Adrie Korneles Schaap (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Adrie Korneles Schaap (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Adrie Korneles Schaap était un civil pendant la Deuxième Guerre mondiale. Voici son témoignage.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

L'Institut Historica-Dominion
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Photo d'Adrie Schaap en 2010.
L'Institut Historica-Dominion
Et puis le lendemain, après, heureux, heureux. Les Canadiens étaient accueillis – on avait appris qu’ils étaient canadiens – et ils ont été accueillis à bras ouverts.

Transcription

Je m’appelle Adrie Kornelis Schapp. Je suis né aux Pays-Bas le 3 juillet 1935. Je suis arrivé au Canada en 1953, mon père ayant rejoint l’Armée canadienne depuis les Pays-Bas à l’époque pour y enseigner la musique. La guerre contre l’Allemagne a donc fait rage lorsque j’avais de cinq à dix ans, presque onze. Je me souviens d’avoir entendu, juste avant le début de la guerre, des tirs d’artillerie au loin. Nous ignorions ce qui se passait. Il ne faisait aucun doute que quelque chose se passait par contre, et nous avons entendu une rumeur selon laquelle les Russes s’en venaient. À l’époque, tout ce qui n’était pas allemand était dans le bon camp. Un jour, en avril 1945 alors que j’avais 10 ans, j’étais sur la route et j’ai remarqué qu’il n’y avait personne. Il planait un calme étrange avec l’artillerie en arrière-plan. Cinq infirmières allemandes sont soudainement arrivées en plein milieu de la route, criant à s’en époumoner. Nous nous sommes rassemblés autour d’elles, les autres les ignoraient parce qu’elles étaient allemandes. Nous leur avons demandé ce qui se passait, ce qu’elles fuyaient. Elles nous ont répondu que les Russes arrivaient et que c’étaient des animaux. Je suis retournée en courant jusqu’à la maison de mon grand-père où j’habitais à ce moment-là, juste en face d’où je vivais. Ce n’était finalement pas les Russes. Trois jours plus tard, il y a eu une guerre juste à côté. À ce moment-là, un avion bimoteur allemand est arrivé et j’ai cru qu’il allait nous tomber dessus. L’appareil était en flammes et il est arrivé juste au-dessus de nous. Je ne l’ai pas vu s’écraser, mais il était si proche que j’ai vu deux pilotes se parler. Nous avons dû par la suite rester à la maison. Ma mère a fait les préparatifs. Nous vivions dans un immeuble en face de mon grand-père et il y avait une échelle de pierre qui parvenait au deuxième étage. Il y avait une petite moustiquaire qui permettait de regarder à l’extérieur si on avait des pommes de terre en réserve, car nous étions tous en train de mourir de faim. Pendant ce temps, nous avons remarqué que les hostilités se rapprochaient de plus en plus. Il y avait des tirs et un char d’assaut était en feu dans la rue. Nous ne savions toujours pas qui s’en venait. Puis il y a eu une accalmie. Je ne sais pas pourquoi c’était ainsi. On aurait dit que, de temps en temps, pendant les combats qui ont duré deux jours et demi à Groningen, ma ville natale, on cessait les tirs et les deux parties emportaient leurs blessés. Nous ne savions toujours pas que c’étaient des Canadiens. Le lendemain, j’étais à la maison et ça allait vraiment mal; les Allemands ont frappé à ma porte. J’ai ouvert la porte et ils voulaient de l’eau. Vu que je parlais un peu allemand à ce moment-là, j’ai essayé de demander au gars qui s’en venait. Il m’a répondu que c’étaient les Britanniques. Et il est parti. Puis j’ai vu des soldats canadiens arriver. Ils étaient deux et il y avait une pelouse devant ma maison. J’ai vu les deux hommes et j’ai pensé qu’ils étaient noirs étant donné l’état de leur visage. Ils portaient des casques; c’étaient des Canadiens typiques en tenue de combat, mais je ne le savais pas à l’époque. Ils ont été abattus juste devant la maison. Ils sont restés couchés par terre longtemps. J’ai pensé qu’ils étaient morts parce qu’il y avait une usine de tabac dans ma rue où les Allemands avaient installé des postes de mitrailleuses. C’était un grand bâtiment en béton. Et ils tiraient en direction de notre rue. Je me demande souvent ce qu’il est advenu de ces deux hommes. Puis il y a eu une autre accalmie ou une petite trêve, peu importe, et j’ai vu les Allemands venir prendre leurs morts et leurs blessés, et quelqu’un a pris ces deux hommes. Le lendemain, bonheur! Nous avons accueilli les Canadiens à bras ouverts (nous avions appris que c’étaient les Canadiens). Le plus drôle c’est que j’ai rencontré un homme après que tout eut été terminé. Les Canadiens sont restés sur place pendant un certain temps. Les enfants comme nous avaient l’habitude d’aller s’asseoir dans leurs jeeps. Vous pouvez imaginer qu’à dix ans, nous ne pouvions nous empêcher de marcher sur le démarreur. La jeep se mettait en marche, faisait du bruit et avançait un peu. Les Canadiens n’aimaient pas vraiment ça, mais ils nous laissaient faire quand même. Ils nous donnaient des barres de chocolat, des fruits, toutes sortes de bonnes choses que je n’avais pas. Je n’avais pas souvenir d’avoir eu des bananes ou des oranges avant, mais ils avaient plein de choses. Surtout du chocolat!