Le Rapport Penner | l'Encyclopédie Canadienne

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Le Rapport Penner

Le rapport Penner est un rapport préparé par le Comité spécial de la Chambre des communes sur l’autonomie politique des Indiens. Il est publié en novembre 1983. Portant le nom du président du comité Keith Penner, le rapport propose une série de recommandations. Ces recommandations mettent en avant le concept d’autonomie des Premières Nations. Dans ce contexte juridique, les membres des Premières Nations sont considérés comme des Indiens inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens.

Contexte

Au cours de la décennie qui suit la publication du Livre blanc fédéral sur la politique indienne en 1969 (voir Le Livre blanc de 1969), le concept d’ autonomie gouvernementale des Autochtones suscite un intérêt croissant. Les droits des Autochtones sont également mieux reconnus. Cette reconnaissance s’accentue avec le début des travaux de rapatriement de la Constitution canadienne (voir la Loi constitutionnelle de 1982). Entre mars 1983 et mars 1987, une série de conférences des premiers ministres sont consacrées aux questions autochtones.

Un comité spécial de la Chambre des communes sur l’autonomie politique des Indiens est créé en 1982. Il est présidé par Keith Penner, le député de la circonscription de Cochrane-Superior. Le comité multipartite est composé de sept députés. Il comprend également un représentant de l’Assemblée des Premières Nations, du Conseil autochtone du Canada et de l’Association des femmes autochtones du Canada. En vertu de son mandat, le comité doit s’intéresser aux Indiens inscrits, en laissant de côté les Inuits et les Métis. Le comité organise au total 60 réunions publiques. En outre, sont consultés des représentants du gouvernement et des organisations autochtones des États-Unis.

Loi sur les Indiens

Recommandations du rapport

Le comité recommande que le droit à l’autonomie gouvernementale des Premières Nations (voir Indien) soit inscrit dans la constitution canadienne, ce qui pourrait se faire au travers d’amendements, à créer dès que possible. Selon le comité, une simple modification de la Loi sur les Indiens ne permettrait pas de parvenir à l’autonomie gouvernementale. Sa structure et ses politiques sont trop obsolètes pour servir de modèle. Un nouveau ministère serait chargé de gérer et de coordonner les relations entre le gouvernement fédéral et celui des Premières Nations.

Le rapport propose trois mesures législatives. La première consiste à promulguer une « loi sur la reconnaissance des Premières Nations indiennes ». Cette loi garantirait la responsabilité de toutes les parties. Elle constituerait également une reconnaissance provisoire des gouvernements des Premières Nations. La deuxième mesure vise à autoriser le gouvernement fédéral à conclure des accords avec les gouvernements des Premières Nations reconnus en matière de compétence. Enfin, une mesure créerait une législation garantissant que les lois provinciales ne s’appliquent pas aux terres des Premières Nations, à moins que leurs gouvernements ne les y autorisent.

Le rapport recommande également que les bandes individuelles soient autorisées à déterminer leur appartenance au-delà des exigences de la Loi sur les Indiens. Elles pourraient également décider de se déclarer elles-mêmes en tant que gouvernement d’une Première Nation. Ou encore, elles pourraient s’associer à d’autres bandes pour former des gouvernements autochtones plus importants. Le gouvernement fédéral est invité à continuer à soutenir tous les Indiens inscrits, indépendamment de leur appartenance à une Première Nation.

Des négociations seraient nécessaires pour déterminer l’étendue des compétences. Le rapport recommande que les Premières Nations aient des pouvoirs législatifs dans des domaines importants. Il recommande que les Premières Nations aient des compétences en matière de développement culturel et social, d’éducation, de relations familiales, d’utilisation des terres et des ressources, de perception de revenus, de développement économique et commercial et d’application de la loi. Le comité propose la mise sur pied d’un tribunal spécial, qui s’occuperait des accords entre les Premières Nations et les autres ordres de gouvernement.

Le comité estime que le développement économique pourrait être amélioré. Il considère que le règlement des revendications et le fait que les Premières Nations aient le contrôle des ressources sur leurs terres y contribueraient. En outre, le gouvernement fédéral devrait fournir un financement substantiel. Ce financement permettrait de créer une base économique solide et de résoudre les problèmes d’infrastructure communautaire. En outre, le gouvernement devrait créer une banque spéciale de développement. Le financement proviendrait du Fonds de développement économique des Autochtones, doté de 345 millions de dollars.

Le comité a formulé des recommandations sur les dispositions fiscales. Il considère les subventions fédérales directes comme la méthode idéale pour soutenir les nouveaux gouvernements des Premières Nations. Les subventions fonctionneraient de manière similaire aux paiements de transfert provinciaux. Elles constituent également un moyen de promouvoir l’obligation de rendre des comptes. Les fonds des revenus en fiducie existants seraient transférés directement du gouvernement fédéral à chaque Première Nation. Les fonds de capital en fiducie seraient transférés à des systèmes de gestion fiduciaire choisis par chaque Première Nation. Une fois les fonds transférés, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (voir Ministères fédéraux des Affaires autochtones et du Nord) serait libéré de leur gestion.

Le comité fait valoir que les Premières Nations méritent de jouir de tous les droits sur les zones classées comme réserves. Un registre officiel serait établi pour consigner les renseignements sur les terres contrôlées par les Premières Nations. Les peuples autochtones ont demandé la reconnaissance des droits issus des traités et des titres (voir Titre autochtone) sur les territoires traditionnels de chasse et de piégeage. Du point de vue du comité, chaque Première Nation devrait avoir une part entière des revenus tirés des ressources.

En ce qui concerne les terres, pour faciliter les négociations sur les revendications territoriales en suspens, le comité suggère qu’une tierce partie neutre y participe. Une procédure quasi judiciaire devrait également être mise en place si aucun accord ne peut être trouvé. Les traités conclus avant l’existence de la Confédération doivent être reconnus et ne doivent pas être remplacés par des lois ultérieures.

Le comité recommande des moyens de protéger les intérêts des Premières Nations. Il propose la création d’un poste de ministre d’État chargé des relations avec les Premières Nations indiennes. Ce poste permettrait d’empêcher que d’autres gouvernements ou d’autres intérêts empiètent sur leurs prérogatives. Le comité recommande le financement d’un bureau de défense des intérêts des Premières Nations. Ce bureau serait créé et géré par les Premières Nations pour représenter leurs intérêts dans les procédures judiciaires concernant leurs droits. Enfin, un fonctionnaire indépendant rendrait compte au gouvernement fédéral des mesures officielles concernant les Premières Nations.

Les conclusions finales du rapport commencent par une recommandation forte. Il suggère de supprimer progressivement, sur une période de cinq ans, la partie du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qui s’occupe des Premières Nations. L’autonomie des Premières Nations est considérée comme primordiale. Toutefois, le comité estime qu’une représentation spéciale au Parlement pourrait présenter certains avantages à l’avenir. Il considère que le meilleur moyen de « satisfaire aux normes internationales » en ce qui concerne les Premières Nations est de mettre en œuvre l’intégralité des recommandations du rapport.

Autonomie gouvernementale des Autochtones

Réactions et suites

Le rapport est divulgué à la presse en novembre 1983. Il est décrit par le Globe and Mail comme « un projet radical ». Keith Penner pense qu’il sera difficile d’obtenir l’aval du public et du gouvernement vis-à-vis des recommandations du rapport. La réaction initiale des communautés autochtones est globalement positive. De nombreux dirigeants autochtones sont favorables à l’abrogation de la Loi sur les Indiens. Ils sont également favorables à la suppression du ministère fédéral chargé de les superviser.

« Pris à sa juste valeur, observe un éditorial du Leader-Post de Regina, le rapport de la Chambre des communes propose une nouvelle dimension pour les relations interculturelles et témoigne de la confiance dans la capacité des Autochtones à s’autogouverner. Il pourrait même offrir quelques solutions à de vieux problèmes. Il mérite d’être étudié – et même d’avoir sa chance ».

Le 27 juin 1984, le projet de loi C-52, Loi relative à l’autonomie gouvernementale des nations indiennes, est présenté à la Chambre des communes. Il répond à certaines des préoccupations soulevées par le rapport Penner. Il est adopté en première lecture (voir Procédure parlementaire). Cependant, il disparaît avec la dissolution du Parlement en vue des élections fédérales de 1984. Le rapport est mis de côté. Le nouveau gouvernement progressiste-conservateur (voir Parti conservateur) de Brian Mulroney, lui, privilégiera des approches plus intégrationnistes.