Portia May White, contralto et enseignante (née le 24 juin 1911 à Truro, en Nouvelle-Écosse ; décédée le 13 février 1968 à Toronto, en Ontario). Portia White a été la première chanteuse canadienne noire de renommée internationale. Elle était considérée comme l’une des meilleures chanteuses classiques du 20e siècle. Sa voix a été décrite par un critique comme étant un « cadeau du ciel ». Elle a souvent été comparée à la célèbre contralto afro-américaine Marian Anderson. Le Nova Scotia Talent Trust a été créé en 1944 spécifiquement pour permettre à Portia White de se concentrer sur sa carrière professionnelle. Elle a été nommée « personne d’importance historique nationale » par le gouvernement du Canada en 1995.
Antécédents familiaux
Portia White est la troisième de 13 enfants nés de l’union de William A. White, dont les parents étaient réduits en esclavage en Virginie, et de Izie Dora White, descendante de loyalistes noirs de la Nouvelle-Écosse. William White est le deuxième noir canadien à être admis à l’Université Acadia. Il obtient son diplôme en théologie en 1903. Il devient plus tard le premier Canadien de race noire à recevoir un doctorat en divinité de cette même université. Il aide aussi à former le 2e Bataillon de construction, le premier et le seul bataillon entièrement composé de soldats noirs de l’histoire militaire canadienne. Dans cette unité, il sert en tant que seul chapelain noir dans l’armée britannique durant la Première Guerre mondiale. Après la guerre, il déménage avec sa famille à Halifax, où il devient le pasteur de l’Église baptiste Cornwallis Street.
Jeunesse et éducation
À l’âge de six ans, Portia White commence à chanter dans la chorale d’église dirigée par sa mère. À huit ans, elle chante les parties soprano de l’opéra Lucia di Lammermoor. Sa détermination à devenir une chanteuse professionnelle est si forte qu’elle parcourt 16 km à pied chaque semaine pour suivre des cours de musique.
Portia White commence sa formation d’enseignante à l’Université Dalhousie en 1929. Après avoir obtenu son diplôme, elle devient institutrice dans les communautés noires de la Nouvelle-Écosse, telles que Africville et Lucasville.
Formation vocale et concerts professionnels
Dans les années 1930, Portia White suit des cours de chant en tant que mezzo-soprano avec Bertha Cruikshanks au Conservatoire de musique d’Halifax. Elle chante également dans les émissions de radio dévotionnelles animées par son père. Elle participe au Festival de musique d’Halifax et elle remporte la coupe d’argent Helen Kennedy en 1935, en 1937 et en 1938. En 1939, elle reçoit une bourse du Halifax Ladies’ Musical Club pour étudier avec Ernesto Vinci au Conservatoire de musique d’Halifax. Avec Ernesto Vinci, elle commence à chanter comme contralto.
Portia White donne quelques récitals à l’Université Acadia et à l’Université Mount Allison en 1940. Elle fait officiellement ses débuts à l’âge de 30 ans à l’Auditorium Eaton de Toronto, le 7 novembre 1941. À propos de son interprétation, Hector Charlesworth écrit dans le Globe and Mail, qu’elle chante « d’une façon piquante et avec une beauté d’éloquence ». Dans le Evening Telegram, Edward Wodson déclare que Portia White possède un « registre de contralto coloré et magnifiquement ombragé… c’est une voix naturelle, un cadeau du ciel ».
Portia White démissionne de son poste d’enseignante en 1941, et elle continue à donner des concerts au Canada. Elle a de nombreuses difficultés à obtenir des contrats en raison de sa race. (Voir Racisme ; Préjugés et discrimination.) Elle atteint l’apogée de sa carrière lors du récital au succès retentissant qu’elle donne au Town Hall de New York, le 13 mars 1944. Elle est la première Canadienne à se produire dans cette salle. L’organisme Nova Scotia Talent Trust est spécifiquement créé en 1944 pour aider Portia White à se concentrer sur sa carrière professionnelle. Celle-ci donne ensuite deux autres concerts au Town Hall, en 1944 et 1945.
En 1945, Portia White signe un contrat avec Columbia Concerts Inc., la plus importante agence d’artistes en Amérique du Nord. Elle fait une tournée en Amérique du Nord avec Columbian Concerts, mais après une tournée en Amérique centrale et du Sud, elle commence à éprouver des problèmes vocaux, ainsi que des difficultés avec son équipe de gestion. En 1948, elle part en tournée dans les Maritimes, et chante également en Suisse et en France, mais elle se retire rapidement de la scène publique. En 1952, elle déménage à afin d’entreprendre des études plus approfondies avec Gina Cigna et Irene Jessner, au Conservatoire royal de musique.
Carrière ultérieure et enseignement
Portia White commence à enseigner le chant à Toronto. Elle enseigne à la fois en privé et à Branksome Hall, une école pour filles. Au fil des années, ses étudiants incluent Dinah Christie, Anne Marie Moss, Lorne Greene, Don Francks et Robert Goulet, entre autres.
Au milieu des années 1950, elle reprend sa carrière de chanteuse de façon sporadique. Elle ne donne que quelques concerts durant les années 1950 et 1960, dont un en présence de la reine Elizabeth II et du Prince Philip, au Centre des arts de la Confédération de Charlottetown, le 6 octobre 1964. Son dernier concert en public a lieu en juillet 1967 lors de la World Baptist Federation à Ottawa.
Enregistrements
Portia White n’a jamais réalisé d’enregistrements en studio. Par contre, sa voix peut être entendue sur plusieurs enregistrements de concerts, dont un enregistrement fait lors d’un récital de chant intitulé Think on Me (1968). La famille White a fait don à Bibliothèque et Archives Canada d’enregistrements audio des concerts que la cantatrice a donnés à New York et à Moncton, au Nouveau‑Brunswick, en 1944 et en 1945. À partir de ces enregistrements, Analekta sort deux chansons sur le disque Great Voices of Canada, Volume 5 (1994).
Legs et hommages
Chris White, le neveu de Portia White et un musicien de folk primé, sort le CD First You Dream (1999), qui est coproduit avec la nièce de Portia White, la docteure Laurie White. Un documentaire de Sylvia Hamilton, Portia White : Think on Me, est diffusé sur la chaîne de télévision CBC, en 2001.
En 1995, Portia White est nommée « personne d’importance historique nationale » par le gouvernement du Canada. Postes Canada émet un timbre à son effigie en 1999. En 2004, une sculpture grandeur nature la représentant est taillée dans un arbre situé devant l’église baptiste Zion de Truro. Le prix Portia White est attribué chaque année par le Conseil des arts de la Nouvelle-Écosse à un artiste néo-écossais d’exception. Le premier lauréat de ce prix est, en 1998, l’écrivain George Elliott Clarke, le petit-neveu de Portia White. Le Nova Scotia Talent Trust remet la bourse Portia White à des chanteurs exceptionnels. Il nomme également son concert de gala annuel en son honneur. Lors de la cérémonie de remise des Prix de la musique de la Côte est en 2007, Portia White reçoit à titre posthume le prix Dre Helen Creighton pour l’ensemble de son œuvre.
En 2016, Portia White fait partie de la liste des femmes dont le portrait est considéré pour orner le nouveau billet de 10 dollars créé par la Banque du Canada. Cet honneur est finalement décerné à une compatriote néo-écossaise, Viola Desmond. (Voir aussi Les femmes sur les billets de banque canadiens.) En février 2018, une exposition est lancée à la Don Heights Unitarian Congregation à North York, en Ontario, pour commémorer les 50 ans de la mort de Portia White. Cette exposition, nommée Celebrating Portia White... 50 Years On (Célébrons Portia White, 50 ans plus tard) est conçue et organisée par la nièce de Portia White, Sheila White, et elle est présentée par George Elliott Clarke. L’exposition inclut des portraits, des photographies, des enregistrements et des objets personnels, notamment un exemplaire du Book of American Negro Spirituals que l’architecte Andrew Cobb lui a offert, et une rare partition de musique du compositeur américain W.C. Handy. L’exposition est également présentée au Colchester Historeum à Truro, la ville natale de Portia White, de mai à novembre 2019, avant d’être accueillie en permanence au Centre culturel noir de la Nouvelle-Écosse.
Un grand nombre de documents et d’effets personnels ayant appartenu à Portia White sont conservés à Bibliothèque et Archives Canada, au Musée des beaux-arts du Canada, au Centre culturel noir de la Nouvelle-Écosse, à l’Ontario Black History Society et aux universités Dalhousie, Acadia et Stanford.
Liens de parenté
Portia White a plusieurs autres membres notables de la famille en plus de Chris White, George Elliott Clarke et son père, William White. Son frère, Bill White, est un compositeur et un activiste social. Il est devenu le premier Canadien noir à se porter candidat à des élections fédérales. Il a représenté la Co-operative Commonwealth Federation dans la circonscription de Spadina, à Toronto en 1949, et a été nommé officier de l’Ordre du Canada en 1970. Un autre frère de Portia, Jack White, était un chef syndical réputé. Il a été l’un des premiers Canadiens noirs à se présenter à des élections provinciales en Ontario. Un des neveux de Portia White, Donald H. Oliver, a siégé au Sénat du Canada pendant 22 ans. Et une de ses nièces, Sheila White, est conseillère et commentatrice politique reconnue.
Une version de cet article a d’abord été publiée dans l’Encyclopédie de la musique au Canada.