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Paldi

Paldi est un village fondé en 1917 à quelque 75 km au nord-ouest de Victoria en Colombie-Britannique. Paldi a été un des premiers villages industriels multiethniques sur l’île de Vancouver. La communauté a été fondée par l’entrepreneur sikh Mayo Singh (né Mayan Singh Manhas) qui l’a baptisée Paldi, le nom de son village d’origine dans le district de Hoshiarpur, au Pendjab, en Inde. (Initialement, Mayo Singh a nommé le village Mayo Siding, d’après son propre nom, mais l’a rebaptisé Paldi en 1936 parce qu’une localité du Yukon portait déjà le nom de Mayo.) Bien que Paldi n’ait plus aujourd’hui de population recensée, le village demeure un modèle de réussite d’une communauté interculturelle au Canada.


Contexte historique

L’immigration indienne au Canada commence véritablement en 1903 avec l’arrivée des premiers migrants. Quelques années plus tôt, en 1897, des troupes indiennes du Hong Kong Regiment de l’armée indienne britannique arrivent en bateau dans le port de Vancouver. Les soldats traversent le Canada pour se rendre à Québec, où ils s’embarquent pour l’Angleterre afin de participer aux célébrations du jubilé de diamant de la reine Victoria. À leur retour à Hong Kong, les grands voyageurs racontent leurs expériences à leurs collègues stationnés dans les lointaines colonies de l’Asie du Sud-Est au service de la Couronne, ainsi qu’à leurs compatriotes du Pendjab, décrivant le Canada comme un pays en développement encore en grande partie sauvage. Ayant déjà derrière eux une longue tradition de voyages et d’établissements sur plusieurs continents, les militaires indiens sont préparés à affronter de longs périples pour s’installer dans des pays étrangers. Au tournant du 20e siècle, l’Amérique du Nord devient la nouvelle frontière pour ces hommes qui, pour des motifs économiques, ont commencé à émigrer dans le corridor de l’Asie Pacifique.

Mayo Lumber Company

Établissement

En 1906, un Sikh âgé de 17 ans, Mayan Singh Manhas (plus tard connu sous le nom de Mayo Singh) entreprend le périlleux voyage de Paldi, au Pendjab, en Inde, jusqu’à San Francisco. Il compte rejoindre son frère Ganea Singh, qui est déjà en Colombie-Britannique. Après avoir travaillé en Californie pour amasser un peu d’argent, il progresse peu à peu vers le nord et finit par traverser illégalement au Canada à Grand Forks, en Colombie-Britannique. Comme beaucoup d’autres Sikhs, il travaille dans les scieries de Colombie-Britannique jusqu’à ce que l’occasion se présente d’acquérir des scieries en difficulté dans la vallée du Fraser. À la recherche de plus de bois, Mayo Singh se rend sur l’île de Vancouver en 1916 et obtient une concession. À Duncan, il achète des droits d’exploitation forestière à la compagnie de chemin de fer du Canadian Pacifique. Il choisit rapidement un lieu pour établir une scierie, près du chemin de fer et de Sahtlam Creek, donnant naissance au village de Mayo Siding, qui sera plus tard renommé Paldi, et fonde la Mayo Lumber Company Ltd.


Croissance

Vers 1920, l’entreprise de Mayo Singh est dévastée par deux incendies, mais l’entrepreneur persévère. Il engage des Japonais, des Chinois, des Européens, des Autochtones et des Pendjabis qui travailleront et vivront dans les dortoirs communautaires à deux étages de Paldi, créant un village véritablement multiethnique. Mayo Singh construit un gurdwara (lieu de culte sikh) ainsi qu’une école pour répondre aux besoins des familles. La communauté est desservie par un magasin de la compagnie et des cuisines sont disponibles pour permettre aux villageois de préparer leurs repas. En 1936, un bureau de poste ouvre ses portes ainsi qu’un temple japonais avec une salle communautaire. Pour lui-même et son frère, Mayo Singh construit une maison équipée de toutes les commodités modernes. Les villageois construisent des cours de volley-ball et de kabaddi, et organisent des tournois d’une semaine.

School Portrait

Du début jusqu’au milieu des années 1900, la région grandit et prospère, mais le racisme s’accroît aussi envers des résidents de Paldi. « Nous devions nous asseoir au balcon de l’Odeon Theatre », relate un habitant du village, Tom Tagami, dans une interview de Joan Mayo, la belle-fille de Mayo Singh et l’auteure de Paldi Remembered. « Ce n’est qu’en 1936 que nous avons été autorisés à nous asseoir avec les personnes blanches. Nous ne pouvions pas non plus aller nous faire couper les cheveux en ville. Les barbiers blancs ne coupaient pas les cheveux des Orientaux ou des Indiens d’Asie. En conséquence, ma mère a dû apprendre à couper les cheveux. » Malgré toutes ces difficultés, Joan Mayo écrit :

Avec l’arrivée de plusieurs femmes de l’Inde, la communauté a véritablement pris vie. Le village de Paldi est devenu une mixture culturelle unique d’Indiens, de Japonais, de Chinois et de Blancs. Tous parlaient un anglais approximatif, unique à Paldi, créé d’abord par les hommes sur leurs lieux de travail, puis adopté par les enfants qui ne connaissaient que la langue de leurs parents. Toutes les barrières culturelles qui pouvaient être ressenties ailleurs étaient franchies encore et encore chaque jour. Les enfants couraient d’une maison à l’autre et Mayo Singh était vu comme une sorte de grand-père bienfaisant.


En 1927, la communauté possède une population de 1 500 habitants, dont seulement 150 travailleurs célibataires. Au cours de la décennie suivante, les résidents de Paldi prospèrent, grâce au talent d’entrepreneur de Mayo Singh. Toutefois, une série d’incendies dévastateurs et de revers économiques entraîne la fermeture de l’usine en 1945. La plupart des hommes voyagent en autobus pour travailler dans la localité voisine d’Honeymoon Bay. Des familles continuent à vivre à Paldi jusqu’à la fin des années 1960, alors que les gens commencent lentement à s’en aller, puis le village s’enfonce graduellement dans le délabrement. Mayo Singh, toujours aimé et respecté par les familles de Paldi, meurt en 1955.

Sikh Gurdwara

Aujourd’hui

Le village de Paldi, presque abandonné, ne comporte aujourd’hui plus que quelques vestiges, comme le gurdwara sikh (créé en 1919 et reconstruit en 1959), quelques maisons, quelques fondations de maisons et pas grand-chose d’autre. En 1942, le gouvernement du Canada interne les familles japonaises vivant à Paldi, comme tous les Canadiens-Japonais, au plus fort de la Deuxième Guerre mondiale. Encore aujourd’hui, d’anciens résidents de Paldi reviennent régulièrement dans la ville pour se réunir. Les familles conservent des liens entre elles, malgré les divisions culturelles : par exemple, les Yamada, une famille japonaise qui vivait à Paldi, a conservé des liens étroits avec les membres toujours vivants de la famille de Mayo Singh. De même, le 1er juillet de chaque année, des gens qui ont des liens familiaux avec Paldi se réunissent à l’occasion du Jor Mela (rassemblement) originalement créé par Mayo Singh pour marquer les célébrations du jour du Canada. Le temple sikh de Paldi est toujours ouvert et prospère en organisant des services de prière réguliers. Un petit espace muséal invite les visiteurs à regarder de vieilles photographies et à imaginer la vie d’autrefois à Paldi. Ainsi, Paldi garde vivant son héritage d’harmonie communautaire et interculturelle.