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Compagnie des Cent-Associés

La Compagnie de la Nouvelle‑France, ou Compagnie des Cent‑Associés, comme on l’appelait plus communément, a été formée en France en 1627. Elle avait pour objectif de peupler la Nouvelle‑France, et bénéficiait, en échange, d’un monopole sur presque tout le commerce colonial. Elle a pris des mesures audacieuses, mais a subi de nombreux revers. La Compagnie a été dissoute en 1663. En dépit du faible rendement qu’elle a obtenu sur ses investissements, elle a tout de même contribué à faire de la Nouvelle‑France une colonie viable.

Fondation et objectif

Au 16e siècle, la France, l’Espagne, le Portugal et la Grande‑Bretagne se disputent la domination de l’Europe et du monde. Dans ce contexte, ces grandes puissances sont en concurrence pour établir des colonies en Amérique du Nord (voir aussi Amérique du Nord britannique). Les explorateurs français, comme Jacques Cartier, arrivent sur les terres du futur Canada dans les années 1530. En 1608, l’explorateur et cartographe français Samuel de Champlain crée une petite colonie là où se trouve aujourd’hui Québec. Il collabore également avec plusieurs Premières Nations pour créer un réseau de traite des fourrures qui s’étend jusqu’à la rivière des Outaouais et jusqu’aux Grands Lacs.

Le roi de France, Louis XIII, est alors principalement préoccupé par les questions intérieures et par la guerre de Trente Ans (1618‑1648), ce qui l’amène à concéder à des compagnies privées le pouvoir d’organiser et de gouverner la Nouvelle‑France et de tirer des bénéfices de la pêche et de la lucrative traite des fourrures. Au milieu des années 1620, on estime à environ 55 le nombre de personnes d’origine européenne, principalement des jeunes hommes célibataires, vivant en Nouvelle‑France.

Le cardinal de Richelieu, un homme puissant, principal ministre d’État du roi Louis XIII (l’équivalent d’un premier ministre d’aujourd’hui) et également évêque catholique, se rend compte que la colonie n’a pas délivré son plein potentiel. Il exerce alors une énorme influence sur le roi et sur les affaires françaises. En 1626, Richelieu décide que la meilleure façon de construire la colonie consiste à abolir les compagnies commerciales rivales et à créer une nouvelle compagnie.

Il réunit alors cent personnes : des marchands, des financiers et des titulaires de charge publique. Chacun d’entre eux accepte de payer 3 000 livres pour souscrire à la Compagnie de la Nouvelle‑France. Le fait que le nombre de ces investisseurs soit un chiffre rond popularise la nouvelle compagnie sous le nom de Compagnie des Cent‑Associés. Richelieu est, lui‑même, le 1er associé de la nouvelle compagnie, tandis que Samuel de Champlain en est le 52e. Dirigée par 12 administrateurs, elle obtient un droit de propriété sur des terres s’étendant du sud au nord, de la Floride à l’Arctique, et vers l’ouest jusqu’aux confins des terres connues. Elle a pour mandat de transporter 4 000 colons en Nouvelle‑France, avant 1653, et de subvenir à leurs besoins pendant trois ans. En contrepartie, elle obtient le droit d’exercer un contrôle monopolistique sur l’ensemble du commerce colonial, sauf sur la morue et sur les baleines.

Les commerçants de fourrure à Montréal

Échecs

La France et l’Angleterre sont en guerre depuis 1625, ce qui rend les voyages transatlantiques assez dangereux. Néanmoins, au printemps 1628, la Compagnie affrète un navire, transportant de la nourriture et des provisions, jusqu’à Québec, puis quatre autres navires, avec à leur bord 400 colons. Des bâtiments britanniques, lourdement armés, capturent le vaisseau de ravitaillement français et incendient des colonies françaises le long du Saint‑Laurent. Le chef britannique, David Kirke, envoie un message exigeant la reddition de Québec à Samuel de Champlain qui refuse d’obtempérer.

Les navires français tentent alors, à l’abri du brouillard, de passer la flotte britannique, mais ils sont repérés. Une bataille s’ensuit, qui se termine par la capture des bâtiments de la Compagnie des Cent‑Associés. David Kirke renvoie les passagers et l’équipage en France et retourne, lui‑même, en Angleterre. La première entreprise de la nouvelle compagnie s’avère donc un échec lamentable.

L’année suivante, David Kirke revient à la tête d’une flotte plus importante. En juillet 1629, il s’empare de l’ensemble du territoire de la Nouvelle‑France, notamment de Québec, permettant à la Compagnie britannique des Aventuriers au Canada de prendre le contrôle du commerce colonial du poisson et de la traite des fourrures. Samuel de Champlain est fait prisonnier et emmené en Grande‑Bretagne. Cependant, à son arrivée, il réalise que la guerre franco‑anglaise s’est terminée en avril, trois mois avant la chute de Québec. En collaboration avec l’ambassadeur de France, il convainc les autorités britanniques que la prise de Québec était donc illégale. Il fait valoir que la Grande‑Bretagne se devait de respecter le traité de Saint‑Germain‑en‑Laye qui avait mis fin à la guerre et stipulait que la Nouvelle‑France, y compris l’Acadie, devait immédiatement revenir sous contrôle français. Le roi d’Angleterre Charles I finit par accepter les exigences des Français.

La perte de la Nouvelle‑France avait, en l’absence de profits, laissé la Compagnie des Cent‑Associés face à des dettes énormes. De l’investissement de départ de 300 000 livres, il n’en reste plus que 30 000. Les administrateurs empruntent néanmoins de l’argent supplémentaire et organisent, en 1630, l’envoi d’une flotte de cinq navires à destination de Québec. Cependant, Charles I proteste, estimant que ces navires sont armés et que leur envoi constitue donc un acte de guerre. Louis XIII se rend aux arguments du souverain britannique et arrête la flotte. Ce voyage sabordé constitue un nouvel échec pour la Compagnie.

Samuel de Champlain (faux portrait)
Faux portrait de Samuel de Champlain, basé sur une gravure de Michel Particelli d’Émery créée par Balthazar Moncornet en 1654. Bien qu’elle soit fausse, cette image est devenue l’une des plus souvent associées à l’explorateur, dont il n’existe aucune autre image connue.

Filiales

La Compagnie se réorganise alors en différentes filiales chargées de mettre en œuvre des entreprises plus limitées. À partir de 1631, ces filiales de la Compagnie établissent et renforcent des colonies et des forts français, à Fort Sainte‑Anne, sur l’île du Cap‑Breton; à proximité du site actuel de Saint John, au Nouveau‑Brunswick; à la pointe sud de la Nouvelle‑Écosse sur l’île du cap de Sable; et enfin sur l’île Miscou, au sud de la Gaspésie. Toutes ces implantations réussissent à débarrasser ces régions des colons et des marchands anglais encore présents et rétablissent les droits français sur la pêche et la traite, débouchant sur des colonies de peuplement françaises permanentes toujours plus importantes.

En 1632, la Compagnie crée une autre filiale qui aboutit à l’évacuation des marchands anglais qui exerçaient encore illégalement leurs activités à Québec. Richelieu nomme Samuel de Champlain, l’administrateur colonial le plus visionnaire et le plus compétent de France, pour reprendre le commandement de la colonie. Le printemps suivant, la Compagnie affrète trois navires transportant des vivres et 150 colons pour reconstruire Québec. Samuel de Champlain supervise, dans ce cadre, la construction de bâtiments et de routes. Il débarrasse le Saint‑Laurent des marchands français et britanniques qui n’ont pas de licence et rétablit des relations avec différentes nations autochtones : les Montagnais, les Hurons, les Haudenosaunee (Iroquois) et les Algonquins.

Chaque printemps, la Compagnie envoie des immigrants supplémentaires à Québec. Les colons s’installant dans des villages et dans des fermes seigneuriales le long du Saint‑Laurent ne sont plus désormais des hommes célibataires, mais bien des familles désireuses d’y élire domicile sur le long terme. À compter de 1625, des jésuites accompagnent cette nouvelle vague de colonisation. Ils font de Québec une société catholique et exercent une influence de plus en plus grande, avec, parfois, des conséquences fâcheuses parmi les Autochtones.

 

Intérieur d'une maison longue iroquoise

Disparition de la Compagnie des Cents‑Associés

Tandis que la Nouvelle‑France poursuit sa croissance, la Compagnie, elle, ne cesse de perdre de l’argent. En 1645, elle conserve la propriété des terres et le contrôle de l’administration coloniale, mais a dû céder le monopole de la traite des fourrures au Canada à la Compagnie des habitants en échange de 1 000 peaux de castor par an. Les dettes de la Compagnie sont alors écrasantes. À la fin des années 1650, elle ne compte plus que 36 investisseurs. Elle en appelle à l’aide du roi à plusieurs reprises, mais ses pétitions sont toutes rejetées.

Le roi met fin aux activités de la Compagnie des Cents‑Associés en 1663. Avec sa disparition, la Nouvelle‑France relève désormais de la gestion directe de la Couronne française, qui adopte alors d’autres mesures pour peupler la colonie (voir Filles du roi).

Voir aussi : Nouvelle‑France : Collection; La traite des fourrures : Chronologie; Exploration : Chronologie; Colonisation : Chronologie; Samuel de Champlain : Chronologie.