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Eleanor Collins

Elnora Ruth Collins (née Procter), C.M., chanteuse, actrice (née le 21 novembre 1919 à Edmonton, en Alberta; décédée le 3 mars 2024 à Surrey en Colombie britannique). Surnommée la « première dame du jazz » du Canada, Eleanor Collins a été la première femme canadienne, et la première artiste noire du Canada, à avoir sa propre émission de télévision nationale intitulée The Eleanor Show (1955) sur CBC TV. Souvent comparée à la chanteuse américaine Lena Horne, Eleanor Collins s’est produite dans de nombreuses émissions de variétés à la télévision et à la radio, ainsi que dans des boîtes de nuit. Elle est membre de l’Ordre du Canada, elle a été intronisée au BC Entertainment Hall of Fame, et elle est récipiendaire de nombreux prix pour l’ensemble de ses réalisations. Postes Canada a émis un timbre commémoratif en son honneur en janvier 2022.

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Jeunesse

Eleanor Collins grandit à Edmonton, en Alberta. Ses parents, d’ascendance noire et indienne créole, font partie de plus de 1000 colons noirs qui sont venus de l’Oklahoma pour s’installer dans les Prairies canadiennes. (Voir aussi Peuplement des terres; Amber Valley.)

Les premières expériences musicales d’Eleanor Collins ainsi que sa première formation musicale sont informelles. Dès l’enfance, elle chante des hymnes et des spirituals avec sa famille à leur église baptiste. Elle a un talent vocal naturel, et elle remporte un concours de chant en 1934 à l’âge de 15 ans. Par la suite, elle chante avec un groupe de danse à Edmonton, avec le groupe Three E’s, ainsi qu’à la station de radio CFRN.

Début de carrière

À la fin des années 1930, Eleanor Collins déménage à Vancouver où elle chante, de 1940 à 1942, à la radio de la CBC avec le groupe de gospel Swing Low Quartet, qui comprend également ses sœurs Ruby Sneed et Pearl Brown. Cette première expérience marque le début d’une longue collaboration avec la CBC, incluant des prestations à l’émission Serenade in Rhythm, qui est diffusée aux troupes stationnées outre-mer. Elle se produit également avec le quintette de jazz de Ray Norris jusqu’en 1947.

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En 1942, elle épouse Richard Collins et fonde une famille qui comptera quatre enfants. La famille déménage dans la banlieue de Burnaby où, en tant que première famille noire de leur communauté, ils sont confrontés à des préjugés qui prennent la forme d’une pétition (infructueuse) visant à les empêcher de déménager. Afin de lutter contre ces préjugés, la famille fait des efforts particuliers pour s’intégrer dans le quartier en tant que modèles de rôle : Eleanor Collins est bénévole à l’école et elle enseigne la musique aux jeunes filles membres des guides. (Voir aussi Communautés noires au Canada.)

Après avoir élevé ses enfants pendant plusieurs années, Eleanor Collins enregistre, à l’automne 1951, pour CBC International Service avec le Ray Norris Quintet. Elle se lance ensuite dans le théâtre à Vancouver et joue dans une production de You Can’t Take It With You en 1953. Pour la compagnie Theatre Under The Stars, elle joue dans Kiss Me Kate en 1953, et dans Finian’s Rainbow en 1952 et en 1954. En 1952, elle chante également au parc Stanley à Vancouver lors d’un concert qui est enregistré; à cette occasion, elle se produit avec ses enfants, comme elle l’a fait à quelques autres reprises en début de carrière, perpétuant ainsi la tradition familiale de faire de la musique tous ensemble.

Prestations à la télévision et à la radio

Dans les années 1950, Eleanor Collins commence à se produire fréquemment à la radio et à la télévision, devenant ainsi connue à Vancouver sous le surnom de « première dame du jazz ». En 1954, elle fait ses débuts à la télévision dans Bamboula : A Day in the West Indies, une émission de variétés révolutionnaire diffusée sur CBC Vancouver. La série ne dure que le temps de trois épisodes, mais elle est remarquable par le fait qu’elle est la première émission télévisée ayant une distribution métissée, et elle est également la première émission de télévision musicale tournée en direct diffusée à partir de Vancouver.

La direction de CBC, impressionnée par la réaction du public envers Bamboula, offre rapidement à Eleanor Collins sa propre série d’émissions de variétés, The Eleanor Show. L’émission est diffusée du 19 juin au 11 septembre 1955. The Eleanor Show fait de Eleanor Collins la première chanteuse canadienne à avoir sa propre émission de télévision, et ce, avant même Juliette qui n’a commencé qu’en 1956. Mais plus important encore est le fait que Eleanor Collins est une tête d’affiche de race noire, à une époque où la vaste majorité des vedettes de la télévision sont blanches. Les réseaux de télévision américains ont précédemment déjà produit quelques émissions mettant en vedette des artistes noirs, la première ayant été The Hazel Scott Show en 1950. L’émission de télévision américaine à succès de Nat King Cole ne sera produite qu’en 1956. Pour mettre en contexte l’accomplissement d’Eleanor Collins, il faut noter que ceci se passe en 1954, à l’époque où la Cour suprême des États‑Unis statue que la ségrégation raciale dans les écoles publiques américaines est inconstitutionnelle.

Bien que l’émission The Eleanor Show ait été de courte durée, Eleanor Collins est une vedette invitée sur de nombreuses émissions de télévision et de radio de la CBC entre les années 1950 et 1960, chantant les standards du blues et du jazz, des spirituals et du gospel. Elle apparaît à l’émission télévisée de variétés Riding High (1955) pendant plusieurs semaines, et une fois dans Back O’ Town Blues (1955). Elle chante également à l’émission de variétés The Jackie Rae Show (1956), dans une autre émission spéciale, Strange House, ainsi qu’à la Pacific National Exhibition (1956), lors d’un concert qui est par la suite diffusé à la télévision.

Le succès croissant d’Eleanor Collins lui vaut des offres pour aller chanter aux États‑Unis. Elle les refuse, préférant rester au Canada qui est plus intégré sur le plan racial, et qui était le choix initial de ses parents. Sa carrière demeure centrée sur les diverses émissions télévisées de la CBC, sur des concerts dans les boîtes de nuit, ainsi que d’autres spectacles dans la région de Vancouver en compagnie de musiciens de jazz comme Chris Gage, Lance Harrison, Doug Parker et Dave Robbins. En 1956, elle joue dans un épisode de l’émission de télévision Pacific 13 et, en 1958, elle chante au premier festival international de Vancouver. Elle est en vedette à l’émission de CBC Radio de Vancouver Eleanor Sings the Blues (1960); elle chante des spirituals à l’émission Were You There? (1961) ainsi que dans d’autres émissions de CBC Radio en 1961; et elle se produit dans Blues and The Ballad. Elle est fréquemment invitée à l’émission très populaire de Juliette Sysak, Juliette (en 1961, 1962, et 1964) et elle apparaît également à l’émission Quintet avec le Chris Gage Trio, interprétant des chansons de l’émission, ainsi que de la musique folk et du blues.

À l’apogée des émissions de variétés musicales, Eleanor Collins fait plusieurs apparitions dans de nombreuses autres émissions télévisées en tant qu’artiste invitée : Call For Music (1958); A Hatful of Music (1960); Saturday Night Jamboree (1963); Heritage (1963); Come Listen Awhile (1964); As Time Goes By (1967); Moods of Man (1968); Sounds ’67, ’68, et » 69; et The Mike Neun Show (1970‑1971). Ses autres prestations notables durant cette période incluent un rôle dans l’émission télévisée religieuse spéciale de la CBC, Place of the Skull (1962), et dans Parade. De 1963 à 1964, elle est une invitée régulière de la série Network sur CTV.

Sa deuxième émission télévisée, Eleanor, une continuation de l’originale de 1954, joue du 1er février au 28 mars 1964. Accompagnée par le Chris Gage Trio, elle chante des chansons d’émissions, des standards de la musique pop, et des succès contemporains.

Carrière ultérieure

Avec l’arrivée des années 1970 et le déclin des émissions de variétés, on entend moins souvent Eleanor Collins, mais elle continue à faire des apparitions occasionnelles au cours des décennies suivantes. L’une de ces apparitions est dans le cadre des célébrations de la fête du Canada sur la Colline du Parlement en 1975. On la voit également dans l’émission spéciale de 1977, Easter in Israel. Au cours de cette période, elle devient directrice musicale de la Unity Church à Vancouver.

Dans les années 1980, Eleanor Collins retourne à Edmonton pour chanter au Jazz City International Jazz Festival. Elle chante également avec l’orchestre de Tommy Banks dans l’émission de la CBC Jazz Canada, et elle est aussi invitée à l’émission culinaire Celebrity Cooks. Durant cette décennie, on l’entend à l’émission de CBC Radio Jazzland (1981), elle chante lors d’un spectacle-bénéfice au profit du Hot Jazz Club (1988) de Vancouver, et elle est interviewée à l’émission de CBC TV Then & Now (1988).

Alors qu’elle est septuagénaire, Eleanor Collins chante en compagnie du saxophoniste Fraser MacPherson au Richard’s on Richards, une boîte de nuit de Vancouver, et elle participe à un hommage à l’animateur de la CBC, Bob Smith, au Commodore Ballroom de Vancouver. La famille Collins est présentée dans un documentaire vidéo en 1994 intitulé Hymn to Freedom : The History of Blacks in Canada.

Eleanor Collins continue à se produire occasionnellement jusqu’à l’âge de 80 ans et au-delà, chantant tous les ans au Orpheum Theatrede Vancouver à l’occasion des spectacles du jour du Souvenir et, de temps en temps, pour son église. Pour le Mois de l’histoire des Noirs en 2015, elle chante dans le cadre d’une collecte de fonds au profit d’un programme de lutte contre le racisme.

Enregistrements

Eleanor Collins a refusé de nombreuses offres d’enregistrement pour des maisons de disques américaines. Les quelques enregistrements qu’elle a réalisés ont essentiellement été pour la CBC. Elle enregistre avec Ray Norris en 1951, et chante sur des albums de Chris Gage et Dave Robbins, diffusés par la CBC, dans les années 1960. En 1962, elle réalise un enregistrement à Vancouver avec le Dave Robbins Quintet et le Fraser MacPherson Quintet pour la série Jazz From Canada. Elle participe également à l’album Meet the Girls aux côtés de Monique Leyrac, Neil Chotem et Chris Gage. Plusieurs décennies plus tard, elle enregistre I’ll Never Smile Again de Ruth Lowe sur le CD de 2003 She Bop ! A Century of Jazz Compositions by Canadian Women.

Distinctions et héritage

En tant que première femme et première artiste noire au Canada à animer sa propre émission de télévision nationale, Eleanor Collins a atteint une reconnaissance nationale. Grâce à ses émissions de télévision révolutionnaires, elle contribue à favoriser les relations raciales positives au Canada, et à ouvrir la voie à une scène artistique et à des divertissements plus diversifiés sur le plan racial.

Son premier prix des nombreux prix qui suivront lui est décerné en 1986, lorsqu’elle reçoit le Centennial Distinguished Pioneer Award de la ville de Vancouver. En 1992, alors qu’elle est septuagénaire, son statut de chanteuse de jazz canadienne légendaire est reconnu lorsqu’elle est intronisée au BC Entertainment Hall of Fame et qu’elle se voit attribuer une étoile sur le Starwalk de Vancouver.

En 1998, Eleanor Collins est honorée par la Black Historical and Cultural Society à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs. En 2005, elle reçoit le Sam Payne Lifetime Achievement, et pour son 90e anniversaire, le Hot Air Jazz Show de la CBC lui rend hommage. Elle est également présentée dans le livre They Desire a Better Country : The Order of Canada in 50 Stories. Eleanor Collins reçoit une reconnaissance nationale et internationale sous la forme de prix pour l’ensemble de sa carrière de la part des Black Canadian Awards (2014), et de l’organisme américain Black Women in Jazz (2015). Pour les services qu’elle a rendus à la musique et pour son rôle exemplaire en matière de relations raciales, elle est nommée membre de l’Ordre du Canada en 2014. En janvier 2022, à l’âge de 102 ans, elle figure sur un timbre commémoratif émis par Postes Canada.

Prix

  • Distinguished Centennial Pioneer Award, Ville de Vancouver (1986)
  • Intronisée au BC Entertainment Hall of Fame et étoile sur le Starwalk (1992)
  • Sam Payne Lifetime Achievement Award, ACTRA (2006)
  • Membre, Ordre du Canada (2014)
  • Lifetime Achievement Award, Black Canadian Awards (2014)
  • Lifetime Achievement Award, Black Women in Jazz (2015)
  • Award of Excellence, Black Cultural Research Society of Alberta