Transcription
À partir de ce moment-là, j’ai été là pendant un an dans différentes fonctions (avec The Queen’s Own Rifle, dans le théâtre d’opération en Corée, 1954-1955), commandant de peloton d’abord, qui était avec mon peloton monté sur la ligne. À ce moment, les bataillons étant totalement déployés, et l'on déployant une compagnie sur le même secteur pour observer la zone démilitarisée (établie au lendemain de la signature de l’armistice, le 27 juillet 1953) et avec des longues vues regarder le Chinois, qui avec les même longues vues nous regardaient.
Alors une fois, de temps en temps, il y avait des échanges feu. On avait quelques personnes qui ont été capturées. Il y avait toujours une manigance pour aller les chercher, les escorter et aller au centre de la zone démilitarisée. Et puis on faisait de la patrouille. On se promenait un peu partout. Et puis les Chinois faisaient la même chose de leur côté. Quand on était la compagnie en devoir sur la ligne, on gardait effectivement le front d’un bataillon. On n’aurait jamais été capable d’arrêter une attaque massive, mais les autres étaient en arrière et on nettoyait. On rebâtissait de champs de tir, des lancers de grenades, ce genre de chose-là. On continuait l’entraînement pour se tenir au plus haut. Et naturellement avec quatre compagnies de fantassins, c’était un roulement qui se faisait toutes les semaines, à peu près. Alors on était sur la ligne pendant une semaine, puis on allait en arrière puis on faisait du travail de nettoyage, de déminage à bien des endroits. Il y en avait qui avait été marqué et il y en avait qui ne l’était pas. C’est un peu ça qui nous donnait des blessures, on ne le savait jamais. On était en train de nettoyer un champ puis on ne savait pas qu’il y avait des mines dedans jusqu'à tant qu’on fasse une inspection très détaillée. Parce qu’il n’y avait pas nécessairement été laissé là par les Canadiens aussi. Il y avait toujours un petit peu de jeu. Éventuellement c’est ce qu’on a fait surtout.
À peu près trois semaines d’entraînement et une semaine par mois sur la ligne aux aguets. On fait beaucoup de patrouilles mobiles. Alors il peut y avoir deux ou trois patrouilles mobiles qu’on envoie proche du centre pour écouter; des postes d’écoute, ce genre de choses-là. Et puis, éventuellement, eux ils sont entraînés de rapporter absolument tout, que ce soit une patrouille semblable du côté Chinois, à ce moment-là, devant nous, ce n’était pas les Nord-Coréens c’était les Chinois. Alors quand tu les voyais quelque part tu rapportais continuellement sur le réseau qu’est-ce qu’ils faisaient. Ils faisaient peut-être aussi du déminage comme nous autres sur leur côté. Alors, mais une fois de temps en temps on allait sur la ligne du centre. Et eux aussi allaient jusqu'à la ligne du centre et on se rencontrait. C’est là qui était le moment de tension parce qu’on a eu plusieurs cas de coups de feu qui se sont tirés. Et là, finalement, un officier en charge décide d’arrêter ça. Et puis éventuellement les séparations commencent à se faire une autre fois. Ça nous tenait un petit peu plus nerveux, mais le plus longtemps tu le fais, le moins tu as de problèmes, tu deviens un peu plus insouciant.
Une fois de temps en temps c’est arrivé qu’un Canadien est allé trop loin pis c’est fait happé (fait prisonnier par les soldats chinois). Et puis à ce moment-là, nous autres ça passait par les Nations-Unies avec tout le circuit. On se faisait désigné des fois comme unité pour aller chercher. Moi je me souviens d’être allé chercher un jeune homme du Blackwatch (The Black Watch (Royal Highland Regiment) of Canada) qui avait été capturé. Durant le cessez-le-feu, il avait été capturé, mais ça ne veut pas dire qu’ils vont le laisser partir jusqu'à temps... Alors ils sont arrivés avec une escorte militaire et nous on est arrivé avec une escorte militaire. On s’est rencontré à la ligne et on a échangé notre gars puis on est reparti pis on fait un u-turn(demi-tour). On s’en est retourné et eux autres ont fait la même chose. Alors le pauvre soldat il était pas mal nerveux à ce moment-là.
Quand il est arrivé à son unité, il s’est fait égueuler parce qu’il avait fait quelque chose, il avait été trop loin. Il avait été au mauvais endroit et il s’était fait saisir. Tu ne le sais jamais qu’est-ce que l’autre gars va faire parce que quand on est sur la ligne ou on patrouille totalement armé et les fusils sont chargés. Et puis ce n’est pas comme en arrière, faire de l’entraînement et lancer des grenades, ce genre de choses-là. Quand tu n’es pas, quand tu as la chance d’aller dormir dans une tente et ton fusil est à côté de toi, tu le désarmes. Sans ça c’est là que les accidents arrivent ou on se tire entre nous autres.
C’est un peu difficile parce que c’est nous qui avons vécu la situation. C’est notre bataillon qui est demeuré seul dans la brigade (la 25e Brigade d’infanterie canadienne). Alors la brigade en (19)54 a été désignée pour s’en revenir. La raison pour laquelle on n’a pas converti nos fusils. On est désigné pour s’en revenir excepté un bataillon qui allait prendre le même système de contrôle, mais sur le front de la brigade canadienne à ce moment-là. Alors moi je me sers de ça comme un des meilleurs exemples de « leadership » que j’ai jamais vu.
Les gens devenaient un peu blasés et puis naturellement, l’hiver est très dur en Corée où on était, c’était très froid et très dur. Puis quand tu fais du service très monotone puis être simplement aux aguets, ce genre de choses-là, ça te travaille un peu sur l’esprit. Puis naturellement tu reçois de la correspondance du Canada. Tu écris à ta femme, si tu en as une, ta blonde, si tu n’as pas de femme. Tu reçois des choses comme ça. Alors les gens commencent à dire bien écoute, on entend dire que la brigade s’en retournait au Canada. Mais quand la brigade s’en est retournée au Canada en (19)54, c’était juste la brigade excepté un bataillon avec (…) au moins un moyen de soutien médical puis ce genre de choses-là, qu’il fallait qu’ils demeurent, les communications ces choses-là.
Mon point sur le « leadership » c’est que le commandant, qui était un vétéran de la Deuxième Guerre (mondiale), nous avait rassemblés dans une espèce de colline, une selle si vous voulez. Et puis, la troupe était tout assise là autour puis lui était dans le milieu. Il a expliqué pourquoi c’était nous autres qui allions rester là, les seuls. Parce qu’on était le seul bataillon capable de tenir le front de la brigade. Il était réellement convaincant. Et puis à la fin de son petit discours, les hommes se sont levés et l’ont applaudi.