Project Mémoire

George Wallis

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Photo lors des classes au HMS Caledonia 1939.
Journal de bord du HMS Hawkins montrant l'activité à bord du navire alors qu'il a bombardé la rive normande pendant conq jours après le Jour-J. Du 6 au 10 juin 1944.
HMS Barham, just avant qu'il soit torpillé en décembre 1939.
HMS Hawkins ouvrant le feu le Jour J en 1944. Monsieur Wallis était à bord lorsque la photo fut prise.
HMS Hawkins naviguant vers Ceylan, 1939.
L'extraite en français n'est pas disponible en ce moment. Veuillez consulter l'extraite en anglais.

Transcription

Nous sommes embarqués le 5 [juin 1944]. On nous a rappelés parce que le temps était mauvais et que [le général Dwight] Eisenhower [commandant suprême des Forces alliées] était encore un peu hésitant à y aller. Mais il a demandé au météorologue ce que ça disait pour le 6, ce à quoi il a répondu que ce serait un peu mieux. Et nous sommes embarqués le 6 [jour J] et nous sommes restés au port le 6.

Et, pendant que nous [le croiseur lourd de la Marine royale, le HMS Hawkins] nous installions, j’étais dans la salle des machines, mais mon travail de jour était de m’occuper des générateurs et des compresseurs, pour comprimer de l’air. Le chef des machines m’a dit : « Quand on jette l’ancre, ton quart ici se termine et tu dois retourner t’occuper de l’éclairage et des compresseurs d’air pour souffler de l’air dans les canons. » Lorsque les canons tirent, la fumée de cordite demeure dans le canon. Il faut souffler l’air vicié vers l’extérieur pour éviter un retour d’air vers les hommes, car cette fumée est toxique. J’ai fait ce travail pendant les cinq jours qui ont suivi notre arrivée.

Mais juste au moment où on entrait, un graisseur est monté à la cuisine, où l’on préparait la nourriture, pour apporter un peu de chocolat. On appelait ça du « kiber », c’était une boisson au chocolat chaud. Il est venu me voir et m’a dit « la côte est en vue »; il me chuchotait à l’oreille; il devait avoir 18 ans. Et il a dit : « Et l’Aviation royale les martèle des feux du diable tout le long de la côte. » J’ai dit : « Mais pourquoi chuchotes-tu? » Et n’étions pas encore arrivés à notre position pour commencer à tirer. Il a éclaté de rire, et j’en ai fait autant. Mais il était nerveux, tout comme moi. Vraiment nerveux parce que les eaux où nous nous dirigions étaient truffées de mines, exactement là où nous nous dirigions. Ils avaient dispersé 33 millions de mines dans ces eaux. Ça vous rend un peu nerveux, vous voyez. Personne ne se sent courageux face à l’action, peu m’importe ce que vous en pensez.

Nous avons pénétré sur environ deux milles sur la côte. Pour avoir cette église, nous avons dû faire tomber le clocher. Nous sommes allés directement dans l’estuaire de la rivière; on ne nous a jamais dit que nous pouvions faire feu sur les églises. Notre opération visait à réparer quelque chose endommagé dans la ville d’Isigny [-sur-Mer]. La plage était emplie de morts. Ils avaient presque éradiqué Omaha [Beach, l’une des plages du débarquement américain du jour J], mais Eisenhower a demandé de voir ce qu’on pouvait faire d’autre. Nous sommes allés voir et nous avons endommagé cette église. Ils [les observateurs allemands scrutant les rives] repéraient les Alliés et guidaient l’artillerie. Ils les maintenaient [les Américains] en bas sur la plage. Ils s’en servaient comme poste d’observation. Mais détruire une belle église catholique, c’est terrible. Je me suis assis à l’intérieur, c’était une belle église.

Et pour tout vous dire, environ quatre ans plus tard, nous y sommes retournés, vous y pensez! J’ai parcouru de nouveau la côte où nous avons fait toutes ces choses. Et puis je suis allé à Isigny et j’ai vu l’église, une belle église, c’était, une église catholique, je ne suis contre aucune religion. Je suis presbytérien. Je l’ai regardé. J’ai vu qu’on la réparait à différents endroits. Il y avait un magasin de livres dans la place centrale de la ville. J’y suis entré et j’ai demandé au Français qui s’y trouvait : « Comprenez-vous un peu l’anglais? » « Oui, un peu » a-t-il dit. Je lui ai demandé : « Cette église a-t-elle été beaucoup endommagée? ». Il a répondu : « Oh, terriblement endommagée ». Il est allé chercher un livre et l’a ouvert devant moi. J’ai pu voir que c’était un désastre. Je ne lui ai jamais dit que mon navire avait causé tous ces dommages. C’était un véritable désastre. Rasé au sol.

Il y avait des Canadiens avec nous ce jour-là, pour voir les sites que nous avions envahis, et elle avait un de ces magnétophones et elle dit, George, « racontez-moi, dites-moi ce qui s’est passé quand vous étiez ici ». J’étais incapable de parler.