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Le Quebec Mercury

Le Quebec Mercury était un journal hebdomadaire anglophone publié à Québec de 1805 à 1903. S’opposant au célèbre journal francophone Le Canadien, le Quebec Mercury représentait l’élite mercantile britannique (la clique du château) et défendait ses intérêts politiques et économiques. Le journal rejetait toute réforme qui aurait donné davantage de pouvoirs à l’Assemblée législative contrôlée par les Canadiens français. Il préconisait également la marginalisation politique des Canadiens français et le renforcement des liens de la colonie avec la Grande-Bretagne. Pendant la plus grande partie de son existence, le journal a appartenu à une célèbre famille de magnats de la presse, la famille Cary. En 1863, le journal a été rebaptisé Quebec Daily Mercury. Il a fermé ses portes en 1903.
The Quebec Mercury
Le premier numéro du Quebec Mercury, le samedi 5 janvier 1805.

Contexte

Dans les décennies suivant l’Acte constitutionnel de 1791, un conflit se développe au Bas-Canada, qui culminera dans une insurrection armée (voir Rébellion du Bas-Canada). Influencés par le libéralisme et le nationalisme qui balaient le monde atlantique au tournant du 19e siècle, les Canadiens français cherchent à acquérir plus d’autorité et de contrôle sur leur colonie. Le Parti canadien mène la charge, avec son journal Le Canadien, exigeant que le gouverneur-général et les conseils exécutif et législatif deviennent responsables devant l’Assemblée législative élue (voir Gouvernement responsable). S’opposant à eux, l’élite des marchands britanniques (aussi appelée la Clique du château, le Parti britannique ou les Tories) rejette toute réforme qui donnerait plus d’autorité à l’Assemblée législative, dominée par les Canadiens français.

The Quebec Mercury
Prospectus d'un journal hebdomadaire qui sera appelé The Quebec Mercury, publié le 19 novembre 1804.

Fondation

Fondé en 1805 par Thomas Cary père, le Quebec Mercury représente les intérêts politiques et économiques du Parti britannique face aux demandes du Parti canadien. Journal hebdomadaire à l’origine, il est publié deux fois par semaine à partir de 1816. En plus de rejeter toute réforme qui donnerait plus de pouvoirs à l’Assemblée législative contrôlée par les Canadiens français, il manifeste, les premières années, une virulente hostilité à leur égard, prônant leur assimilation et l’abolition de leurs lois et coutumes dans la colonie. En 1806, on peut lire dans un de ses éditoriaux : « Cette province est déjà trop une province française pour une colonie anglaise. La défranciser, autant que possible, si on peut se permettre cette expression, doit être notre but premier ».

The Quebec Mercury
Premi\u00e8re édition du Quebec Mercury, publiée le samedi 5 janvier 1805.

Les éditoriaux hostiles aux Canadiens français du Quebec Mercury lui attirent les foudres du Canadien, qui réclame des réformes politiques et défend les intérêts des Canadiens français. Pendant des dizaines d’années, les deux journaux s’adonnent à des échanges très vifs, rejetant réciproquement leurs points de vue.

Époque des Rébellions

En 1819, Thomas Cary père transmet le contrôle du journal à son fils, Thomas Cary fils, qui sera rédacteur en chef jusqu’en 1855. À partir de 1831, le journal est publié trois fois par semaine. Thomas Cary fils poursuit la ligne éditoriale de son père, mais son attitude à l’égard des Canadiens français est beaucoup plus modérée, possiblement parce qu’entre 1828 et 1848, un imprimeur et homme d’affaire canadien-français de Québec, George-Paschal Desbarats, est copropriétaire du journal.

Bien que plus modéré, le journal continue à se prononcer contre la participation des Canadiens français à la vie politique. Il s’oppose toujours à une réforme qui donnerait plus de pouvoirs à l’Assemblée législative et défend les intérêts de l’élite britannique. Par exemple, après la Rébellion de 1837, il approuve la décision de suspendre la Constitution et d’imposer l’autorité d’un Conseil spécial. Le 31 mars 1838, le journal soutient que ces mesures sont nécessaires, car il manque aux Canadiens français « l’intelligence requise pour permettre à la masse des électeurs du Bas Canada d’exercer leurs privilèges à discrétion ».

Le Québec Mercury critique le projet d’union des Canadas, s’opposant particulièrement au partage de la dette du Haut-Canada, mais juge que c’est la meilleure chose à faire, car cela permettra au moins de limiter l’influence politique des Canadiens français (voirActe d’Union). Le 25 janvier 1840, il soutient que le retour à la Constitution de 1791, et par conséquent à une Assemblée législative contrôlée par des Canadiens français, entraînerait « la ruine de la population canadienne-anglaise de cette province, et une coupure rapide de ses liens avec la mère patrie ».

Thomas Cary fils demeure rédacteur en chef du journal jusqu’en 1855, quand il cède la place à son fils, George Thomas Cary.

Années suivantes

Dans les décennies suivant les rébellions, le journal continue à défendre les intérêts conservateurs. La position éditoriale du journal est fortement influencée par son nouveau rédacteur en chef politique, John Henry Willan, qui demeure à son poste de 1850 à 1862. Par exemple, au début des années 1850, il utilise les pages du journal pour appuyer la lutte de l’Association pour l’annexion, un groupe d’hommes d’affaires anglophones et de radicaux canadiens-français (appelés les Rouges)qui croient que le Canada devrait se joindre aux États-Unis. Le journal contredit encore le Canadien, qui s’oppose à ce projet.

John Henry Willan quitte le journal en 1862, quand celui-ci est loué, pour deux ans, à Josiah Blackburn, le propriétaire du London Free Press and Daily Western Advertiser. Josiah Blackburn utilise le Mercury pour soutenir le gouvernement libéral Macdonald-Sicotte (1862-1863) dans le Canada Est. Il coupe tout lien avec le journal en 1864 après la démission du gouvernement Macdonald-Dorion (1863-1864).Pendant le temps qu’il passe au journal, Josiah Blackburn le transforme en quotidien et, le 10 janvier 1863, il le rebaptise officiellement le Quebec Daily Mercury.

En 1864, John Henry Willan reprend les rennes du journal. Il continue à soutenir les politiques conservatrices, se prononçant en faveur de la Confédération. Jusqu’à sa fermeture en 1903, le journal demeure favorable aux Tories. Ironiquement, Joseph-Israël Tarte, rédacteur en chef du Canadien, le vieil adversaire du Mercury, devient éditeur du Mercury pendant une courte période, durant les dernières années de son existence.