Project Mémoire

Amos Wilkie Wilkins (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Amos Wilkins a quitté la ferme familiale de l'Alberta pour s'engager dans l'Armée canadienne en 1940. Il a servi dans le régiment d'infanterie des Calgary Highlanders et a fait partie du peloton de mortiers envoyé au désastreux raid de Dieppe, le 19 août 1942. Il a été nommé officier en 1943 et a été blessé plus tard, à Woensdrecht, en Hollande, en octobre 1944.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.


Amos Wilkins
Amos Wilkins
M. Wilkins le jour de l'obtention de son brevet, quand il fut nommé Lieutenant, le 14 août 1943.
Amos Wilkins
Amos Wilkins
Amos Wilkins
A l'hôpital en Angleterre en novembre 1944. En octobre 1944, le lieutenant Wilkins fut blessé lors de combats en Hollande.
Amos Wilkins
Amos Wilkins
Amos Wilkins
Photo de brevet de M. Wilkins, prise quand il fut nommé lieutenant. Calgary, 1943.
Amos Wilkins
Amos Wilkins
Amos Wilkins
Attestation de service, en date du 15 décembre 1945.
Amos Wilkins
H. Pollard
H. Pollard
Le lieutenant Wilkins et un autre officier, à la caserne Currie de Calgary, en 1943.
H. Pollard
« Je ne crois pas qu’il y ait de règles en temps de guerre. La guerre est un combat pour la survie. Ce n’est pas un match de boxe ou de hockey professionnel. Il n’y a aucune vraie règle. »

Transcription

J’avais un frère aîné qui s’était présenté pour s’enrôler mais ils ne l’ont pas pris. Mais il est possible que s’il y était allé, moi je n’aurais pas pu y aller parce que mon père était un homme qui n’avait pas de doigts et qui exploitait trois quart de section de terre agricole. Quelqu’un aurait dû rester à la maison pour l’aider et ça aurait probablement été moi. Comme j’ai eu cette expérience, je ne critique jamais les gens qui ne se sont pas enrôlés avant de savoir pourquoi ils ne l’ont pas fait. J’aurais pu être réformé pour raisons agricoles en cinq minutes. Ne me demandez pas pourquoi j’y suis allé parce que c’est une question à laquelle je ne peux pas répondre. Je ne peux vraiment pas y répondre. Dire que c’est par patriotisme – que diable, je ne savais même pas épeler ce mot à l’époque.

J’ai le sentiment que dans une certaine mesure, c’est notre conscience qui faisait qu’on s’enrôlait. Jacques et Jean y allaient, vous voyez, donc il valait peut-être mieux que j’y aille aussi. Et il y a ceux qui n’avaient pas eu un travail digne de ce nom pendant toute la Dépression et pour lesquels c’était une occasion de se faire un peu d’argent et d’avoir un endroit pour dormir et manger. Et on s’est tous trouvés pris dans quelque chose qui était beaucoup plus grand que nous.

J’ai eu une carrière unique en son genre. Je me suis enrôlé ici [Calgary] en 1940, je suis allé outre-mer en 1941, j’étais à Dieppe en 1942. Après ça j’ai été nommé sergent au printemps 1943. On m’a appelé et on m’a dit de faire une demande pour une commission, je l’ai fait et j’ai été accepté. L’un des seuls à l’avoir fait avec seulement un niveau d’éducation de 8e année. Je ne suis jamais allé à l’école secondaire.

J’étais à Dieppe et bien, on n’a jamais débarqué – on s’occupait des canons anti-aériens. Mais à l’approche de la plage, un morceau de shrapnel a arraché le haut de la tête d’un homme, un morceau de son crâne de la taille et de la forme de ce verre. Si je vivais jusqu’à 200 ans, je verrai encore ça par terre au fond de cette péniche de débarquement.

Nous [les Calgary Highlanders] on a en fait débarqué et on a déchargé un peloton d’infanterie, trois chars et un bulldozer. J’étais membre d’une équipe spéciale, ce qu’ils appelaient la section de mortiers de trois pouces. On était sensé aller après, si une tête de plage avait été établie. Mais ce qui s’est passé, c’est qu’on n’a pas pu entrer. Les gars de la Marine, qui s’occupaient des canons anti-aériens, ils étaient tous tombés et notre officier a décidé qu’on devait peut-être monter et voir ce qu’on pouvait faire. Certains d’entre nous l’ont fait. Et nous on s’occupait des canons anti-aériens.

Deux de nos sergents ont abattu un avion allemand. Mais on était là-bas, on faisait des allées et venues plusieurs fois sur la plage et on ramassait les blessés. Ça faisait peur je pense mais d’une certaine façon, j’ai eu de la chance. J’étais caporal à ce moment-là et je me suis toujours dit que d’avoir des responsabilités dans ce genre de situation n’était pas une mauvaise chose parce que ça vous sort de vous-même. Vous avez d’autres personnes et d’autres choses auxquelles penser. Et j’ai pensé ça toute ma vie, dans une situation d’urgence si vous pouvez faire quelque chose pour quelqu’un d’autre, ça prend – vous savez le pauvre gars au fond, au bout de la file, il ne sait pas vraiment ce qui se passe et il devient très nerveux. Ça a été ma philosophie, toute ma vie.

Je ne crois pas qu’il y ait vraiment des règles pour faire la guerre. La guerre est une bataille pour l’existence. Ce n’est pas une lutte pour gagner un prix. Ce n’est pas un match de hockey. Il n’y a pas de vraies règles. Je me rends compte que des gens de votre âge n’en ont pas fait l’expérience. On ne claironne pas ses victoires ici [au Canada] comme on le fait dans d’autres pays. On a permis que ça s’efface. Je le vois dans la Légion [royale canadienne] et vous savez progressivement on a de moins en moins de membres parce que les jeunes gens ne trouvent pas ça tellement satisfaisant de s’enrôler dans la Légion, trop d’autres choses à faire. Ce n’est pas une mauvaise chose. Je suis content que mes enfants aient pu grandir sans avoir à se préoccuper d’avoir à aller à la guerre. Et j’espère que mes petits-enfants et mes arrières petits-enfants… mais non, c’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Mais c’est quelque chose qui devait être fait, je pense.