Cavell (Bessie Ruth) Tyrrell Butt a servi dans le Service féminin de l'Armée canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale. Vous pouvez lire et écouter le témoignage de Cavell (Bessie Ruth) Tyrrell Butt ci-dessous.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Le jour de la Victoire en Europe (8 mai 1945), j’étais à Montréal et je n’étais pas encore dans l’armée. Les gens n’en revenaient pas. Tout le monde en parlait, même à des étrangers. Lorsque le jour de la Victoire au Japon (15 août 1945) est arrivé à la mi-août, j’étais en uniforme à London en Ontario et j’ai ressenti un grand soulagement : c’était fini.
Tous ceux qui avaient servi portaient fièrement leur bouton de démobilisation à la boutonnière. Pendant la guerre, tout homme qui semblait valide et qui ne portait pas l’uniforme était méprisé. En fait, de nombreux hommes ont été approchés par des gens leur demandant pourquoi ils n’étaient pas dans l’armée et ce qu’ils faisaient. Même s’ils avaient juste l’air valides sans l’être vraiment. Les émotions étaient vives à ce sujet. Tous les hommes qui ont été réformés portaient leur badge à cet effet, et je l’ai fait moi-même avec fierté. J’avais l’air très jeune pour mon âge et je me souviens qu’un homme dans le tramway m’a dit que je ne devrais pas porter ça. Je suppose qu’il pensait que je n’étais pas assez vieux pour être un ancien combattant, et il avait raison. J’étais quand même un ancien combattant, mais enfin!
Après la guerre, lorsque les anciens combattants ont commencé à revenir, j’étais opérateur téléphonique chez Bell. Beaucoup de femmes que je connaissais et qui travaillaient là pendant les années de guerre pour remplacer les hommes ont dû quitter leur travail lorsque leur mari est rentré. Elles avaient une autorisation d’absence. C’est encore le nom qu’on lui donnait, un congé pour être avec eux et se réhabituer à vivre ensemble après qu’ils eurent mené des vies si différentes pendant toutes ces années. Outre Bell, qui était de toute façon un travail de femme, les femmes rentraient chez elles pour être femmes au foyer. Certaines d’entre elles aimaient l’idée, je suppose, de fonder une famille et tout le reste, mais beaucoup trouvaient vraiment injuste de devoir céder leur travail aux anciens combattants qui rentraient au pays. Les femmes qui sont demeurées au travail étaient méprisées : « Pourquoi prenez-vous le travail d’un homme? »
Il y avait une grande pénurie de vêtements et on ne pouvait pas se permettre d’en acheter juste après la guerre, lorsque les gens étaient libérés.
J’aurais dû dire qu’il y avait, parmi les avantages accordés aux anciens combattants pendant qu’ils étaient à l’école, une allocation de 60 dollars par mois et que de nombreux anciens combattants ayant un enfant vivaient avec cette seule somme. Si on vivait à la maison, on pouvait très bien s’en sortir avec 60 dollars par mois.
Beaucoup ont fait refaire leur uniforme. J’ai fait refaire un uniforme d’été, j’ai changé les boutons, je l’ai fait teindre. Il était très élégant. C’était mon seul costume pour aller travailler. Le rationnement avait réduit les biens disponibles. On ne pouvait pas acheter de réfrigérateur ou de voiture par exemple, mais à 18 ans, ce n’était pas un gros problème pour moi. Je sais que les gens étaient inscrits sur des listes d’attente pour les voitures et qu’il fallait attendre deux ans pour s’en procurer une neuve. Ça a fait monter le prix des vieilles voitures qui fonctionnaient encore bien; les vendeurs en obtenaient plus pour leur argent et les acheteurs devaient en mettre plus que pour les voitures neuves étant donné leur rareté.
Les gens étaient pleins d’espoir et tournés vers l’avenir. On se disait qu’il n’y aurait plus de guerre et qu’on pourrait reprendre une vie normale, quelle qu’elle soit.