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Racisme systémique au Canada

Le racisme systémique (ou racisme institutionnel) est la notion selon laquelle les structures sociales reproduisent des inégalités basées sur la discrimination raciale. Ainsi les personnes racisées subissent des défis liés au racisme non seulement de la part d’individus, mais également de systèmes (santé, éducation, carcéral, etc.). Le racisme systémique est une notion différente du racisme individuel.

(Cet article est le texte intégral sur le racisme systémique au Canada. Si vous souhaitez lire un résumé en langage simple, veuillez consulter Racisme systémique au Canada (résumé en langage simple).)

Définition

Il ne faut pas confondre racisme systémique et systématique. Systémique se réfère au concept de système. Les discriminations perpétuées à l’intérieur de systèmes ne sont pas vécues systématiquement et ne sont pas toujours délibérées.

Le racisme systémique est souvent vu comme la tendance au sein d’un groupe à exclure ou marginaliser systématiquement les personnes racisées. Il impose des obstacles injustes aux personnes non-blanches qui cherchent à obtenir certaines ressources importantes comme des emplois, des logements ou des soins de santé.

Ce phénomène se base souvent sur la culture et les pratiques racistes qui existent dans la société ou les institutions. Au Canada, des exemples historiques incluent la ségrégation raciale des Noirs et la Loi sur les Indiens. Selon la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), le racisme systémique est le résultat de décisions et de traitements basés sur des inégalités et des discriminations en lien avec la race. Pour d’autres, cette tendance découle du fait que les normes de la majorité blanche soient ancrées dans les façons de faire d’une institution. Ceci fait en sorte qu’un système désavantage les personnes autochtones et racisées par rapport aux personnes blanches.


Des manifestations concrètes

Concrètement, le racisme systémique se manifeste de plusieurs façons.

En matière d’interpellations policières, de l’accès au logement ou au marché du travail, les personnes autochtones et racisées subissent des discriminations de manière disproportionnée par rapport au reste de la population. Cela signifie qu’à proportion égale, les personnes blanches ou issues de la majorité vivent moins d’impacts négatifs liés à certaines situations dans leur vie en société que les personnes autochtones ou racisées.

En 2016, le quart des plaintes de discrimination déposées auprès de la Commission canadienne des droits de la personne sont liées à la race, à la couleur, à l’origine nationale ou ethnique ou à la religion. (Voir aussi : Antisémitisme au Canada; Islamophobie au Canada.) En 2017, 43 % des crimes haineux déclarés étaient motivés par la haine d’une race ou de l’origine ethnique.

Sur le marché du travail, des études démontrent qu’un dossier de candidature indiquant un nom de consonance africaine, arabe ou latino-américaine est susceptible d’être discriminé à l’embauche. Par ailleurs, l’écart entre le taux de chômage des personnes immigrantes ― souvent racisées ― et le reste de la population est considérable. Par exemple, pour la période allant de 2006 à 2015, le taux de chômage est de 5,8 % en moyenne pour la population née au Canada contre 11,2 % pour les personnes immigrantes. C’est au Québec que cet écart est le plus élevé. Les taux de chômage au Canada sont particulièrement plus élevés au sein des communautés autochtones, noires et arabes.

Un autre exemple de racisme systémique se manifeste ici comme ailleurs par le profilage racial au sein des corps policiers. En 2019, un rapport du Service de police de la Ville de Montréal démontre que les personnes noires et autochtones se font interpeller entre quatre et cinq fois plus que les personnes blanches. On constate une situation similaire du côté de la police de Toronto. Alors qu’en 2020 les personnes noires représentent 8.8 % de la population de Toronto, celles-ci sont impliquées dans un quart des interventions policières. Elles sont en outre sujettes à près de 40 % de l’usage de la force.

De plus, en 2020, même si elles ne représentaient que 5 % de la population adulte au Canada, les personnes autochtones comptent pour 30 % des personnes incarcérées dans un pénitencier fédéral. (Voir Prison.)

On peut constater un autre exemple de racisme systémique avec la problématique de l’accès à l’eau potable dans les communautés autochtones. En 2022, 27 réserves autochtones sont assujetties à des avis à long terme d’ébullition, de non-consommation ou de non-utilisation de l’eau potable. Pourtant, l’eau potable est facilement accessible pour la très grande majorité de la population canadienne. Le Canada est d’ailleurs le pays avec la 4e plus grande source d’eau douce renouvelable au monde.

Controverses entourant la reconnaissance du concept

Le concept de racisme systémique fait l’objet de controverses et de vifs débats au Canada.

En mai 2020, le décès du citoyen américain George Floyd à la suite d'une intervention policière provoque bon nombre de manifestations à travers le monde. (Voir : Black Lives Matter-Canada; Racisme anti-Noirs au Canada.) Ces évènements forcent plusieurs personnalités publiques à se prononcer sur la question. Le premier ministre du Québec, François Legault, affirme condamner le racisme, tout en remettant en question l’existence du racisme systémique dans la province.

Black Lives Matter-Canada

Au niveau fédéral, le gouvernement libéral a déjà reconnu la définition et l’existence du racisme systémique. En 2019, Ottawa a d’ailleurs publié un plan de lutte contre le racisme sur une durée de trois ans. Cette stratégie prévoit notamment un investissement de 4,6 millions de dollars pour mettre sur pied un nouveau Secrétariat de lutte contre le racisme au sein du ministère du Patrimoine canadien.

Les partis d’opposition, dont le Nouveau Parti démocratique et le Parti vert, ont également emboité le pas pour ce qui est de la reconnaissance de cette problématique. Le Parti conservateur du Canada se dit contre le racisme. Cependant, certaines critiques soulignent le fait que les plateformes électorales de 2019 et 2021 de ce dernier ne font aucune mention du terme.

Au niveau provincial la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador reconnaissent aussi l’existence d’un système raciste.

Pistes de solutions

Plusieurs experts et organisations ont avancé des pistes de solutions pour la lutte contre le racisme systémique. Évidemment, les problèmes diffèrent selon les communautés et les cas, mais quelques points reviennent souvent :

  1. Reconnaitre le racisme systémique. Bien plus qu’un débat sémantique, cette reconnaissance est le point de départ pour démarrer le processus de réconciliation.
  2. Valoriser et appuyer le travail des organismes représentant les communautés autochtones, noires et autrement racisées qui luttent contre le racisme systémique depuis de nombreuses années.
  3. Offrir davantage de formations en approche interculturelle auprès des travailleurs de différents domaines (santé, éducation, corps policiers, etc.)
  4. Favoriser l’embauche des minorités visibles et autochtones dans la fonction publique.
  5. Faciliter le cheminement des plaintes dans les différentes institutions.

Des entreprises et organismes se sont même dotés de nouvelles équipes spécialisées dans la mise en place de ces stratégies. En juin 2022, la Colombie-Britannique est par ailleurs la première province à adopter une loi, le Anti-Racism Data Act, qui vise à collecter des données pour mieux s’attaquer au racisme systémique. À Montréal, le Bureau de la commissaire à la lutte au racisme et aux discriminations systémiques est créé dans la foulée du rapport de l’Office de consultation publique de Montréal de juin 2020 qui a reconnu le caractère systémique du racisme. (Voir aussi Balarama Holness.) L’équipe a pour mandat de lutter contre le racisme et les discriminations systémiques pour faire de Montréal une ville plus juste et inclusive.