La crosse est un sport d’équipe dans le cadre duquel les joueurs passent, attrapent et transportent une balle en caoutchouc à l’aide d’un bâton muni à son extrémité d’un filet. Le but de la crosse est d’accumuler le plus de points possible en lançant le ballon dans le but de l’équipe adverse. Les premières parties de crosse mettent en jeu de larges équipes de guerriers autochtones sur un terrain d’une longueur qui peut aller jusqu’à un kilomètre. Depuis, la crosse a changé de façon significative, et il existe maintenant quatre disciplines distinctes au Canada : la crosse au champ masculine, la crosse au champ féminine, la crosse en enclos et l’intercrosse.
Histoire de la crosse
L’histoire de la crosse est difficile à retracer, puisque les faits se mélangent souvent aux histoires et aux mythes, et de nombreux aspects de l’histoire de ce sport sont associés au folklore. L’une des légendes les plus célèbres au sujet de la crosse date de la rébellion de Pontiac de 1763 : le chef des Outaouais aurait en effet organisé une partie afin de distraire les soldats britanniques et d’ainsi pénétrer dans le fort Michilimackinac, dans ce qu’on appelle aujourd’hui le Michigan. Les guerriers autochtones jouent toutefois à des sports similaires depuis des siècles.
Origines autochtones
Les membres de divers groupes algonquiens nomment les jeux de balles anciens baggataway. Des similarités frappantes entre la massue de guerre, le bâton de crosse et même la baguette, que l’on peut voir sur des photos d’artefacts ojibwés, prouvent qu’il existe des liens entre les jeux de balles anciens et le développement subséquent de la crosse. Il y a également un lien entre la crosse et le jeu de balle mohawk connu sous le nom de tewaarathon. Comme la plupart des jeux de balles autochtones, le tewaarathon remplit de nombreuses fonctions : puisque le jeu est pratiqué sur un terrain pouvant faire un kilomètre de long par des équipes de guerriers, il garde les hommes forts et en forme pour la guerre et pour la chasse. On y joue également pour entretenir les alliances diplomatiques, encourager la conformité aux normes sociales, promouvoir l’égalité économique et honorer les dieux. En règle générale, les femmes autochtones sont exclues de ces jeux, bien que dans certaines Premières Nations, les femmes pratiquent les jeux de balle entre elles, ou même avec les hommes.
Premiers récits européens
L’une des premières références écrites sur la crosse se trouve dans le journal du missionnaire jésuite Jean de Brébeuf en 1637. Celui-ci y écrit que des villages entiers s’affrontent dans des parties de « crosse ». Bien que certains auteurs avancent que c’est Brébeuf qui aurait donné son nom au sport parce qu’il trouve que le bâton ressemble à la crosse d’un évêque, les écrits de Brébeuf eux-mêmes ne mentionnent nulle part cette similarité. De plus, ce dernier ne fournit pas une description assez précise du jeu pour permettre de déterminer si les jeux de balles qu’il décrit correspondent à la crosse.
L’historien Douglas Fisher soutient que les origines de la crosse moderne remontent au jeu mohawk du tewaarathon. Au lendemain de la Révolution américaine, de nombreux Haudenosaunee s’installent sur les rives du fleuve Saint-Laurent et de la rivière Grand. Alliés du gouvernement britannique pendant la guerre, ils se voient forcés de quitter leurs terres traditionnelles lorsque les États-Unis, alors une jeune république, gagnent leur indépendance. Les Mohawks de Saint-Régis, une mission Jésuite près de Montréal, s’adonnent si fréquemment à des jeux de balles que les missionnaires se plaignent du taux d’absentéisme à l’église.
Dans les années 1830, des Montréalais anglophones de passage remarquent les parties et apprennent à jouer avec leurs voisins mohawks, adoptant les mots français « la crosse » pour désigner leur nouveau passe-temps. Le premier match officiel entre des anglophones et des Mohawks se tient le 29 août 1844. En 1856, des adeptes du sport forment le Montreal Lacrosse Club, puis les clubs Hochelaga et Beaver. Lorsque le prince de Galles visite Montréal en 1860, les citadins organisent une « grande foire de jeux indiens », qui présente notamment une partie de crosse entre deux équipes autochtones, puis une autre entre une équipe autochtone et une équipe canadienne anglaise.
Évolution du sport moderne
En septembre 1860, un mois après la visite du prince de Galles, un jeune dentiste du nom de William George Beers écrit une brochure qui définit certaines règles et instructions pour le sport qui, jusque-là, n’avait aucun règlement écrit. Celui que l’on considère comme le père de la crosse moderne crée non seulement un ensemble de règles de jeu, mais remplace également la balle en cuir de chevreuil par une balle en caoutchouc.
En 1867, le sport fait son apparition à l’étranger, au moment où le capitaine W. B. Johnson organise un voyage en Angleterre; le groupe est constitué de seize joueurs de Kahnawake et de joueurs amateurs du Montreal Lacrosse Club. En 1876, deux équipes (l’une de Kahnawake, l’autre de Montréal) font le tour de l’Angleterre, s’affrontant devant la reine Victoria au Château de Windsor. Une troisième tournée suit en 1883.
La crosse, sport national du Canada ?
La mythologie entourant la crosse abonde toujours, en particulier en ce qui a trait à son statut de sport national au Canada. William George Beers est à ce point passionné par ce sport qu’il veut à tout prix en faire le sport national, même si, à l’époque de la Confédération, le criquet est le sport d’été le plus pratiqué au pays. En 1867, l’Association canadienne de crosse, première organisation sportive du Dominion, est créée et adopte comme devise « Notre pays, notre jeu ». William George Beers fait campagne pour que la crosse soit nommée sport national et prétend que le Parlement reconnaît officiellement sa requête en 1867. Nombreux sont ceux qui le croient, mais il n’y a à ce jour aucune preuve que le Parlement a jamais reconnu officiellement la crosse en tant que sport national à cette époque.
Pourtant, il s’agit du sport national de facto pendant des décennies. En 1994, toutefois, un ardent amateur de hockey et membre du Parlement, Nelson Riis, introduit un projet de loi d’initiative parlementaire qui déclare que le hockey est le sport national du Canada. Après un long débat, le projet de loi est modifié afin de proclamer le hockey sport national d’hiver et la crosse, sport national d’été. La Loi sur les sports nationaux du Canada reçoit l’accord royal en mai 1994.
Pour les amateurs de crosse, cette activité restera toujours le sport national. Ceux qui visitent le Temple de la renommée de la crosse à New Westminster, en Colombie-Britannique, remarqueront que les plaques de bronze sont toujours engravées de la mention « Canada’s National Game » (« sport national du Canada »).
La crosse au Canada aujourd’hui
De nos jours, on pratique quatre disciplines distinctes : la crosse au champ masculine, la crosse au champ féminine, la crosse en enclos et l’intercrosse.
Crosse au champ masculine
La crosse masculine oppose deux équipes de dix joueurs sur un terrain extérieur. La différence majeure entre la crosse au champ et les autres disciplines est l’utilisation par les trois défenseurs de chaque équipe d’un bâton beaucoup plus long. Le Canada a une riche histoire en crosse au champ, et une équipe canadienne, les Nationals d’Hamilton (anciennement les Nationals de Toronto), ont joué dans la Ligue majeure de crosse, ligue professionnelle nord-américaine, de 2009 à 2013.
L’équipe nationale canadienne est l’une des meilleures au monde et s’illustre au Championnat du monde de crosse tenu tous les quatre ans. En 2006, le Canada gagne son premier championnat en près de trente ans lorsqu’il défait les États-Unis avec un score de 15 à 10. Au championnat de 2010 à Manchester, en Angleterre, le Canada perd de justesse en finale contre les États-Unis.
En 2010, l’une des meilleures équipes au monde, les Iroquois Nationals, est absente au Championnat du monde. Les Iroquois Nationals représentent les Haudenosaunee au Canada et aux États-Unis; ils sont la seule équipe autochtone à avoir le droit de participer à des compétitions sportives internationales. L’équipe voyage normalement sans problème avec des passeports haudenosaunee, mais les douanes britanniques leur refusent l’entrée au pays, prétendant que leurs passeports ne sont pas une forme d’identification valide. Les Iroquois Nationals participent pourtant aux championnats du monde depuis 1998, décrochant la quatrième place en 1998, en 2002 et en 2006. Néanmoins, puisqu’ils ne jouent pas en 2010, ils sont automatiquement classés au dernier rang mondial. Après deux appels de l’équipe autochtone, la Fédération internationale de crosse annonce en juin 2013 que les Iroquois Nationals participeront au Championnat de la division bleue élite en 2014.
En 2014, l’équipe canadienne remporte le Championnat du monde masculin, battant l’équipe américaine tandis que les Iroquois Nationals terminent troisièmes. Deux ans plus tard, l’équipe canadienne se classe au deuxième rang au Championnat masculin des moins de 19 ans alors que les Nationals se classent au troisième rang. C’est l’équipe américaine qui remporte le titre. En 2018, le Canada gagne la médaille d’argent au Championnat du monde masculin, battu 8-9 par les États-Unis lors du match de la médaille d’or. Encore une fois, les Iroquois Nationals s’emparent du bronze en défaisant l’Australie avec un score de 14-12.
Crosse au champ féminine
Contrairement à la crosse masculine, la crosse féminine est un sport sans contact opposant deux équipes de douze joueuses. Le mouvement de la balle ainsi que le maniement du bâton sont des éléments clés du jeu. La petite superficie du filet du bâton rend la balle beaucoup plus difficile à attraper et à maîtriser. La toute première partie de crosse féminine a lieu en Écosse en 1890, et le premier échange international a lieu à Richmond (près de Londres, en Angleterre) en 1913, entre l’Écosse et le Pays de Galle. Le sport féminin s’est ensuite étendu des îles britanniques à l’Amérique du Nord, et il semble au début qu’on s’y oppose plus férocement au Canada qu’aux États-Unis.
L’équipe canadienne se classe aujourd’hui parmi les meilleures au monde. À la coupe du monde de la Fédération internationale de crosse à Oshawa, en Ontario, en juillet 2013, l’équipe féminine senior du Canada se rend jusqu’en finale pour la première fois de son histoire, s’inclinant toutefois devant les championnes américaines. Sa médaille d’argent lui vaut un prestigieux deuxième rang mondial. L’équipe féminine des moins de 19 ans remporte, quant à elle, le Championnat du monde en 2015. Deux ans plus tard, l’équipe féminine senior gagne une nouvelle médaille d’argent au Championnat du monde, après s’être inclinée 10 à 5 devant les États-Unis. L’équipe féminine canadienne est aujourd’hui classée au deuxième rang mondial, tandis que l’équipe féminine des Iroquois Nationals se trouve en douzième position.
Crosse en enclos
La crosse en enclos voit le jour au Canada dans les années 1930 afin de tirer profit des patinoires de hockey inutilisées pendant l’été. Il s’agit dorénavant du type de crosse le plus populaire au Canada, tant chez les hommes que chez les femmes. En fait, beaucoup d’athlètes de crosse au champ pratiquent aussi la crosse en enclos.
Considérée comme le sport à pied le plus rapide, la crosse en enclos oppose deux équipes de six joueurs. Les rebonds sur les murs en font un sport très excitant à regarder, et le chronomètre de tir de 30 secondes, qui exige des équipes qu’elles tirent au but très rapidement, donne lieu à des scores très élevés. La crosse en enclos est normalement pratiquée sur une surface en ciment. Cependant, la crosse intérieure professionnelle (très semblable à la crosse en enclos) est jouée sur gazon synthétique.
Un grand nombre d’équipes canadiennes jouent dans la Ligue nationale de crosse, une ligue intérieure professionnelle nord-américaine, et plusieurs équipes ontariennes ont joué dans la Ligue canadienne de crosse de 2012 à 2016 (la ligue se retire en 2016).
La crosse en enclos est énormément pratiquée au Canada et l’équipe nationale a gagné tous les championnats du monde de crosse intérieure depuis sa première édition en 2003. Les Iroquois Nationals, quant à eux, s’y sont classés deuxièmes chaque fois (en 2003, 2007, 2011 et 2015), perdant de justesse en prolongation à la finale de 2007.
Intercrosse
L’intercrosse est la nouvelle version du jeu de crosse. C’est une activité à faible risque conçue pour les programmes récréatifs et les activités scolaires. Facile à jouer, c’est un jeu pratiqué à l’intérieur avec des bâtons en plastique moulé et une balle légère et molle. Les participants apprennent les techniques fondamentales de la crosse : récupérer la balle, la transporter, la passer et l’attraper.
Voir aussi Histoire des sports, Édouard Lalonde; La crosse : du jeu du Créateur au sport moderne; Les Iroquois Nationals et le Championnat du monde de crosse de 2010; Exposition : Les légendes de crosse.