Project Mémoire

Doreen Violet "Dore" Lawrence

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Doreen Lawrence
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George Byron Lawrence, le futur mari de Doreen Lawrence, ici dans un portrait de groupe (rang du haut, à l'extrémité droite) du cours des officiers assistants de l'artillerie royale canadienne à Larkhill, Angleterre, 1941.
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George Byron Lawrence, le futur mari de Doreen Lawrence, uniforme de surplus de Grande Guerre, juste après son enrôlement dans l'Artillerie Royale Canadienne, en septembre 1939.
Doreen Lawrence
L'Institut Historica-Dominion
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Doreen Lawrence, Fredericton, Nouveau-Brunswick, le 27 juillet 2010.
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Doreen Lawrence
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Doreen Lawrence de l'Armée de terre des Femmes à Dawners Farm, Birdham, Angleterre, 1944.
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Doreen Lawrence et George Byron Lawrence du 5th FIeld Regiment, Artillerie Royale Canadienne à Chichester, Angleterre, le jour de leur mariage la 14 août 1943. Joy, la soeur de Doreen, est au second plan sur la photo.
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Bon, je travaillais dans une usine et un avion est tombé dessus. C’était après que je sois mariée et j’avais les nerfs fragiles et à ce moment-là, parce qu’on avait traversé pas mal de choses déjà.

Transcription

Eh bien, au début de la Seconde Guerre mondiale, j’allais à l’école, j’avais 13 ans. Et ils sont venus nous demander si… ils allaient essayer de faire sortir tous les enfants de Grande-Bretagne, donc si nous voulions aller au Canada ou en Amérique. Et j’ai choisi le Canada. Sans réaliser que plus tard, je vivrais ma vie ici. Mais ensuite, un des navires a été coulé, touché par des torpilles, alors ils ont décidé de garder les enfants en Angleterre.

C’était en 1940, pendant la bataille d’Angleterre, on les voyait souvent se battre de la maison. Les avions allemands arrivaient et les nôtres allaient les combattre. J’habitais à cinq kilomètres de Tangmere, qui était une base aérienne.

Dans le village voisin, il y avait un bal et beaucoup d’entre eux y allaient. Mais, je pense que quand je l’ai rencontré, je l’ai rencontré à l’endroit où il logeait. J’étais partie avec cette dame, elle devait livrer quelque chose, et je portais un petit chapeau rouge qui appartenait à ma sœur et que je n’étais pas censée porter, quand quelqu’un m’a arraché ce chapeau de la tête. Et ce soldat a été très gentil; il est allé le chercher. Il s’est avéré que c’était lui qui avait pris le chapeau et c’était mon futur mari.

Mon mari s’appelait G. Byron Lawrence et il faisait partie du 5e Régiment d’artillerie de campagne [Artillerie royale canadienne], je crois que c’est la 93e Batterie, mais il s’est engagé une semaine après que la guerre a été déclarée au Canada et il avait 18 ans à l’époque. Il s’est engagé comme artilleur et il a fini major. C’était quelqu’un d’assez persévérant. J’essayais de me cacher, de me mettre à l’écart.

Une fois, je suis allée (on était juste amis, c’est tout) au cinéma avec cet ami et en Angleterre, les fauteuils sont moins chers en bas et en haut au balcon, vous payez en fonction de l’endroit où vous êtes assis. Et donc cet ami (et très jeune, mais c’était un Canadien) et il m’a emmenée en haut et je me suis retournée et mon futur mari était assis derrière moi, il nous avait suivis là. Je ne savais même pas qu’il était là, mais bon.

Donc finalement, nous l’avons fait et nous sommes allés nous marier en Angleterre; il fallait avoir la permission de ma mère bien sûr, parce que j’étais mineure. Et ça devait être envoyé au Canada et cela a pris trois mois, ça devait être approuvé ici et ensuite ça devait être posté avant qu’on puisse se marier.

Eh bien, je travaillais dans une usine et un avion s’y est écrasé. C’était après mon mariage et j’avais les nerfs à vif, parce que nous avions traversé pas mal de choses. Et donc le docteur a dit que je devais sortir et passer du temps dehors, il a dit, il ne m’a pas donné de médicaments ou quoi que ce soit et c’est la vraie raison pour laquelle j’ai rejoint la Women’s Land Army.

J’aimais ça, j’aimais être dehors. Mais, chaque fois que je voyais un avion arriver ou voler à basse altitude ou quoi que ce soit, ça me retournait l’estomac. Même là. Il m’a fallu beaucoup de temps pour m’en remettre. En fait, l’expérience que j’ai vécue à l’époque, j’ai mis environ 25 ans à m’en remettre, parce que je l’avais repoussée au fond de ma tête, et c’est à ce moment-là que l’avion s’est écrasé, parce que si j’avais été… je n’étais pas dans le bâtiment à ce moment-là, si j’avais été dans le bâtiment, j’aurais été tuée comme d’autres. Mais, de nos jours, je veux dire, ils vont dans des endroits et on les fait parler de choses. On ne le faisait pas à l’époque. Et donc j’aurais été beaucoup mieux si on avait pu en parler à l’époque.

Une fois, quand j’étais dans… mon beau-frère, le frère de mon mari, qui avait 11 ans, il est entré dans la cuisine; j’étais dans une très bonne famille, dans une ferme. Et il a dit, oh, au fait, que s’est-il passé quand cet avion s’est écrasé? Et je ne sais pas, j’ai juste, mon cerveau a juste, je ne sais pas, je n’ai juste pas su quoi dire ou quoi que ce soit. Et ma belle-mère, ça devait être l’expression sur mon visage, l’a emmené dans la laiterie et lui a dit, ne lui demande plus jamais rien sur la guerre. Mais je pense que si on m’avait laissé en parler alors… mais dès qu’ils sont partis, c’est sorti de ma tête et je n’y ai plus repensé jusqu’à des années plus tard, quand j’étais chez une amie et qu’un avion s’était écrasé quelque part et que tout d’un coup, j’ai commencé à lui en parler. Et réalisant ce que je disais, c’est sorti tout seul, j’ai commencé à pleurer. Bien sûr, elle s’est sentie mal, mais en fait, elle m’avait rendu service. Après cela, j’ai pu en parler un peu, mais il m’a fallu du temps pour y arriver, car chaque fois que j’en parlais, je me mettais à pleurer.

Mais, quand je suis arrivée au Canada, la famille de mon mari est venue me chercher à la gare et j’ai trouvé que c’était si paisible et si calme à la ferme. Ça semblait si calme à regarder. C’était si paisible.