Saint-Firmin Monestime | l'Encyclopédie Canadienne

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Saint-Firmin Monestime

Saint-Firmin Monestime, maire de Mattawa de 1964 à 1965 puis de 1970 à 1977, médecin, directeur national du Parti progressiste-conservateur (né le 16 décembre 1909 à Cap-Haïtien, en Haïti; mort le 27 octobre 1977 à Mattawa, en Ontario). Saint-Firmin Monestime était le maire de Mattawa et le tout premier maire noir élu au Canada. Il a siégé sous la bannière du Parti progressiste-conservateur. Après l’obtention de son diplôme, il est devenu le premier médecin d’origine haïtienne à pratiquer en Ontario.

Famille et formation

Seul fils d’un tanneur du Cap-Haïtien, Saint-Firmin Monestime grandit dans une famille aisée aux côtés de ses six sœurs. L’occupation américaine d’Haïti, qui dure de 1915 jusqu’en 1934, marque une grande partie de son enfance.

En 1931, Saint-Firmin Monestime obtient un Baccalauréat ès arts à l’Université d’État d’Haïti, à Port-au-Prince. Il est alors âgé de 22 ans. Après l’obtention de son diplôme, il enseigne brièvement l’histoire dans la capitale. La même année, il entreprend des études à l’École de Médecine de l’Université d’État d’Haïti. Il y côtoie François Duvalier, qui deviendra président de la République d’Haïti en 1957, menant un régime dictatorial jusqu’à sa mort en 1971. Saint-Firmin Monestime obtient son diplôme de médecine en 1936.

Médecin dévoué

Saint-Firmin Monestime se spécialise en médecine dans les milieux ruraux. Le jeune médecin est d’abord posté à la zone frontalière entre Haïti et la République dominicaine. Il est affecté à la route internationale qui lie les deux pays à titre de médecin militaire.

Lors du massacre des Haïtiens de 1937, aussi connu sous le nom du massacre du Persil, le Dr Monestime est le seul médecin sur place. Le génocide, perpétré sous les ordres de Rafael Leónidas Trujillo Molina, président de la République dominicaine, vise les Haïtiens qui travaillent dans les plantations de canne à sucre dominicaines. Entre le 2 et le 8 octobre 1937, on estime qu’entre 20 000 et 35 000 Haïtiens sont tués près de la rivière du Massacre, qui sépare les deux pays. Le Dr Monestime est nommé Chevalier de l’Ordre National d’Honneur et de Mérite en 1943, la plus haute distinction au pays, pour souligner ses efforts lors de ces évènements.

En 1941, Saint-Firmin Monestime devient directeur du ministère de la Médecine rurale dans la capitale. Il publie quatre livres qui font état des réalités et des besoins médicaux des populations rurales du pays. À cette époque, il se marie avec Nelly Bonhomme, avec qui il aura deux enfants, Daniel et Marie-Eddie.

À la suite de ses expériences, le Dr Monestime donne des conférences et effectue des sorties médiatiques. Il émet des critiques de la politique haïtienne dans ses interventions. Il démissionne de son poste de directeur, puis en 1945, il fuit le pays discrètement, par peur de représailles. Plus tard, il explique qu’en Haïti « on devient un ennemi de l'État en quittant la fonction publique. J’avais peur pour ma vie. » Avant son départ, le Dr Monestime et son épouse dissolvent leur mariage.

Nouveau départ au Canada

En quittant Haïti, Saint-Firmin Monestime ne choisit pas d’immigrer aux États-Unis puisque la ségrégation raciale y a toujours lieu et qu’il s’est toujours refusé à apprendre l’anglais, en réaction à l’occupation américaine de son pays. (Voir aussi Ségrégation raciale des Noirs au Canada.) Étant francophone, il pense d’abord s’établir en France. Cependant, le pays marqué par la Seconde Guerre mondiale n’offre pas de possibilités. Après avoir obtenu son droit de séjour, il opte plutôt pour le Québec, faisant ainsi partie des premiers groupes d’intellectuels et de professionnels haïtiens à venir s’installer dans la province (voir Communauté haïtienne au Canada). En 1945, il s’établit d’abord dans la ville de Québec, où il arrive sans le sou.

En 1950, on lui offre un poste de professeur à Haïti, une offre qu’il décline. La formation médicale de Dr Monestime n’est cependant pas reconnue en sol canadien. Il entreprend donc des études en médecine à l’Université d’Ottawa, qu’il termine en 1951. Il se spécialise en gynécologie. Ses études le mènent à Québec, à Montréal, à Sherbrooke et à Édimbourg, en Écosse. Après l’obtention de son diplôme, Saint-Firmin Monestime devient le premier médecin haïtien à pratiquer en Ontario, et l’un des premiers au Canada.

C’est à cette époque que Saint-Firmin Monestime rencontre sa future épouse, Zenaida (Zena) Petschersky. Elle est une réfugiée russe qui, pour fuir les régimes nazi et communiste, émigre avec sa mère au Canada en 1949.

En août 1951, accompagné de son confrère, le Dr Gaston Lamontagne, Dr Monestime prend la route. Les deux collègues se dirigent vers Timmins, en Ontario, pour y établir leur cabinet. En cours de route, ils s’arrêtent dîner au restaurant Chez François à Mattawa, une municipalité du nord-est de l’Ontario située à un kilomètre de la frontière québécoise, en territoire traditionnel algonquin. Le village compte à l’époque 3 000 habitants, dont une population franco-ontarienne et algonquine.

Le propriétaire de l’établissement reconnaît le Dr Monestime qui l’avait précédemment soigné à Ottawa. On l’informe que l’hôpital général de la municipalité recherche désespérément un médecin depuis le décès de celui qui occupait ce poste au village. Charmé par la communauté de Mattawa qui arrive à l’en convaincre, il décide d’y rester alors que son collègue poursuit sa route vers Timmins.

Zena Petschersky le rejoint à Mattawa et le couple se marie en 1953. Ils auront quatre enfants, une fille, Vala, et trois garçons, Fedia, Sacha et Yura qu’ils élèvent à Mattawa. Le Dr Monestime et sa famille sont alors les seuls résidents noirs de la municipalité.

Maire et médecin de Mattawa

Rapidement, la pratique de Saint-Firmin Monestime s’étend. Son amabilité et son dévouement font rapidement de lui un pilier de la communauté de Mattawa. Au tournant du mouvement des droits civiques aux États-Unis, et à une époque où les tensions raciales font rage, le Dr Monestime montre un visage d’ouverture. (Voir aussi Racisme anti-Noirs au Canada.) Il est également estimé par la population algonquine de la région.

En 1957, Saint-Firmin Monestime devient citoyen canadien. Toujours animé par un sens de la justice, il s’intéresse à la politique. En 1962, il est élu au conseil municipal de Mattawa. Une année plus tard, en 1963, l'année où le Dr Martin Luther King prononce son discours I have a dream, il brigue la mairie et l’emporte. Le Dr Monestime devient ainsi le premier maire noir élu au Canada. (Voir aussi William Peyton Hubbard.)

Le Dr Monestime sera plusieurs fois réélu. Par contre, entre 1966 et 1967, il est forcé de prendre congé pour soigner un cancer de la prostate. Il considère se présenter à titre de député fédéral sous la bannière du parti progressiste-conservateur. Cependant, il choisit plutôt de redevenir conseiller municipal en 1968, et est réélu maire en 1970, poste qu’il occupe jusqu’à sa mort. Tout au long de sa carrière de politicien, le Dr Monestime maintient ses activités de médecin.

Au début des années 1970, il devient directeur national du parti progressiste-conservateur. En 1971, il se présente à la course à la présidence de l’Association progressiste-conservatrice du Canada, sans succès.

Soucieux d’améliorer les conditions de vie de ses concitoyens, le Dr Monestime compte parmi ses réalisations à titre de maire la construction de logements sociaux, ainsi que plusieurs projets d’urbanisme comme l’asphaltage, l’éclairage des rues et la construction de parcs. Son grand projet voit le jour en 1976, avec l’ouverture de la Maison des aînés algonquins, qu’il fonde avec sa femme après 12 ans d’efforts bureaucratiques. La maison de soins longue durée est dédiée aux aînés de Mattawa, qui, jusqu’alors, devaient se faire soigner loin de chez eux.

Le 29 février 1976, son fils Fedia Monestime, âgé de 21 ans, est témoin d’une altercation à l’hôtel de Mattawa. Atteint par balles à l’estomac, il meurt en direction de l’hôpital, où le Dr Monestime traite trois personnes blessées lors de l’incident. Le tireur est par la suite acquitté des accusations de meurtre qui pèsent contre lui, un jugement décrié par Saint-Firmin Monestime.

Saint-Firmin Monestime est emporté par un cancer du pancréas le 27 octobre 1977 à l’âge de 67 ans. Il meurt à l’hôpital de Mattawa, son lieu de travail des 25 dernières années.

Héritage

Vers 1974-1975, Saint-Firmin Monestime est honoré pour services rendus à la province de l’Ontario. Le nom de Monestime est donné à un canton situé au nord-est de Sault Ste. Marie.

Aujourd'hui, la rue principale de Mattawa porte le nom informel du Dr Monestime, la salle du conseil municipal a également été rebaptisée en son honneur. Depuis 2004, le musée de Mattawa lui dédie une exposition permanente.

Depuis 2015, l’Université d’Ottawa remet une bourse d’excellence au nom de Saint-Firmin Monestime. Celle-ci récompense les étudiants canadiens issus de la communauté haïtienne de l’Outaouais ou qui ont obtenu leur diplôme d’études secondaires à Mattawa.

Prix et Distinctions

Chevalier de l’Ordre National d’Honneur et de Mérite haïtien 1943

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