Project Mémoire

Barbara Renée Huard (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Prenez note que les sources primaires du Projet Memoire abordent des temoignages personnels qui refletent les interpretations de l'orateur. Les temoignages ne refletent pas necessairement les opinions du Projet Memoire ou de Historica Canada.

Ballon de barrage sur les Tower Bridge pendant le Blitz. Mention de source : http://www.skylighters.org/barrageballoons/

Transcription

Je me suis enrôlée dans les forces aériennes britanniques [Women’s Auxiliary Air Force]. Je suis britannique et, plus tard, j’ai épousé mon mari, un Canadien. Je suis arrivée ici en tant qu’épouse de guerre. Nous n’avions pas de radio, mais les gens d’en face en avaient une; je me souviens d’avoir entendu [le premier ministre britannique] Winston Churchill dire que nous étions en guerre. Il le disait comme s’il était en train de rugir. C’est limpide dans ma tête. Mais nous étions à la campagne, nous n’en avons fait aucun cas. Les seules choses qui donnaient une impression de guerre, c’étaient les canons antiaériens et les projecteurs. Si Hitler avait traversé la Manche au lieu de passer par les basses terres, il nous aurait totalement pris de court. Nous n’avions rien de rien. Avant de m’enrôler, et j’aurais pu compter ça comme étant du service militaire, j’ai été dans les précautions contre les raids aériens à Londres. Quelque chose que je n’oublierai jamais… Les femmes âgées balayaient le verre comme si de rien n’était, le mettaient dans le porte-poussière, le jetaient à la poubelle et rentraient comme si c’était la chose la plus normale au monde. Elles étaient capables d’en prendre. Nous faisions des patrouilles pour les lumières. Il ne devait en effet y avoir aucune lumière visible par les fenêtres, ce devait être complètement noir. On couvrait la portion supérieure des feux de voitures et de vélos pour que les avions ne les voient pas. Je suis allée à Londres à 18 ans. Je me suis enrôlée dans les précautions contre les raids aériens et j’y suis restée jusqu’à ce que je me porte volontaire pour les forces aériennes. J’ai vécu à Londres pendant tout ce temps. Au début, le petit nouveau servait plus ou moins de messager. Je suis donc sortie avec deux des gardiens et je me souviens d’avoir fait le tour de l’église. Ils ont compté jusqu’à sept. Je leur ai demandé sept quoi. Sept bombes, qu’ils m’ont répondu. C’est ainsi que j’ai découvert le bruit que faisait une bombe. Là où j’habitais, personne n’avait de fenêtre en verre. Les fenêtres étaient placardées avec tout ce qu’on pouvait trouver. Il n’y avait pas beaucoup de cours ouverts aux femmes. Les opérateurs de ballons [de barrage] [de défense contre les avions volant à basse altitude] étaient en fait tous des opératrices. Le ballon était placé avec le câble à une certaine hauteur à l’aide d’un treuil. La hauteur était choisie pour que les avions allemands ne puissent pas atteindre leurs cibles. S’ils descendaient, comme il arrivait parfois, en dessous du ballon et qu’ils heurtaient le câble, celui-ci se mettait à osciller puis il se coupait, ce qui réduisait la portance de l’avion, qui finissait par s’écraser. C’était donc ce que faisait un ballon. L’opératrice du ballon devait garder le nez de ce dernier dans le vent, sinon il s’emmêlait. On fixait donc de gros blocs de ciment tout le long de ce côté et tout autour du ballon par les cordes de ce dernier. C’est ce qui m’a donné mes maux de dos! Certains devaient peser près de 90 kilos et il fallait les soulever à répétition pour maintenir le ballon dans le vent. Lorsque j’étais opératrice de ballon, pas très loin de notre site à Londres, une école a été bombardée. L’avion allemand s’est approché si près qu’on pouvait voir le pilote. Dans la cour d’école, 213 enfants ont été tués. [L’avion allemand] est passé au-dessus d’eux et les a simplement pulvérisés (sans bombe). Après la bataille d’Angleterre, nous étions fatiguées, alors on nous a demandé de changer de spécialité. Je me suis donc réorientée vers la mécanique des moteurs d’avion. Nous avons reçu une instruction de 22 semaines. Tout d’abord, on nous donnait un morceau de métal d’environ 7 cm sur 12 cm, d’une épaisseur d’environ 1 cm, et nous devions le limer. Ensuite, nous devions apprendre le fonctionnement du moteur, par exemple l’induction, la compression, la puissance, l’échappement. Ça m’a marquée. Ensuite, nous sommes allées sur le terrain. Il y avait des mécaniciens de moteurs et des mécaniciens d’avions, et les mécaniciens de moteurs devaient attacher le pilote à son siège. Je me souviens la première fois, le pilote m’a dit qu’aucune femme n’allait l’attacher à son siège. Je lui ai répondu qu’on ne l’aura jamais aussi bien attaché. Mais c’était juste pour nous taquiner. On nous a quand même avoué que nous étions plus consciencieuses que les hommes.