forcées de quitter leurs terres et leurs domiciles. Les communautés des réserves routières deviennent également des points de contact culturels. Décrite de manière célèbre par des auteurs et des artistes métis, dont Maria Campbell et Sherry Farrell Racette dans Stories of the Road Allowance People, la vie sur les réserves routières est illustrée dans de nombreuses chansons (voir Musique des Métis), de nombreux poèmes, films, dans les arts visuels, et en langue mitchif.
L’effondrement des communautés des réserves routières
La période des réserves routières se termine entre les années 1930 et 1960 dans la plupart des régions de l’Ouest canadien. La force est utilisée pour chasser les Métis de leurs terres dans plusieurs communautés. Les maisons sont brûlées et les familles sont déplacées pour faire de l’espace pour les pâturages coopératifs. Plusieurs autres endroits, incluant les communautés près de Fort McMurray en Alberta et Park Valley dans le centre-nord de la Saskatchewan, sont toujours en activité pendant une période se terminant respectivement dans les années 1980, et au début des années 2000. Il est à noter que le manque de logement demeure un enjeu pour de nombreux Métis, et que par conséquent, certains d’entre eux vivent toujours sur des portions de terres inutilisées ou désorganisées.