Petite Manille de Toronto | l'Encyclopédie Canadienne

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Petite Manille de Toronto

La Petite Manille de Toronto se trouve dans le quartier central de North York, le long de deux artères principales : la rue Bathurst (nord-sud) et l’avenue Wilson (est-ouest). Le secteur est généralement associé à la communauté d’affaires philippine. La rue commerciale principale est reconnue comme appartenant au patrimoine culturel de la Ville de Toronto puisqu’il s’agit d’un pôle ethnique et culturel distinct.

Migration et installation

Pendant des millénaires, les Premières Nations ont habité le quartier aujourd’hui appelé North York, qui se trouve sur le territoire visé par le Traité no 13 signé avec les Mississaugas de Credit. Avant la Deuxième Guerre mondiale, le secteur entourant Bathurst et Wilson est surtout rural. Il se développe cependant lorsque la communauté juive s’y installe dans des maisons de banlieue pendant la période d’après-guerre. Dans les années 1950, bon nombre de centres d’apprentissage et de culture juifs (ainsi que des synagogues) sont construits, et ce, surtout le long de la rue Bathurst.

À partir des années 1960, la population philippine de Toronto commence à se développer en raison de la réforme de la politique d’immigration canadienne, qui autorise un grand nombre d’immigrants à s’installer au pays. (Voir Immigration au Canada.) La situation économique aux Philippines incite également beaucoup de gens à émigrer. Le quartier St. James Town, au centre-ville, est alors la première destination de beaucoup de travailleurs immigrants. Vers les années 1990, la migration philippine augmente rapidement. Des milliers de femmes s’installent au pays pour travailler comme domestiques, parrainées par des familles ayant besoin des services d’une nounou vivant sous leur toit. D’autres trouvent plutôt du travail dans le quartier de Baycrest Centre, où elles sont appelées à prendre soin des membres âgés de la communauté juive.

De nombreux immigrants philippins parrainent l’immigration de leur famille au Canada. Depuis 2011, les Philippines sont l’une des plus grandes sources d’immigration au pays, ce qui explique l’expansion continue de la communauté philippine.

Selon les données du recensement de 2016, 274 670 personnes d’origine ethnique philippine vivent à Toronto ou dans les environs. La plus forte concentration de résidents philippins se trouve dans le secteur entourant la rue Bathurst et l’avenue Wilson. Le tagalog (la langue des Philippines) y est d’ailleurs l’une des langues les plus parlées à la maison. (Voir aussi Langues utilisées au Canada.) Depuis le début des années 2000, on assiste à la transformation de la Petite Manille de Toronto en raison d’une immigration croissante dans le secteur. On y trouve maintenant bon nombre d’entreprises locales destinées à servir la communauté philippine.

Vie économique

Le secteur délimité par la rue Bathurst et l’avenue Wilson est parmi ceux affichant le plus haut revenu médian de Toronto. (Voir aussi Répartition des revenus.) En effet, les immigrants philippins enregistrent généralement un taux d’activité plus élevé que les autres populations immigrantes. Malgré cela, les écarts de revenus entre les membres de la communauté sont encore importants, ce qui s’explique entre autres par des emplois mal rémunérés dans les milieux de la santé, de l’hôtellerie et de la production. La plupart des travailleurs prennent soin d’envoyer de l’argent ou des colis, appelés balikbayans, à leurs proches encore aux Philippines, ce qui est possible grâce aux centres de service.

Le saviez-vous?
Le terme balikbayan décrit une personne qui retourne aux Philippines après un séjour à l’étranger.


Le logement est une grande source d’inquiétude pour beaucoup de membres de la communauté philippine. Certaines travailleuses domestiques sont incapables de se payer un logement hors du domicile de leur employeur en raison de leur salaire insuffisant. D’autres réussissent à limiter les frais de logement en louant seulement des appartements de fin de semaine. L’inégalité en matière de logement demeure aujourd’hui un enjeu important pour les membres de la communauté philippine du secteur.

De plus en plus de résidents philippins ouvrent des boutiques, des boulangeries et des restaurants. Tandis que certaines entreprises fonctionnent de manière autonome, d’autres louent des espaces dans des centres commerciaux linéaires existants. Les locataires ont différents profils : certains entrepreneurs louent seulement à court terme, tandis que d’autres occupent ces locaux pendant plusieurs années. Peu d’initiatives ont été lancées pour créer des zones d’amélioration commerciale (ZAC) en partenariat avec la ville. Une ZAC permet à un groupe de propriétaires et de locataires de s’unir pour promouvoir le secteur à titre de quartier commercial et d’affaires.

Au fil des ans, les Philippins ont investi beaucoup d’argent dans le quartier. En 2019, la chaîne de restauration rapide Jollibee a choisi le quartier pour y installer sa troisième succursale torontoise.

Vie communautaire et sociale

La Petite Manille de Toronto est encore aujourd’hui un quartier d’accueil important pour les nouveaux immigrants, créant ainsi un mélange urbain dynamique de personnes et de cultures. En juin, les membres de la communauté célèbrent le Mois du patrimoine philippin. (Voir Canadiens philippins.) Dans la Petite Manille, cette célébration prend la forme de parades et de festivités, comme le pique-nique communautaire annuel, Salu-Salo, au parc Earl Bales.

Des dizaines de milliers de personnes participent au festival Taste of Manila. Chaque année depuis 2014, une partie de la rue Bathurst est généralement fermée aux véhicules pour laisser la place aux festivités, pendant lesquelles on peut déguster des mets philippins dans la rue et assister à des spectacles. On y offre également des services d’accompagnement pour les immigrants, d’aide financière, de transferts d’argent internationaux et de soutien à l’emploi. Les organisateurs affirment qu’il s’agit du plus important événement culturel philippin en dehors des Philippines. En juillet 2022, on ferme l’accès à la circulation dans une section de la rue Bathurst pour la tenue d’un autre festival semblable, du nom de Fun Philippines.

La paroisse Our Lady of Assumption, au sud de la Petite Manille, sur la rue Bathurst, est au service de la communauté philippine du secteur. Depuis août 2008, il s’agit de l’aumônerie philippine désignée à Toronto. La paroisse offre des messes en langue philippine toutes les semaines. (Voir Catholicisme au Canada.) La bibliothèque Barbara Frum, qui se trouve également au sud de la Petite Manille, sert elle aussi la communauté grâce à une programmation destinée aux nouveaux arrivants nés aux Philippines. La bibliothèque renferme d’ailleurs l’une des plus grandes collections de documents en tagalog de toute la ville de Toronto. Dans le secteur, plusieurs écoles primaires et secondaires, dont l’école publique Baycrest et l’école catholique St. Margaret, accueillent un grand nombre d’élèves philippins.

Politique

Les Philippino-Canadiens s’impliquent dans la vie politique du Canada comme dans celle des Philippines. Le mini-parc Bathurst-Wilson est d’ailleurs un pôle d’activité important dans le secteur, et son espace vert est utilisé comme point de rencontre de la communauté. Le drapeau philippin y est hissé au moins une fois par année pour marquer le Jour de l’Indépendance du pays. L’endroit est parfois utilisé pour des manifestations et des rassemblements politiques, ou encore des vigies spontanées.

Des membres de la communauté cherchent depuis un certain temps à délimiter un quartier philippin précis. En 2013, une association communautaire naît dans l’objectif de nommer le secteur délimité par Bathurst et Wilson « Filtown », nom dérivé de Filipino town (ville philippine en français). Les gens commencent toutefois à le surnommer « Petite Manille » en raison de la popularité du festival Taste of Manila. D’autres Petites Manilles existent en Amérique du Nord, surtout aux États-Unis.

Patrimoine

Tout près de la Petite Manille, bon nombre de monuments soulignent la présence de la communauté philippine dans le secteur. Par exemple, la statue du docteur Jose P. Rizal, créée par F.B. Caede, est un cadeau du gouvernement philippin à la Ville de Toronto. Le Dr Rizal a été un acteur important dans le mouvement de l’indépendance philippine. Sa statue est érigée au parc Earl Bales en 1998 à l’occasion de la célébration du centenaire de l’indépendance des Philippines. En 2022, la commission historique nationale philippine dévoile une plaque spéciale au parc pour souligner le 161e anniversaire de naissance du Dr Rizal.

En 2016, une partie du mini-parc Bathurst-Wilson devient le jardin Mabuhay (qui signifie bienvenue). Le conseiller municipal James Pasternak est alors à la tête du mouvement pour la reconnaissance de la communauté philippine dans le secteur. La rénovation du jardin permet notamment d’ajouter de nouveaux bancs, une pergola et des éléments paysagers conçus par l’horticultrice Heidi Weidelich. Certaines des plantes sélectionnées évoquent d’ailleurs les hibiscus philippins.

En 2018, l’artiste de rue Nick Sweetman peint des murales le long de la rue Bathurst et de l’autoroute 401. (Voir Autoroutes emblématiques au Canada). Ses œuvres, qui illustrent des animaux de différentes parties du monde, représentent les plus importants groupes culturels du secteur, notamment les juifs, les Russes et les Philippins. À proximité de l’aigle des singes philippin, on peut apercevoir des oiseaux indigènes du Canada. La murale, dans le passage souterrain, est dévoilée pendant le festival Taste of Manila de 2018.

À l’instar de ces artistes visuels remarquables, d’autres ont aussi su capter l’essence de la Petite Manille avec des formes d’art différentes. Suman Ladies, un court-métrage réalisé par Althea Balmes en 2012, présente le quotidien d’une personne faisant de la cuisine de rue dans le quartier. De son côté, l’autrice Jennilee Austria a su exposer les difficultés de jeunes immigrants philippins dans une nouvelle intitulée Belonging at Bathurst and Wilson. Cette histoire est d’ailleurs l’une des lauréates du concours d’écriture de l’Ontario Book Publishers Organization (association des éditeurs de l’Ontario) de 2017.

Depuis plusieurs années, Heritage Toronto et Jane’s Walk offrent des visites guidées au grand public afin de mettre en valeur la transformation continue des scènes culturelles et culinaires du quartier.