Marion Buller, avocate civile, pénale et des droits de la personne, juge, conférencière et défenseure des droits des Autochtones au Canada (née le 5 juillet 1953). Marion Buller a contribué à la création des tribunaux des Premières Nations en Colombie‑Britannique et a été la première femme autochtone nommée juge dans la province. Elle a occupé plusieurs postes de haut niveau, notamment comme directrice et présidente de l’Association du Barreau autochtone du Canada et comme commissaire en chef de l’Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées. Après avoir pris sa retraite en tant que juge, elle a continué d’écrire sur les enjeux autochtones et, en 2022, a été nommée chancelière de l’Université de Victoria.
Jeunesse et formation
Crie, Marion Buller est membre de la Première Nation Mistawasis, en Saskatchewan. Son grand‑père paternel a quitté la réserve, ce qui signifiait que ses enfants, dont le père de Marion, puis Marion elle‑même, n’ont pas été obligés d’aller à l’école dans un pensionnat indien. Bien que grandissant à Toronto, la jeune fille rend visite à sa famille, en Saskatchewan, chaque été. Elle finit par s’installer à Port Coquitlam, en Colombie‑Britannique, tout en restant fière de son appartenance à la Première Nation Mistawasis.
En 1975, Marion Buller obtient un baccalauréat en anthropologie puis, en 1987, une licence en droit de l’Université de Victoria. Elle est admise au Barreau de la Colombie‑Britannique, en 1988.
Droit et plaidoyer publics
De 1988 à 1994, Marion Buller exerce comme avocate civile, pénale et des droits de la personne. Dans ce cadre, elle traite de nombreux cas, mais privilégie ceux qui mettent en jeu des enjeux et une clientèle autochtone.
Marion Buller est l’avocate de la Cariboo‑Chilcotin Justice Inquiry. Cette commission d’enquête, créée par le gouvernement de la Colombie‑Britannique en 1992, doit déterminer la source des problèmes dans les relations entre les membres des 15 bandes de la région de Cariboo‑Chilcotin, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le système de justice, sous la présidence d’Anthony Sarich, juge à la retraite de la Cour provinciale. À l’instar des autres membres de la Commission d’enquête, l’avocate crie se déplace dans les différentes collectivités pour écouter les récits de leurs membres sur leurs interactions avec la police, la Commission prenant également en considération les soumissions écrites qui lui sont transmises. Le rapport final de la Commission d’enquête, contenant entre 50 et 55 recommandations, est remis le 15 septembre 1993. Au cœur de ce rapport, on trouve l’idée que les collectivités autochtones doivent se voir offrir la possibilité de créer des systèmes de justice plus cohérents avec leurs traditions.
Le 11 octobre 1994, Marion Buller est nommée à la Cour provinciale de la Colombie‑Britannique, devenant ainsi la première femme autochtone juge dans cette province.
En 2006, Marion Buller est nommée présidente du tribunal des Premières Nations de New Westminster, en Colombie‑Britannique, le premier des tribunaux de ce type créés pour mieux répondre aux besoins des peuples autochtones et de leurs collectivités. Il s’agit de tribunaux qui ne mènent pas de procès, mais déterminent les peines et offrent un soutien pour contribuer à la réadaptation et réduire le risque de récidive. Ultérieurement, North Vancouver, Duncan et Kamloops adoptent également ce modèle en vue d’améliorer la justice dans leurs collectivités autochtones.
Marion Buller est nommée directrice et présidente de l’Association du Barreau autochtone, ainsi que directrice de la Law Courts Education Society (devenue la Justice Education Society), de la Law Foundation of British Columbia, du Mediators Roster et de la Commission de police. Elle rédige également de nombreux articles sur les droits des Autochtones, sur le droit pénal, sur le droit de la famille et sur les droits de la personne. En 2012, elle reçoit le prix de diplômée éminente de la Faculté des sciences sociales de l’Université de Victoria.
Marion Buller fait partie de celles et ceux qui se sont efforcés de lutter contre la surreprésentation des enfants autochtones parmi les enfants placés sous la tutelle de l’État. En janvier 2017, ses efforts contribuent à l’annonce, par la ministre des Enfants de la Colombie‑Britannique, Stephanie Cadieux, de la création de l’Aboriginal Family Healing Court. Ce programme prévoit d’inviter les aînés à participer aux procédures concernant les enfants autochtones. Il prévoit également la prise en considération, par le tribunal, des cérémonies culturelles et des options de traitement autochtones.
Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées
Le 31 août 2016, Marion Buller prend sa retraite de la Cour provinciale de la Colombie‑Britannique pour devenir commissaire en chef de l’Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées, aux côtés des commissaires Michèle Audette, Qajaq Robinson, Marilyn Poitras et Brian Eyolfson.
L’Enquête nationale dispose d’un budget de 53,8 millions de dollars. Bien qu’il y ait déjà eu d’autres commissions d’enquête sur la violence envers les femmes et les filles autochtones, il s’agit de la première commission d’enquête nationale de ce type. Son mandat global consiste à explorer toutes les formes de violence relative aux femmes et aux filles autochtones portées disparues ou assassinées. Il s’agit notamment des victimes de suicide, d’agressions sexuelles, d’automutilation, de maltraitance des enfants, de violence domestique, d’intimidation et de harcèlement, ainsi que toutes celles décédées dans des circonstances suspectes. L’Enquête doit rendre compte des pratiques policières et judiciaires institutionnelles qui ont contribué à provoquer la crise existante et lui permettent de perdurer.
Au cours de ses premiers mois d’activité, des critiques se plaignant de la lenteur des travaux de l’Enquête se font entendre. Les critiques se multiplient dans la foulée de la démission de la commissaire Marilyn Poitras et de la directrice générale Michèle Moreau. Marion Buller explique que l’Enquête doit essentiellement faire face à des problèmes de nature logistique et que certaines personnes ont démissionné, car elles avaient eu des propositions d’emploi ailleurs ou pour des raisons personnelles. Elle rejette les appels à sa propre démission.
Dans le cadre de ses travaux, l’Enquête examine des études antérieures et des rapports de police. Les commissaires et leur personnel consacrent des mois à parcourir le pays pour entendre les récits de première main des victimes, ainsi que des témoignages d’experts, d’anciens et de gardiens du savoir.
L’Enquête nationale publie son rapport provisoire le 1er novembre 2017. Le gouvernement fédéral s’engage à donner suite aux recommandations du rapport, y compris l’allocation de 50 millions de dollars pour améliorer les services de santé et de soutien aux survivants et aux familles des femmes et des filles disparues et assassinées, ainsi qu’aux personnes LGBTQ et bispirituelles. Il promet également d’entreprendre des examens des politiques policières et de créer un organisme national de surveillance au sein de la Gendarmerie royale du Canada.
L’Enquête nationale aura finalement entendu des présentations de 2 386 personnes. Son rapport final de 1 200 pages, publié le 3 juin 2019, constitue un document détaillé contenant 231 appels à la justice. Lors de la cérémonie au cours de laquelle Marion Buller adresse une copie du rapport au premier ministre Justin Trudeau, elle déclare que les appels à la justice ne sont pas de simples recommandations, mais des impératifs légaux. Elle précise également que le rapport porte sur « un génocide délibéré basé sur la race, l’identité et le genre ». (Voir aussi Génocide et peuples autochtones au Canada.)
Les critiques font valoir que le gouvernement fédéral ne donne pas sérieusement suite aux recommandations de l’Enquête. À l’occasion du troisième anniversaire du rapport final de l’Enquête nationale, le 3 juin 2022, l’Association des femmes autochtones du Canada publie une analyse indiquant que la violence envers les femmes et les filles autochtones se poursuit et que le gouvernement fait encore peu de choses pour répondre à cette situation.
Prix et distinctions
Marion Buller a reçu de nombreux prix et de nombreuses distinctions, notamment :
- Une médaille du jubilé d’or de la reine Élisabeth II (2002)
- Une médaille du jubilé de diamant de la reine Élisabeth II (2012)
- Un prix Rosemary‑Brown pour les femmes (2019)
- Une nomination comme chancelière de l’Université de Victoria (2022)
- Une intronisation comme membre de l’Ordre du Canada (2022)