Arthur Powell servit comme officier avec le 37th Light Anti-Aircraft Regiment de l'Artillerie Royale. Il fut déployé en Afrique du Nord en novembre 1940 et fut aux commandes de deux canons antiaériens. Il fut capturé en avril 1941 et envoyé en Italie comme prisonnier de guerre. Il fut interné dans deux camps en Italie et suivant l'invasion de la péninsule, il fut transféré en Allemagne. Dans le camp, il créa trois revues, la "Rezzanello Review", la "Padula Parade" et "Inside Out", tous des publications qui circulèrent parmi les prisonniers. En complément de ces publications, il créa un jeu de société, en plus de participer à des pièces de théâtres, le tout dans des camps de prisonniers.
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Transcription
Donc après avoir passé mon examen de fin d’année, le diplôme de fin d’études secondaires, j’ai passé l’examen d’entrée dans l’armée, qui comprenait une visite médicale et un entretien. Le directeur de mon école a dû chanter mes louanges parce que j’ai eu de très bonnes notes à l’entretien. Et à ma grande surprise, j’ai eu 93 points sur 103, alors je me suis présenté à cet endroit à la fin du mois d’août [1939]. J’ai terminé l’école en juillet, et je suis devenu élève officier. Et puis au mois de septembre, mon régiment a reçu l’ordre de se rendre en Égypte.
Alors quand on a débarqué là-bas on est allés dans un camp situé dans les pyramides et on a reçu notre équipement complet et tout. Au début du mois de décembre, on nous a envoyés en plein désert. On n’était pas là-bas depuis longtemps. Et on a rejoint, il me semble, tous les gens qui étaient là-bas à ce moment-là. Il y avait un corps blindé et une division de l’armée de terre et une division indienne et puis un autre corps. Et on a installé nos canons partout où c’était possible. Et puis le 9 décembre [décembre 1940], à l’aube, l’attaque a eu lieu.*
Et le jour suivant, le 1st [Royal] Tank Regiment [Corps blindé royal] était en Libye, déjà parti. Après l’attaque, on comptait cent mille prisonniers. Alors après ça on a juste suivi les unités. On est restés avec une brigade australienne pendant un moment. Et on les a suivis alors qu’ils passaient par toutes sortes de villes en chemin.
Les Allemands ont aussi envoyé [Erwin] Rommel** et l’Afrika Corps. Et ils sont venus se battre sur la frontière - évidemment quand ils ont attaqué on n’a pas pu faire grand-chose. Quand ils l’ont franchie, on a couru aussi vite qu’on a pu. Malheureusement, ça s’est terminé dans le désert, très avant dans le désert, et on a découvert que les Allemands étaient déjà là.
Alors quelques jours plus tard, le commandant a essayé de sortir de là. Juste après on a sorti le drapeau blanc, on était prisonniers. Et les Allemands sont arrivés à pied et ont déclaré : « La guerre est terminée pour vous. » Et alors on s’est assis, il n’y avait nulle part où aller. On mangeait les rations qu’on avait et les Allemands sont restés là. Et puis deux jours plus tard, quand on s’est réveillés les Allemands étaient partis. C’était l’Armée italienne qui nous gardait, ils nous avaient remis entre leurs mains. Alors on est devenus leurs – des prisonniers de guerre relevant de la convention de Genève.
Bon, on ne s’est pas arrêtés à Rome, on a remonté la rivière Pô, jusqu’à Piacenza [Italie]. Et ils sont allés en autocar jusqu’à un petit village dans les collines, assez loin dans le nord, un tout petit village [Rezzanello, Italie]. Il y avait une église, quelques maisons et un pub. Mais il y avait un vieux, très vieux bâtiment occupé par l’armée anglaise pendant la Première Guerre mondiale quand on était alliés avec eux. Et on appelait ça « Le Château » parce qu’il en avait la forme.
Et on s’est installés ; on avait droit à toutes sortes de choses. On avait quelques vivres, mais à cette époque il n’y avait pas vraiment de rationnement en Italie. Alors on allait dans la cantine des officiers et on achetait des trucs, et à l’extérieur aussi et on a fini par recevoir des colis en provenance de la Croix-Rouge anglaise. Alors là, les rations ont changé.
Mais le truc avec la convention de Genève c’est qu’elle dit aux prisonniers ce qu’ils peuvent faire et à l’occupant ce qu’il doit faire. Et ils n’avaient pas le droit de nous emmener, nous faire rester à proximité d’une zone dangereuse. Mais on avait toutes sortes d’avantages. On avait notre propre argent, on avait le courrier pour l’Angleterre, on pouvait recevoir des colis et en fait on devait surtout s’occuper de nous-mêmes et s’occuper tout court. Chaque camp avait son officier supérieur britannique, mais personne n’usait de son grade. Personne ne révélait le grade de quiconque, on était tous logés à la même enseigne – tous les prisonniers de guerre.
Je suis arrivé avec un officier des transmissions et un type qui venait du Corps [royal] des magasins militaires, je crois, on était trois. Et puis un jour, j’ai lancé : « Pourquoi ne pas créer une Gazette du camp. » Et ils ont pensé que c’était une idée formidable. Donc l’officier des magasins militaires y a réfléchi et il a élaboré un plan, ce qu’il nous faudrait, et une personne pour parler de ce qui se passait dans le camp et ce qui passait au niveau de la guerre et à propos de tout ce qu’on pourrait trouver.
Et ça [la Gazette « Rezzanello Review »] a duré neuf mois. Et on faisait quatre exemplaires par mois ; on sortait quatre exemplaires écrits à la main. Quand un article ne remplissait pas la page entière, j’ajoutais un dessin humoristique. Je faisais de la publicité à la fin et une nouvelle couverture tous les mois à la fin. Et elle comptait une trentaine de pages. Et tout le monde en pensait du bien. Et les dessins humoristiques avaient beaucoup de succès.
Mais on avait de l’argent. Dans le premier camp, il y avait une petite cantine, mais on ne vendait pas grand-chose. Un des prêtres avait la permission d’aller dans le village pour nous acheter des trucs. Si on écrivait ce qu’on voulait dans le registre, on l’avait et on le payait. Et je commandais souvent de la peinture et du matériel pour peindre et des trucs comme ça.
L’année suivante au mois de juin [1942], ils ont décidé de nous emmener dans un autre camp au sud de Naples [en Italie, dans la commune de Padula]. On commençait tout juste à prendre nos marques là-bas et puis, tout à coup, le bureau m’a dit que le YMCA suisse avait envoyé un gros paquet de papier jaune pour écrire. Comme ça : « Vous y voilà, une gazette s’il vous plait ! »
Cette fois, on s’est arrangé pour que ce [la Gazette « Padula Parade »] soit plus facile à gérer. On n’a pas travaillé tant que ça. Mais l’officier du début a été envoyé ailleurs parce qu’on lui reprochait d’avoir fait quelque chose de pas bien. Alors il ne restait qu’un seul officier et il gérait tout le truc. On faisait tout à la main. On avait un gars qui écrivait bien à la plume et on faisait six exemplaires. Et ça a duré six mois.
Après ça, j’étais tellement habitué à faire ces mots croisés, ces dessins humoristiques [dans la bande dessinée « Inside Out »], j’ai fait une série basée sur un – c’était une série dans Punch,*** et les particularités des prisonniers de guerre et je les collais simplement sur le mur.
Finalement, les Alliés ont débarqué en Sicile [le 9-10 juillet 1943]. Pour éviter de se retrouver dans une zone de combat, on a dû partir dans le nord. Il y avait eu tellement d’explosions de trains qu’on nous faisait valser d’un endroit à l’autre. Dans une des gares, un Italien a fait la chose suivante, comme il y avait eu un débarquement à Anzio,^ il nous l’a dit. Alors on est remontés jusqu’à Bologne [Italie] et le camp là-bas n’avait jamais servi, entièrement neuf.
Mais Mussolini était déjà tombé et en septembre [1943] les Italiens ont capitulé, ils ont abandonné et ils ont disparu. Les Allemands sont arrivés, et hop, ils ont pris la relève. Ils ne sont restés que quelques jours et ils ont décidé qu’ils devaient nous emmener en Allemagne, évidemment. Quand ils sont arrivés à [Gries am] Brenner [Autriche], on s’est arrêté pour changer de locomotive. Et certains d’entre nous connaissaient l’allemand et ils ont parlé à l’officier responsable. Ils ont dit : « Nous sommes les SS », ou autre, « personne ne peut nous échapper. » À ce moment-là, un sergent major s’est avancé et a dit : « Il nous manque 120 prisonniers, mon commandant. »
Alors nous nous sommes rendus dans notre petit camp anglais et à côté de nous il y avait un camp pour les Américains. Quelqu’un a coupé les barbelés et on s’est retrouvés avec les Américains. Ils nous ont appris comment jouer au softball correctement. Et tout à coup, on a regardé à l’extérieur et il y avait des chars américains qui passaient à toute vitesse. Et l’armée américaine a suivi, nous étions libres.
*L’opération Compass se déroule du 9 décembre 1940 au 9 février 1941, première opération alliée d’importance lors de la guerre du désert
**Le commandant allemand en Afrique du Nord
***Magazine anglais hebdomadaire, satirique et humoristique
^Opération Shingle le 22 janvier 1944