Les scientifiques et chercheurs autochtones du Canada ont contribué à faire progresser leurs champs respectifs en posant de nouvelles questions, et ce, afin de trouver de meilleures façons de penser, de guérir et de comprendre. Nombre d’entre eux ont intégré à la fois des perspectives et enseignements occidentaux et autochtones dans leur important travail. Par ailleurs, ils sont nombreux à avoir persévéré malgré la discrimination et le racisme systémique. De plus, beaucoup ont l’honneur d’être la première personne autochtone à obtenir un diplôme et à exercer une profession dans leur domaine. Le présent article porte sur certains des professionnels autochtones les plus accomplis au Canada. Ils ont brillé dans les sciences, la recherche et des domaines connexes.
1. Nadine Caron (Ojibwée; Italo-Canadienne)
Après avoir obtenu un baccalauréat ès sciences en kinésiologie de l’Université Simon Fraser en 1993, Nadine Caron devient la première femme autochtone à être diplômée de la faculté de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique. Elle décroche ensuite une maîtrise en santé publique à Harvard, puis effectue sa résidence en chirurgie à l’Université de la Californie, où elle se spécialise en oncologie chirurgicale endocrinienne (voir aussi Santé des Autochtones au Canada).
En acceptant un poste à l’hôpital régional de Prince George en 2005, Nadine Caron devient la première femme autochtone chirurgienne généraliste au Canada. Elle se démarque également en tant que membre associée du corps professoral du Johns Hopkins Center for American Indian Health à Duluth, au Minnesota, et en tant que professeure au département de chirurgie de la faculté de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique. Qui plus est, elle dirige l’initiative Northern Biobank de l’hôpital universitaire du Nord de la Colombie-Britannique, qui permet aux personnes vivant dans des communautés éloignées, généralement autochtones, d’accéder à la recherche génomique spécialisée et à de meilleurs soins médicaux. En 2020, Nadine Caron est nommée titulaire de la chaire fondatrice de l’autorité sanitaire des Premières Nations de l’Université de la Colombie-Britannique sur le cancer et le bien-être. Dans tout son travail, elle contribue à la coexistence de pratiques de guérison autochtone et de la médecine occidentale.
2. Lillian Eva Dyck (Crie; Chinoise)
Lillian Eva Dyck obtient un baccalauréat ès arts à l’Université de la Saskatchewan, puis une maîtrise ès sciences en biochimie. En 1981, elle devient la première femme de Premières Nations au Canada à être titulaire d’un doctorat. Elle est ensuite professeure de recherche en neuropsychiatrie au département de psychiatrie de l’université, puis doyenne associée du College of Graduate Studies and Research. Par la suite, Lillian Eva Dyck dirige une équipe de chercheurs déterminés à trouver un médicament pour combattre la maladie d’Alzheimer et à découvrir pourquoi les peuples autochtones sont prédisposés à l’alcoolisme. Elle contribue à un grand nombre d’articles dans des revues respectées.
En 2005, Lillian Eva Dyck est nommée au Sénat canadien, où elle devient présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Elle fait alors avancer le projet de loi visant à mettre fin à la pratique selon laquelle les femmes autochtones perdent leur statut lorsqu’elles épousent un homme sans statut. Par ailleurs, elle joue un rôle déterminant dans la modification des lois visant à garantir l’équité des peines lorsqu’une femme autochtone est victime d’une agression ou d’un meurtre. Elle met également ses talents à contribution dans le cadre de la crise actuelle des femmes et filles autochtones disparues et assassinées. Lillian Eva Dyck prend sa retraite du Sénat en 2020.
3. Aimée Craft (Métisse)
Aimée Craft est une avocate, professeure et chercheuse qui, après avoir obtenu son diplôme de l’Université de Victoria, commence à travailler à l’Université du Manitoba. Par la suite, elle est directrice de la recherche à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et directrice fondatrice de la recherche au Centre national pour la vérité et la réconciliation (voir aussi Commission de vérité et réconciliation du Canada). Elle est reconnue internationalement comme une chercheuse influente et, en 2016, est comptée parmi les 25 avocats les plus influents du Canada.
En 2017, Aimée Craft rejoint la faculté de droit de l’Université d’Ottawa. En tant que professeure agrégée, elle poursuit ses recherches multidisciplinaires dirigées par des Autochtones et axées principalement sur l’eau, les traités et la gouvernance autochtone. Son livre primé, Breathing Life into the Stone Fort Treaty, explique pourquoi il est important de comprendre les traités d’un point de vue autochtone. Son livre pour enfants, Treaty Words: For as Long as the Rivers Flow, présente à ceux-ci, de façon simplifiée, la philosophie sous-jacente des traités au Canada. En 2021, Aimée Craft reçoit le prix du chercheur en début de carrière de l’année 2020 de l’Université d’Ottawa en plus d’être nommée titulaire d’une chaire de recherche pour sa recherche sur Nibi miinawaa aki inaakonigewin, la gouvernance autochtone en relation avec la terre et l’eau.
4. Stanley Vollant (Innu)
Stanley Vollant naît à la crèche de la Société de Saint-Vincent de Paul à Québec, puis est élevé par ses grands-parents dans la communauté de Pessamit, sur la Côte-Nord. Il entre à l’École polytechnique de l’Université de Montréal dans l’espoir de devenir ingénieur, mais, en 1984, il change de programme et s’inscrit à la faculté de médecine de la même université.
Lorsque Stanley Vollant commence à pratiquer la médecine à l’hôpital régional de Baie-Comeau, il devient le premier chirurgien innu du Québec. Il devient également la première personne autochtone en Amérique du Nord à diriger une association médicale quand il est élu président de l’Association médicale du Québec en 2001. Après avoir travaillé au Centre de santé et de services sociaux de Chicoutimi, il s’installe à Ottawa pour pratiquer la chirurgie générale à l’Hôpital Montfort. Il accède aussi au poste de directeur des études autochtones à la faculté de médecine de l’Université d’Ottawa. Plus tard, Stanley Vollant dirige les efforts visant à créer l’Innu Meshkenu, une marche de 6 000 km qui commence au Labrador et relie de nombreuses communautés autochtones du Québec et de l’Ontario. Par ailleurs, il est à l’origine de Puamun Meshkenu, ou « chemin des mille rêves », un organisme sans but lucratif qui aide les Autochtones à développer leur esprit, leur corps et leur bien-être émotionnel.
5. Janet Smylie (Métisse)
Janet Smylie étudie à l’Université Queen’s, à l’Université d’Ottawa, à l’Université de Toronto et à l’Université Johns Hopkins. L’une des premières médecins métisses au Canada, elle exerce sa profession dans des communautés autochtones urbaines, rurales et éloignées. Janet Smylie se consacre à la recherche et à la résolution des problèmes auxquels sont confrontés les peuples autochtones dont les problèmes de santé découlent du racisme systémique.
Janet Smylie publie plus de 100 articles évalués par des pairs, s’adresse à des publics partout au Canada et dans le monde, passe à la radio et à la télévision et agit comme conseillère au Conseil national de la statistique du Canada. Elle dirige des recherches de pointe en tant que directrice du centre de recherche Well Living House pour la santé et le bien-être des nourrissons, des enfants et des familles autochtones à l’hôpital St. Michael de Toronto. Elle mène également des recherches visant à déterminer les meilleures façons de combiner les pratiques médicales occidentales et les connaissances autochtones traditionnelles pour améliorer la santé reproductive, infantile et familiale. Janet Smylie est également professeure agrégée à l’Université de Toronto, titulaire de la chaire de recherche en santé publique appliquée des Instituts de recherche en santé du Canada et scientifique adjointe à l’Institut de recherche en services de santé. En 2015, le Collège des médecins de famille du Canada nomme Janet Smylie parmi les 20 meilleurs pionniers de la recherche en médecine familiale.
6. Nel Wieman (Anichinabée)
Nel Wieman, originaire du Manitoba, est membre de la Première Nation de Little Grand Rapids. Elle est une survivante de la rafle des années soixante, soit l’enlèvement, encadré par des instances publiques, d’enfants autochtones à leur famille pour les confier à des familles non autochtones. Après avoir obtenu un doctorat de médecine et suivi une formation en psychiatrie à l’Université McMaster en 1998, Nel Wieman fournit des services psychiatriques aux Six Nations de la rivière Grand. Elle est la première femme psychiatre autochtone au Canada.
De 2004 à 2011, elle est codirectrice du programme de développement de la recherche en santé autochtone de l’Université de Toronto, où elle enseigne à la Dalla Lana School of Public Health de la faculté de médecine. Par ailleurs, Nel Wieman se fait connaître en tant que fervente défenseuse des personnes souffrant de problèmes de santé mentale ayant du mal à trouver de l’aide à cause du racisme systémique. Elle devient consultante spéciale auprès du chef de la santé publique de l’Agence de la santé publique du Canada puis, en 2018, elle est nommée médecin principale, santé mentale et bien-être, à l’Autorité sanitaire des Premières Nations de la Colombie-Britannique. En janvier 2023, elle est nommée au poste de médecin-chef par intérim de l’Autorité. Le respect que lui vouent ses pairs se voit lorsqu’elle est choisie comme présidente du conseil d’administration de l’Association des médecins autochtones du Canada.
7. Leroy Little Bear (Siksika)
Au début des années 1970, Leroy Little Bear devient l’un des premiers étudiants autochtones à obtenir un baccalauréat de l’Université de Lethbridge. Il obtient ensuite un diplôme en droit à l’Université de l’Utah. De retour à l’Université de Lethbridge, il met sa passion et ses compétences à contribution en tant que chercheur et membre du corps enseignant. Là, il fonde le département d’études autochtones, en plus d’en être le président pendant plus de 20 ans.
Leroy Little Bear met à profit ses compétences en matière de recherche dans le cadre de son poste de conseiller auprès des Premières Nations et des gouvernements provincial et fédéral sur les revendications territoriales, la chasse et la pêche et les questions relatives aux traités. Par ailleurs, il siège à un certain nombre de commissions et de conseils gouvernementaux, dont le Groupe de travail sur le système de justice pénale et ses effets sur les Indiens et les Métis de l’Alberta. En 1998, il se rend à l’Université Harvard afin d’y occuper, pendant un an et demi, le poste de directeur du programme d’études autochtones. Après avoir pris sa retraite de l’Université de Lethbridge en 1997, il axe ses nouvelles recherches sur le mélange de la physique occidentale et de la science autochtone nord-américaine, en particulier sur la richesse des connaissances et des enseignements des Siksika (Pieds-Noirs) tels qu’exprimés dans les traditions orales.
8. Deborah McGregor (Anichinabée)
Deborah McGregor grandit dans la Première Nation de Whitefish River, dont elle est membre. Elle commence sa carrière comme professeure agrégée au département de géographie de l’Université de Toronto et comme directrice du Centre for Aboriginal Initiatives ainsi que du programme d’études autochtones. Elle rejoint la faculté de droit de l’Université York en 2015 et est nommée conjointement à la faculté des changements environnementaux et urbains. Elle concentre ses recherches sur les systèmes de connaissance et de compréhension autochtones. Par ailleurs, Deborah McGregor est la chercheuse principale pour Indigenous Environmental (In)Justice: Theory and Practice ([In]justice environnementale autochtone : théorie et pratique). Elle est aussi cochercheuse dans le cadre de trois importants projets de recherche : Conservation as Reconciliation: Supporting the Transformation of Conservation in Canada (La conservation comme réconciliation : soutenir la transformation de la conservation au Canada); Cultural Keystone Wildlife in a Changing World: Weaving Together Indigenous Knowledge, Cultural Preservation, and Conservation (La faune sauvage culturelle essentielle dans un monde en mutation : relier le savoir autochtone, la préservation culturelle et la conservation) et Sustainable Water Governance and Indigenous Law (Droit autochtone et gouvernance durable des eaux). D’autres projets importants et ambitieux sont en cours, comme Indigenous Knowledge Transfer in Urban Aboriginal Communities (Transfert des connaissances autochtones dans les communautés autochtones urbaines).
Deborah McGregor s’est attiré des éloges à l’échelle internationale pour le contenu de ses travaux et ses méthodes novatrices, notamment pour son utilisation des médias numériques et sociaux pour faire participer les communautés autochtones. Plus récemment, elle est nommée titulaire d’une chaire de recherche du Canada (renouvellement de niveau 2) en justice environnementale autochtone et reçoit le Prix du chef de file en recherche de l’Université York.
9. Jessica Kolopenuk (Crie)
Jessica Kolopenuk, de la Première Nation Peguis, obtient son doctorat à l’Université de Victoria. En tant que professeure adjointe à la faculté des études autochtones de l’Université de l’Alberta, elle cofonde et codirige le programme de recherche et de formation sur la science, la technologie et la société autochtones ainsi que le programme de stages d’été pour les peuples autochtones à Génomique Canada. Ces programmes veillent à ce que les Autochtones participent à la recherche scientifique tout en régissant son processus et ses fins. À l’instar de ces programmes fructueux, le travail de Jessica Kolopenuk repose sur l’idée que la science n’est pas neutre et objective. Au contraire, la relation de pouvoir politique entre les peuples autochtones et l’État canadien a toujours eu une incidence sur la manière dont la recherche a été effectuée et sur les conclusions tirées. La recherche liée à la science et à la technologie doit donc être décolonisée. Les concepts cris de la théorie de la science, de la technologie et de la société, par exemple, doivent constituer une partie fondamentale de la recherche fondée sur l’éthique et impliquant les peuples cris.
En 2018, Jessica Kolopenuk remporte le Prix d’excellence jeunesse du Centre canadien de politiques scientifiques. Elle collabore avec le gouvernement du Canada et la National Geographic Society pour créer une politique scientifique décolonisée et dirigée par les Autochtones.