Les pensionnats indiens étaient des écoles religieuses financées par le gouvernement pour assimiler les enfants autochtones à la culture euro-canadienne (voir aussi Indien). Bien que des pensionnats aient été établis à l’époque de la Nouvelle-France, le terme désigne habituellement les écoles créées après 1880. Les pensionnats indiens ont été créés par les églises chrétiennes et le gouvernement du Canada dans le but d’éduquer et de convertir les jeunes Autochtones et de les assimiler à la société canadienne. Toutefois, les écoles ont perturbé les existences et les communautés, entraînant des problèmes durables parmi les peuples autochtones. Le dernier pensionnat indien a fermé ses portes en 1996. (Grollier Hall, qui a fermé en 1997, n’était pas un pensionnat indien régi par l’État durant cette année.) Depuis, d’anciens élèves ont demandé reconnaissance et réparation, ce qui s’est soldé par la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens en 2007 et par les excuses publiques du premier ministre Stephen Harper en 2008. En tout, on estime que quelque 150 000 enfants inuits, métis et des Premières Nations ont fréquenté les pensionnats indiens. (Voir aussi Les expériences des Inuits dans les pensionnats indiens et Les expériences des Métis dans les pensionnats indiens.)
Ce texte est l’article intégral sur les pensionnats indiens au Canada. Si vous souhaitez lire un résumé en langage simple, veuillez consulter notre article Pensionnats indiens au Canada (résumé en langage simple).
Faits saillants sur les pensionnats indiens
Qu’étaient les pensionnats indiens? |
Les pensionnats indiens étaient des écoles subventionnées par le gouvernement et dirigées par les églises. |
Quel était le but des pensionnats indiens? |
Le but des pensionnats était d’éduquer les jeunes autochtones, de les convertir au christianisme et de les assimiler à la société canadienne. |
Combien d’élèves ont fréquenté les pensionnats? |
On estime à 150 000 le nombre d’enfants ayant fréquenté les pensionnats indiens. |
Combien d’enfants sont morts dans les pensionnats? |
On estime à 6 000 le nombre de décès d’enfants dans les pensionnats (les archives sont incomplètes). |
Combien de pensionnats y avait-il au Canada? |
Au total, il y a eu environ 130 pensionnats indiens au Canada de 1831 à 1996. C’est en 1931 que l’on en comptait le plus au pays, soit 80. |
Quand a-t-on ouvert le premier pensionnat indien au Canada? |
L’Institut mohawk de Brantfort, en Ontario, a accueilli ses premiers pensionnaires en 1831. |
Quand a-t-on fermé le dernier pensionnat indien au Canada? |
Le pensionnat Gordon à Punnichy, en Saskatchewan, a fermé ses portes en 1996. Il s’agissait du dernier pensionnat indien financé par le gouvernement fédéral au Canada. |
Premiers pensionnats indiens en Nouvelle-France et au Haut-Canada
Les pensionnats indiens ont une longue histoire au Canada. Les premiers pensionnats indiens sont créés en Nouvelle-France par des missionnaires catholiques dans le but d’offrir des soins aux jeunes Autochtones et de les scolariser. Les gouvernements coloniaux ne parviennent toutefois pas à forcer les peuples autochtones à fréquenter ces écoles, puisque les Premières Nations sont très autonomes et que les Européens dépendent d’eux pour leur survie, tant aux niveaux économique que militaire.
Les pensionnats indiens deviennent une partie intrinsèque des politiques gouvernementales et religieuses à partir des années 1830, avec la création d’établissements anglicans, méthodistes et catholiques romains dans le Haut‑Canada (Ontario). Le plus ancien pensionnat indien au Canada était l’Institut mohawk, situé dans ce qui est maintenant Brantford, en Ontario. L’institut prend d’abord la forme d’une école de jour pour les garçons des Six Nations avant d’accueillir, dès 1831, ses premiers pensionnaires. Ces expériences coloniales donneront le ton aux politiques mises de l’avant après la Confédération.
Pensionnats indiens après 1880
Au début des années 1870, le gouvernement fédéral et les peuples autochtones des Plaines désirent tous deux inclure des dispositions relatives à l’éducation dans les traités, mais pas pour les mêmes raisons. Les chefs autochtones espèrent que la scolarisation eurocanadienne aidera leurs jeunes à acquérir les habiletés de la nouvelle société et de s’adapter à un monde dominé par des étrangers. Avec l’adoption de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique en 1867 et la mise en œuvre de la Loi sur les Indiens (1876), le gouvernement est responsable de l’éducation des jeunes Autochtones et de leur assimilation à la société canadienne.
Pour sa part, le gouvernement fédéral voit dans la scolarisation un moyen de rendre les Premières Nations autosuffisantes sur le plan économique, son objectif sous-jacent étant de diminuer la dépendance des Autochtones à l’égard des fonds publics. Il s’associe donc avec des missionnaires chrétiens pour encourager la conversion religieuse et l’autosuffisance économique. Ces objectifs mènent à l’élaboration, après 1880, de la politique d’éducation des Autochtones, qui repose en grande partie sur des écoles de garde. Ces écoles sont bien loin de celles que les dirigeants autochtones espéraient créer.
Après l’établissement, en 1883, de trois écoles industrielles dans les Prairies, le gouvernement fédéral et les églises mettent sur pied, au cours des 50 années suivantes, un réseau de pensionnats indiens s’étendant dans la plus grande partie du pays. La plupart de ces écoles se trouvent dans les quatre provinces de l’Ouest et les territoires, mais il y en a aussi un bon nombre dans le nord-ouest de l’Ontario et, plus tard, dans le nord du Québec. Le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard ne disposent pas de telles écoles parce que, semble-t-il, le gouvernement estime que les Autochtones qui y vivent se sont suffisamment assimilés à la culture eurocanadienne.
À son apogée, vers 1930, le réseau des pensionnats regroupe en tout 80 établissements. L’Église catholique en administre les trois cinquièmes, l’Église anglicane le quart, et l’Église unie et les Églises presbytériennes se partagent le reste. Avant 1925, l’Église méthodiste administre aussi des pensionnats. Toutefois, lorsque l’Église unie du Canada est fondée en 1925, la plupart des écoles presbytériennes et toutes les écoles méthodistes deviennent des écoles de l’Église unie.
Isolement et assimilation
De façon générale, l’expérience des pensionnaires s’avère négative, voire traumatisante. Les élèves sont isolés, retirés de leur foyer et séparés de leurs parents et parfois de certains de leurs frères et sœurs, les écoles étant séparées selon le sexe. Leur culture est également dénigrée et dans certains cas, on leur interdit de parler leur langue maternelle, même dans les lettres qu’ils adressent à leurs parents. Les tentatives d’assimilation des enfants commencent dès leur arrivée à l’école : on leur coupe les cheveux (dans le cas des garçons), on les dépouille de leurs vêtements traditionnels et on les remplace par de nouveaux uniformes. Dans bien des cas, on leur donne aussi un nouveau nom. Les missionnaires chrétiens consacrent leur temps et leur attention aux pratiques religieuses, tout en critiquant ou en dénigrant ouvertement les traditions spirituelles autochtones.
Daniel Kennedy (Ochankuga’he) décrit son expérience au pensionnat de Qu’Appelle (Lebret) dans ses mémoires publiées sous le titre Recollections of an Assiniboine Chief (1972) :
En 1886, à l’âge de 12 ans, on m’a capturé au lasso, attaché et envoyé à l’école gouvernementale de Lebret. Six mois plus tard, j’ai constaté avec tristesse que j’avais perdu mon nom et qu’un prénom anglais m’avait été attribué en échange. […] « Quand on t’a amené ici pour l’inscription [m’a plus tard raconté l’interprète du pensionnat], on t’a demandé de nous donner ton nom. Quand tu l’as fait, le directeur a fait remarquer qu’il n’existait pas de lettre dans l’alphabet pour épeler le nom de ce petit païen et qu’aucune langue civilisée ne pouvait le prononcer.
“Nous allons le civiliser, alors il lui faut un nom civilisé.” Voilà comment tu as acquis ce tout nouveau nom d’homme blanc. » […] Suivant leur promesse de civiliser le petit païen, ils se sont mis au travail et m’ont coupé les tresses, ce qui, d’ailleurs, selon la coutume assiniboine, est un signe de deuil — plus le parent est proche, plus la coupe est près du cuir chevelu. Après ma coupe de cheveux, je me suis demandé en silence si ma mère était morte, car ils m’avaient coupé les cheveux très courts. Je me suis regardé dans le miroir pour voir à quoi je ressemblais. Une tête de citrouille d’Halloween m’a rendu mon regard et c’en était fait. Si c’était ce à quoi ressemblait la civilisation, je ne voulais pas du tout en être. Je me suis enfui de l’école, mais j’ai été capturé et ramené au pensionnat. J’ai fait deux autres tentatives, mais sans plus de chance.
Réalisant qu’il n’y avait pas d’échappatoire, je me suis résigné à apprendre les trois R. […] Contemplez par vous-même les obstacles rencontrés par un jeune Indien qui n’avait jamais vu l’intérieur d’une maison; qui avait vécu, été comme hiver, dans des tipis en peau de bison; qui avait grandi avec un arc et des flèches à la main.
(Daniel Kennedy [Ochankuga’he], ancien élève du pensionnat de Qu’Appelle)
La vie dans les pensionnats indiens
Jusqu’à la fin des années 1950, les pensionnats fonctionnent selon un système de demi-journées : les élèves passent la moitié de la journée en classe et l’autre moitié au travail. Cette pratique vise en principe à permettre aux élèves d’acquérir diverses habiletés grâce auxquelles ils pourront gagner leur vie à l’âge adulte. En réalité, leur travail a davantage pour effet de gérer l’école à peu de frais que de leur procurer une formation professionnelle.
Les tâches sont séparées selon le genre. Les filles sont responsables de l’entretien ménager (cuisine, nettoyage, lessive, couture), tandis que les garçons s’occupent de la menuiserie, de la construction, de l’entretien général et du travail agricole. Le financement des pensionnats est une préoccupation importante. Des années 1890 aux années 1950, le gouvernement cherche constamment à transmettre le fardeau de ce système aux églises et aux élèves, dont le travail contribue financièrement aux écoles. Dans les années 1940, il devient évident pour plusieurs que le système de demi-journées ne réussit pas à fournir aux pensionnaires une éducation et une formation adéquates. Cependant, le système de demi-journées n’est aboli qu’à la fin des années 1950, lorsqu’un regain de l’économie améliore le financement disponible.
Routine quotidienne dans les pensionnats
La journée des élèves commence de bonne heure, généralement au son d’une cloche qui les somme de s’habiller et de se rendre à la chapelle ou à la messe. Les élèves accomplissent ensuite toute une série de corvées (appelées fatigue duty en anglais) avant le déjeuner. Comme tous les autres repas, le déjeuner est frugal et englouti en vitesse dans un réfectoire. Il est suivi de trois heures de classe ou d’une période de travail avant la pause du dîner. L’après-midi suit un horaire similaire, marqué par des cours ou du travail, suivi de corvées supplémentaires avant le souper. Une courte période de récréation est également prévue à l’horaire, généralement en après-midi ou en soirée. Certains pensionnats possèdent de petites bibliothèques, et plusieurs d’entre eux offrent du sport organisé et de l’enseignement musical, y compris un chœur et une fanfare. Les soirs se concluent par la prière et le coucher se fait tôt. Il s’agit d’un horaire extrêmement strict.
Les fins de semaine, il n’y a pas de cours, mais les élèves consacrent habituellement plus de temps aux pratiques religieuses le dimanche. Jusqu’aux années 1950, les vacances se résument, pour bien des élèves, à des périodes de travail et de jeu à l’école. Ce n’est qu’à partir des années 1960 que les écoles prennent l’habitude d’envoyer les enfants à la maison pour les vacances. Pour cette raison, de nombreux pensionnaires ne voient pas leur famille pendant des années.
Horaire quotidien à l’école industrielle de Qu’Appelle, 1893
(Source : Rapport annuel du ministère des Affaires indiennes, 1893, p. 173, reproduit dans Pensionnats du Canada : rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015, vol. 1, p. 330-331)
5 h 30 |
Lever des élèves |
6 h |
Chapelle [service religieux] |
6 h 30 à 7 h 15 |
Faire les lits, lavage, traire les vaches, et pomper de l’eau |
7 h 15 à 7 h 30 |
Inspection des élèves dans les salles de classe pour voir s’ils sont propres et convenablement habillés, leur condition, santé, etc.; note étant prise de ceux qui exigent l’attention; si c’est pour les vêtements, cela se fait par la Sœur immédiatement après le dîner. |
7 h 30 |
Déjeuner |
8 h à 9 h |
Corvée pour les petits garçons |
8 h |
Les garçons de métier vont à l’ouvrage |
9 h à 12 h |
Classe, avec 15 minutes de récréation |
12 h à 12 h 10 |
Préparatifs pour le dîner |
12 h 10 à 12 h 40 |
Dîner |
12 h 40 à 14 h |
Récréation |
14 h à 16 h |
Classe et métiers |
16 h 45 à 18 h |
Corvée, tel que traire les vaches, transporter le charbon, les cendres, remplir les réservoirs, les boîtes à bois, pomper l’eau, balayer |
18 h à 18 h 10 |
Préparatifs pour le souper |
18 h 10 à 18 h 40 |
Souper |
18 h 40 à 20 h |
Récréation |
20 h |
Prière et coucher |
Éducation et formation professionnelle dans les pensionnats
Dans l’ensemble, les étudiants reçoivent une éducation médiocre dans les pensionnats indiens, tant du point de vue scolaire que de celui de la formation professionnelle. Ils doivent composer avec des enseignants qui sont généralement mal préparés, tandis que les programmes et le matériel proviennent d’une culture qui leur est étrangère. De plus, les leçons sont enseignées en anglais ou en français, langues que beaucoup d’enfants ne comprennent pas. En milieu de travail, les surveillants sont sévères, et les apprentissages professionnels que les élèves sont censés tirer de leurs tâches sont limités, voire absents.
Le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation, publié en 2015, tire les conclusions « incontestables » ci-dessous à propos du système de pensionnat.
- Le gouvernement fédéral n’a pas fixé une série d’objectifs et de normes claire en matière d’éducation dans les pensionnats.
- Le programme d’études des pensionnats correspondait essentiellement à un programme d’école primaire, reflétant la conviction selon laquelle la population autochtone était inférieure sur le plan intellectuel.
- Le gouvernement n’a jamais élaboré ou mis en œuvre une politique à l’échelle du système sur la compétence professionnelle des enseignants;
- Le personnel enseignant était sous-qualifié, mal payé et débordé.
- Le programme d’études (qui mettait l’accent sur la lecture, l’écriture, l’arithmétique et la religion, ou les « quatre R » en anglais) était non seulement rudimentaire, mais en grande partie inapproprié aux besoins, aux expériences et aux intérêts des élèves.
- Les élèves quittaient les écoles sans avoir acquis les compétences nécessaires pour réussir dans leur communauté ou sur le marché du travail. De plus, beaucoup d’entre eux sont partis sans avoir complété leur scolarité.
En bref, l’éducation et la formation professionnelle offertes par les pensionnats indiens sont inappropriées.
Entre deux mondes : perte culturelle et assimilation
Les tentatives d’assimiler les étudiants autochtones les désorientent et les laissent peu sûrs d’eux, empreints du sentiment qu’ils n’appartiennent ni à la société autochtone ni à la société des colons.
John Tootoosis, qui a fréquenté le pensionnat de Delmas (aussi appelé pensionnat Thunderchild) en Saskatchewan, ne mâche pas ses mots lorsqu’il parle du système de pensionnats indiens :
« Lorsqu’un Indien sort de ces endroits, c’est comme si on le mettait entre deux murs d’une pièce et qu’on l’abandonnait au milieu. D’un côté se trouve tout ce qu’il a appris de son peuple et de son mode de vie qui est en train d’être anéanti, et de l’autre, il y a les façons de l’homme blanc, qu’il n’a jamais pu comprendre pleinement puisqu’il n’a jamais reçu une assez grande éducation pour en faire partie. Alors, le voilà là, errant au milieu de deux cultures, et il n’est pas un Blanc, et il n’est pas un Indien. Ils ont presque tout effacé de notre esprit, toutes les choses dont un Indien a besoin pour s’aider lui-même, pour penser comme un humain doit le faire pour survivre. »
(John Tootossis, ancien élève du pensionnat de Delmas)
Abus dans les pensionnats indiens
Beaucoup d’élèves subissent de mauvais traitements dans les pensionnats. L’impatience et les corrections donnent souvent lieu à des punitions excessives, y compris de la violence physique. Dans certains cas, les pensionnaires sont enchaînés, séquestrés ou sévèrement battus.
Certains membres du personnel sont des prédateurs sexuels et beaucoup d’élèves sont abusés sexuellement. Lorsque des allégations d’abus sexuels sont faites par des élèves, des parents ou du personnel, la réponse du gouvernement et de l’Église est, au mieux, inadéquate. Même lorsque les représentants du gouvernement ou de l’église jugent que la plainte est fondée, la police est rarement contactée. De façon générale, la réaction aux allégations est souvent de simplement congédier le coupable. D’autres fois, ils permettent à l’agresseur de continuer à enseigner.
Santé, maladies et décès dans les pensionnats indiens
Selon la Commission de vérité et réconciliation, au moins 3 200 enfants autochtones meurent dans les pensionnats surpeuplés. En raison de la mauvaise tenue des dossiers par les églises et le gouvernement fédéral, il est peu probable que nous ayons un jour accès au nombre total de décès dans les pensionnats indiens. Cependant, selon le juge Murray Sinclair, président de la Commission, ce nombre pourrait être supérieur à 6 000.
Ne mangeant pas à leur faim et souffrant de malnutrition, les élèves sont particulièrement vulnérables devant des maladies telles la tuberculose et la grippe (y compris l’épidémie de grippe espagnole de 1918-1919). La nourriture est de mauvaise qualité et en quantité insuffisante, en grande partie à cause des préoccupations concernant les coûts. À cause d’un financement limité, les pensionnats reçoivent l’instruction d’observer « l’économie la plus stricte […] à tous les points de vue ». De façon générale, les menus semblent avoir été à la fois monotones et inadéquats sur le plan nutritionnel. Selon Basil Johnston, qui a fréquenté le pensionnat à Spanish, en Ontario, on sert aux pensionnaires « de la bouillie, de la bouillie et encore de la bouillie, tantôt grumeleuse, tantôt aqueuse, mais toujours avec une monotone régularité tous les lundis, mercredis, vendredis et samedis ».
Menu de l’école industrielle de Qu’Appelle, Territoires du Nord-Ouest, 1893
(Source : Rapport annuel du ministère des Affaires indiennes, 1893, p. 174; reproduit dans Pensionnats du Canada : rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015, vol. 1, p. 552)
Déjeuner |
Quatre jours par semaine gruau d’avoine ou de blé-d’inde (sic) avec du lait ou du sirop, on le sert avec du thé chaud et du pain; les élèves qui travaillent et ceux qui ne sont pas en bonne santé reçoivent en outre du beurre.
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Dîner |
Soupe, viande ou poisson, légumes et pain à discrétion. Pour dessert, du riz ou des pommes bouillies, ou de la rhubarbe bouillie ou du sirop, ou du pain et du lait, avec de l’eau froide pour boire, excepté les enfants faibles et ceux qui travaillent en dehors, qui ont du thé chaud. |
Souper |
Viande pour les élèves qui travaillent, hachis et légumes pour les autres, pain à discrétion et dessert semblable à celui du dîner, thé chaud. |
De plus, des recherches publiées en 2013 et menées par Ian Mosby, historien de la nourriture, révèlent que les élèves fréquentant certains pensionnats indiens dans les années 1940 et 1950 sont sujets à des expériences nutritionnelles sans leur consentement ou le consentement de leurs parents. Ces études sont approuvées par divers ministères du gouvernement fédéral et menées par de grands experts en nutrition. Elles suggèrent de restreindre à certains élèves l’accès à des éléments nutritifs essentiels et à des soins dentaires pour évaluer les effets des améliorations de la diète pour d’autres élèves. De façon générale, les expériences ne semblent pas avoir eu de bénéfice à long terme.
Les carences nutritionnelles et le surpeuplement entraînent régulièrement des épidémies dans les pensionnats. Bien que la tuberculose et la grippe aient été les principales causes de décès, les étudiants sont également touchés par des éclosions de variole, de rougeole, de typhoïde, de diphtérie, de pneumonie et de coqueluche. Au cours de l’hiver 1926-1927, par exemple, 13 enfants meurent d’une combinaison de rougeole et de coqueluche au pensionnat de Lytton. Louise Moine, qui a fréquenté l’école de Qu’Appelle dans les Territoires du Nord-Ouest, se souvient d’une année, au début du 20e siècle, durant laquelle la tuberculose était hors de contrôle :
Tous les mois, un décès survenait chez les filles, et plusieurs garçons en sont également morts. On nous emmenait toujours voir les filles qui venaient de mourir. Les religieuses les habillaient en bleu clair et elles semblaient toujours si paisibles et angéliques. On nous faisait croire que leurs âmes étaient montées au ciel et, d’une certaine manière, cela atténuait le chagrin et la tristesse que nous ressentions en raison de la perte de nos petites camarades. Une messe de requiem était célébrée dans la chapelle. Nous accompagnions tous le corps qui se trouvait dans un simple cercueil fait à la main jusqu’au cimetière situé près de l’Église catholique dans le village.
(Louise Moine, ancienne élève du pensionnat de Qu’Appelle)
Bien que des experts médicaux comme Dr Peter Bryce, Dr James Lafferty, Dr O.I. Grain et Dr E.L. Stone aient recommandé des mesures pour améliorer la santé et les traitements médicaux, ces mesures ne sont pas mises en œuvre par le gouvernement, en grande partie parce qu’on craint une hausse des coûts et que les églises s’y opposent.
Les écoles auraient pu faire en sorte que les enfants soient moins vulnérables à la tuberculose en leur fournissant un milieu de vie sanitaire et bien ventilé, un régime alimentaire approprié, des vêtements chauds et suffisamment de repos. Au lieu, la plupart du temps, les pensionnats n’ont pas réussi à offrir les conditions de vie saines, les aliments nutritifs, les vêtements adéquats et le régime physique qui auraient favorisé la santé des élèves et qui auraient donné à ceux qui étaient infectés une bonne chance de s’en sortir.
(Pensionnats du Canada : rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015, vol. 1, p. 506)
Résistance et fermeture
Les élèves autochtones et leurs parents s’opposent virulemment et résistent au régime sévère qui est instauré dans la plupart des pensionnats. Certains enfants refusent de collaborer, sabotent les opérations de la cuisine ou de la classe, dérobent de la nourriture et des fournitures ou fuguent (comme l’a fait Chanie Wenjack en 1966). Au moins 25 feux sont allumés par des élèves en guise de protestation. Leurs parents et les chefs politiques autochtones protestent contre les conditions austères et les lacunes pédagogiques des écoles, mais leurs objections sont généralement ignorées.
Cependant, dans les années 1940, le gouvernement et la plupart des communautés missionnaires se rendent à l’évidence que les écoles sont inefficaces. En ce sens, les protestations des Autochtones aident à obtenir un changement de politique. En 1969, le système des pensionnats est pris en charge par le ministère des Affaires indiennes, ce qui met fin à la participation de l’Église. Le gouvernement décide d’éliminer progressivement les écoles, mais cette décision se heurte à la résistance de l’Église catholique, qui croit que l’éducation ségrégative constitue la meilleure approche pour les enfants autochtones. Des communautés autochtones résistent aussi à la fermeture des écoles, affirmant que les écoles confessionnelles devraient demeurer ouvertes ou encore qu’elles devraient être sous leur contrôle. En 1986, la plupart des écoles sont soit fermées, soit transférées aux bandes locales. Dix ans plus tard, le pensionnat Gordon à Punnichy, en Saskatchewan ferme enfin ses portes.
Recherches par radar à pénétration de sol
En mai 2021, la Première Nation Tk'emlúps te Secwépemc, en Colombie-Britannique, a engagé une équipe de spécialistes pour effectuer des recherches au moyen d’un radar pénétrant le sol sur le site de l’ancien pensionnat indien de Kamloops. Ils ont détecté des perturbations du sol, et ont conclu par la suite qu’il s’agissait de 200 « sépultures possibles » sur le site.Exploité par l’Église catholique de 1890 à 1969, le pensionnat indien de Kamloops comptait jusqu’à 500 enfants inscrits chaque année, selon le Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR). À la Commission de vérité et réconciliation de 2008, on a dit que seulement 50 décès avaient eu lieu dans l’établissement. L’école a officiellement fermé en 1978 après que le gouvernement fédéral en ait pris le contrôle en 1969.
Les technologies de pénétration du sol n’ont été utilisées que sur peu de sites des pensionnats en raison de la sensibilité du processus et de son effet sur les communautés. On présume que les dossiers historiques relatifs aux décès survenus dans ces établissements sont incomplets, car certains ordres catholiques ont refusé de communiquer des statistiques sur ces établissements. Par conséquent, des découvertes similaires, comme celles du pensionnat indien de Kamloops, pourraient se produire à l’avenir.
Guérison, compensations et réconciliation
Les collectivités autochtones, souvent avec le soutien des églises et, depuis 1998, avec l’aide financière du gouvernement, assument la tâche difficile d’appuyer leurs membres pour traiter les effets à long terme des pensionnats, notamment l’éclatement familial, la violence et le désœuvrement. À la fin des années 1990, d’anciens élèves exigent que le gouvernement et les églises reconnaissent leur rôle dans la création des pensionnats et qu’on leur donne une indemnisation pour les souffrances encourues.
En 2005, le gouvernement fédéral établit un programme d’indemnisation de 1,9 milliard de dollars pour les survivants d’abus des pensionnats indiens. En 2007, le gouvernement fédéral et les églises responsables des écoles s’entendent pour indemniser les anciens élèves dans le cadre de la Convention de règlement relative aux pensionnats.
Le 11 juin 2008, le premier ministre Stephen Harper présente, de la part du gouvernement du Canada, des excuses aux anciens élèves des pensionnats indiens au Canada. Le premier ministre reconnaît ouvertement que la politique d’assimilation sur laquelle les écoles étaient fondées était « erronée, qu’elle a fait beaucoup de mal et qu’elle n’a aucune place dans notre pays ». Il reconnaît également les effets profondément destructeurs et durables des écoles sur la culture, le patrimoine et la langue autochtones. Ces excuses constituent l’une des étapes entreprises par le gouvernement pour bâtir de nouvelles relations avec les peuples autochtones au Canada.
Les excuses de Stephen Harper et le programme d’indemnisation offert par le gouvernement fédéral n’incluent pas les survivants des pensionnats indiens de Terre-Neuve-et-Labrador. Puisque le Canada n’a pas créé et géré de pensionnats indiens dans cette province (Terre-Neuve ne fait pas partie du Canada au moment où les pensionnats commencent), le gouvernement fédéral soutient qu’il n’est pas responsable d’indemniser les anciens élèves. Après que les survivants ont intenté un recours collectif contre le gouvernement, un règlement de 50 millions de dollars est conclu le 10 mai 2016. Le règlement est approuvé par un juge de la Cour Suprême de Terre-Neuve-et-Labrador, Robert Stack, le 28 septembre 2016. Le 24 novembre 2017, le premier ministre Justin Trudeau présente des excuses officielles aux survivants des pensionnats indiens de Terre-Neuve-et-Labrador.
En 2020, le gouvernement fédéral désigne deux anciens pensionnats indiens – Shubenacadie en Nouvelle-Écosse et Portage La Prairie au Manitoba – comme des lieux historiques nationaux. Le gouvernement désigne également le système de pensionnats indiens comme événement d’importance historique au Canada. (Voir aussi Réconciliation au Canada.)
Le 3 juin 2021, le gouvernement fédéral reconnaît officiellement une Journée nationale de la vérité et de la réconcilation qui se tiendra le 30 septembre de chaque année. La journée rend hommage aux survivants des pensionnats indiens et à leurs familles. Une autre journée commémorative, la Journée du chandail orange, se déroule aussi chaque année le 30 septembre. La journée du chandail orange, célébrée depuis 2013, est une idée de Phyllis Webstad, une survivante d’un pensionnat indien. À sa première journée d’école, Phyllis Webstad portait un chandail orange qui lui a été retiré par les autorités scolaires et ne lui a jamais été remis. Le chandail orange est porté en souvenir de tous ces enfants qui se sont vus retirer leur culture.
En septembre 2021, la reine Elizabeth II a commémoré la première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation du Canada (Journée du chandail orange) en déclarant : « Je me joins à tous les Canadiens et Canadiennes en cette première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation pour réfléchir à l’histoire douloureuse que les peuples autochtones ont endurée dans les pensionnats du Canada, et au travail qu’il reste à faire pour guérir et continuer à bâtir une société inclusive. » En tant que chef d’État du Canada, on a demandé à la reine de présenter des excuses officielles pour le rôle de la Couronne dans le fonctionnement des pensionnats.
Le pape François a présenté des excuses officielles pour la participation de l’Église catholique aux pensionnats indiens en mars 2022. Le pape a demandé pardon « pour la conduite déplorable des membres de l’Église catholique » qui ont été impliqués dans le système des pensionnats. Une délégation de peuples autochtones qui s’est rendue à Rome pour s’entretenir avec le pape a entendu en personne ces excuses historiques. Cassidy Caron, chef du Ralliement national des Métis, a déclaré que « les excuses sont un pas en avant, mais il y a encore du travail à faire. »
En juillet 2022, le pape s’est rendu au Canada et a présenté ses excuses sur le sol canadien : « Je demande humblement pardon pour le mal commis par de nombreux chrétiens contre les peuples autochtones ». Le pape a reconnu que ces excuses ne sont qu’une première étape vers la réparation, et qu’une enquête doit être menée sur les événements du passé. Plusieurs réclament à l’église une compensation financière et d’autres gestes de réconciliation, comme la restitution d’artefacts autochtones, la publication des archives des écoles et la répudiation de la doctrine de la découverte.
Le saviez-vous?
Historica Canada, en utilisant les données fournies par le Centre national pour la vérité et la réconciliation de l’Université du Manitoba, a créé une carte (voir ci-dessous) de tous les pensionnats indiens au Canada. Faisant partie d’un effort plus vaste d’Historica Canada appelé Programme de sensibilisation aux pensionnats indiens, la carte comprend l’emplacement, le nom, la confession religieuse, les dates d’ouverture et de fermeture, et tout autre nom sous lequel ces pensionnats étaient connus.
Publication des noms d’enfants morts dans les pensionnats indiens
Le 30 septembre 2019, les noms de 2 800 enfants décédés dans des pensionnats indiens au Canada ont été publiés par le Centre national pour la vérité et réconciliation dans le cadre d’une cérémonie à Gatineau, au Québec (voir Commission de vérité et réconciliation du Canada). La cérémonie était le couronnement de plusieurs années de recherches sur les enfants autochtones de 80 écoles à travers le pays dans des registres du gouvernement et de l’Église remontant aussi loin que les années 1890. Selon les archivistes, quelque 1 600 enfants morts dans des pensionnats indiens n’ont toujours pas été identifiés. Des recherches se poursuivent dans les archives afin d’établir leur identité.
Les noms des enfants et celui de leurs écoles ont été inscrits sur une bannière de tissus rouge sang d’une longueur de 47 mètres. Dr Barney Williams, un aîné de la Première Nation de Tia-o-qui-aht, survivant des pensionnats indiens et membre du Comité des survivants des pensionnats indiens (un organe consultatif de la Commission de vérité et réconciliation du Canada) a déclaré que la cérémonie était importante pour éviter que les enfants morts ne tombent dans l’oubli : « Cette journée est spéciale non seulement pour moi, mais aussi pour des milliers d’autres comme moi, dans tout le pays, car elle apporte reconnaissance et honneur à nos camarades d’école, à nos cousins, à nos neveux, à nos nièces qui étaient oubliés. » La publication des 2 800 noms a été un moment très réconfortant et touchant pour Barney Williams et pour des milliers de familles autochtones à travers le Canada.