Traité de l’île Manitoulin de 1836 | l'Encyclopédie Canadienne

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Traité de l’île Manitoulin de 1836

Le 9 août 1836, les Odawas et les Ojibwés ont signé le Traité de l’île Manitoulin. Ce traité est également appelé Traité no 45 ou Traité de Bond Head. En signant ce document, les Odawas et les Ojibwés ont accepté la demande de proposition de sir Francis Bond Head de « renoncer à vos droits sur ces îles et de considérer que ces dernières sont la propriété de tous les Indiens à qui votre Vénérable Père le Roi (sous le contrôle de qui elles seront placées) permettra de venir s’y établir ». Le Traité de l’île Manitoulin a formé une partie des efforts déployés par Bond Head pour ouvrir davantage de terres pour la colonisation. Une partie de ces efforts consistait à déplacer les peuples des Premières Nations du Haut-Canada vers l’île Manitoulin (voir aussi Premières Nations en Ontario). Cela sert également à expulser et isoler les peuples des Premières Nations. Bond Head soutenait que cela visait à tenir leur « civilisation » ou leur « extinction » loin des influences négatives des colons.

Contexte

Après la fin de la guerre de 1812, le ministère des Colonies britanniques, les humanitaires et d’autres se lancent dans de nouvelles politiques au sujet des Autochtones. De façon générale, les Européens estiment que le maintien des Premières Nations en tant que chasseurs, cueilleurs et alliés militaires porte entrave à la colonisation de l’ Amérique du Nord britannique. Simplement, ils croient que les terres des Premières Nations doivent devenir des terres pour les colons. Ils estiment que ceci mènerait à une colonie prospère. Dans les années 1830, les politiques coloniales concernant les Autochtones passent en grande partie du maintien des Premières Nations en tant qu’alliés et guerriers à une politique consistant à faire d’eux des fermiers chrétiens sédentaires, politique connue à l’époque comme la politique de civilisation. Ce changement de politique est illustré par le transfert de la responsabilité des Affaires indiennes dans le Haut-Canada des autorités militaires aux autorités civiles. Ils espèrent qu’en concentrant les Premières Nations dans les villages agricoles, le montant de terres dont les peuples des Premières Nations ont besoin pour se nourrir sera considérablement réduit. Ceci ouvrirait donc des terres pour la colonisation européenne. De plus, en faisant en sorte que les peuples des Premières Nations soient des agriculteurs autosuffisants, les dépenses du ministère des Affaires indiennes seraient réduites. La réduction des dépenses viendrait avec l’utilisation des fonds amassés par la vente des terres cédées. Le lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, sir John Colborne, commence l’expérience en créant des villages et des colonies autochtones. Coldwater et Narrows en sont deux exemples. L’objectif de ces villages est de faire en sorte que les peuples des Premières Nations apprennent l’agriculture, qu’ils soient christianisés et qu’ils reçoivent une éducation britannique. En 1835, John Colborne, convaincu du succès des villages de Coldwater et de Narrows, décide d’étendre l’expérimentation de civilisation à l’île Manitoulin, à Manitowaning. John Colborne décide que Manitowaning deviendra le nouveau village autochtone sous la gouverne du ministère des Affaires indiennes et de l’Église anglicane. Il doit également être le nouveau centre de distribution de présents pour les Premières Nations.

Le remplaçant de John Colborne est sir Francis Bond Head. Tout comme lord Glenelg, le secrétaire aux colonies en Grande-Bretagne, Bond Head n’est pas convaincu de l’utilité de Manitowaning ni du succès des expérimentations du village indien. Lord Glenelg est préoccupé principalement par les dépenses supplémentaires pour le Trésor britannique. Bond Head ne soutient pas les politiques de civilisation. En 1836, lord Glenelg charge Bond Head de rendre compte des efforts fournis pour « civiliser » les Premières Nations et pour stopper la création d’un établissement à Manitowaning. Malheureusement, la directive visant à mettre fin à l’expérience de Manitowaning n’arrive pas à temps pour en informer les Premières Nations. Donc, au début du mois d’août, Bond Head commence à voyager vers l’île pour y distribuer des présents. Au cours de cette période, Bond Head entreprend personnellement une enquête sur les conditions des Premières Nations dans le Haut-Canada. À son arrivée à Manitowaning, Bond Head en vient à la conclusion que les politiques de civilisation sont un échec. Il croit que les peuples des Premières Nations sont voués à l’extinction. Au lieu de « civiliser » les Premières Nations, il propose que « le plus grand service que nous pouvons rendre à ces Indiens, qui sont intelligents et simples, c’est de leur épargner le plus possible les contacts avec les Blancs ».

En arrivant à cette conclusion en août 1836, Bond Head met en œuvre un plan pour protéger et expulser les Premières Nations. En premier lieu, il donne l’ordre de fermer Manitowaning immédiatement. En deuxième lieu, lors de la cérémonie de remise de présents, Bond Head prononce un discours aux peuples des Premières Nations assemblés. Il parle de la nécessité de les déplacer dans une zone où ils pourront poursuivre leur mode de vie sans craindre la perte de terres ou l’interférence des colons. Tout en parlant, il fait référence au Traité de Niagara de 1764, dans l’espoir de créer des notions de protection, de soutien et d’alliance britannique pour obtenir un accord pour son plan. Après avoir discuté publiquement de ses observations et de son plan, il consulte les chefs individuellement pour discuter plus en détail de ses idées.

Traité de Niagara

Négociations et termes du traité

Le 9 août 1836, sir Francis Bond Head présente un mémorandum aux chefs et aux membres assemblés afin qu’ils le signent s’ils sont d’accord avec les propositions. Le mémorandum commence en faisant référence au Traité de Niagara et à l’amitié qu’il a engendrée. Il déclare ensuite qu’un nouvel arrangement est nécessaire pour protéger les peuples des Premières Nations de « l’empiètement des Blancs ». Ceci est suivi de la Couronne qui renonce à sa revendication sur les îles tout en promettant de protéger les terres et le mode de vie des Premières Nations. Les Odawas et les Ojibwés conviennent ensuite « de renoncer à vos droits sur ces îles et de considérer que ces dernières sont la propriété de tous les Indiens à qui votre Vénérable Père le Roi (sous le contrôle de qui elles seront placées) permettra de venir s’y établir ». Essentiellement, le mémorandum confirme la propriété autochtone d’environ 23 000 îles de la chaîne de l’île Manitoulin. Seize chefs, soit Assekinack, Mokomunish, Tawackkuck, Kimewen, Kitchemokomon, Pesciatawick, Paimausegai, Nainawmuttebe, Mosuneko, Kewuckance, Shawenauseway, Espaniole, Snake, Pautunseway, Paimauqumestcam et Wagemauquin, placent leurs totems de signature sur le document. Ceci témoigne de leur soutien et de leur compréhension de cet accord. Bond Head présente ensuite aux chefs une copie du mémorandum et une ceinture wampum. Lui-même conserve deux copies identiques afin d’éviter tout malentendu.

En plus du mémorandum qui vise à garantir la souveraineté des Autochtones sur la chaîne des îles Manitoulin, Bond Head signe un mémorandum avec la Nation Saugeen, appelé Traité Saugeen (1836) et Traité no 45 ½. Ce document assure que les Saugeen cèdent la majeure partie de la péninsule Bruce et qu’ils promettent de se déplacer au nord de la colonie blanche ou sur l’île Manitoulin.

Les deux mémorandums sont envoyés à lord Glenelg pour approbation. Bond Head souligne que bien que les documents de l’île Manitoulin ne soient pas conformes aux exigences juridiques du ministère des Colonies, de la Proclamation royale de 1763 et du Traité de Niagara de 1764, ils représentent néanmoins un accord entre lui et les parties signataires. Même si lord Glenelg s’oppose au plan de retrait et d’isolation de Bond Head, il approuve les mémorandums, les transformant ainsi en traités.

Lord Glenelg et le ministère des Colonies ne sont pas les seuls à s’opposer au plan de retrait de Bond Head. La Aborigines Protection Society soutient qu’en échange de trois millions d’acres de terres, les Premières Nations ont reçu « 23 000 roches de granite ». De plus, les groupes préoccupés par la « civilisation » des peuples des Premières Nations, comme l’Église méthodiste, s’opposent au plan de retrait. La révocation de Bond Head de l’Office en 1838 met fin aux efforts supplémentaires de déplacer les Premières Nations. Cependant, les traités que le lieutenant-gouverneur a négociés sont considérés comme étant valides.

Legs

Sir Francis Bond Head réussit, sans l’approbation du ministère des Colonies, à obtenir deux accords à Manitowaning qui ont ouvert des terres pour la colonisation à un coût minimal pour les autorités coloniales. Le Traité de l’île Manitoulin de 1836 représente un document unique étant donné qu’il ne s’agit pas d’une cession de terres par les peuples des Premières Nations. Au lieu de cela, il s’agit plutôt d’une renonciation à une revendication de la Couronne sur les terres autochtones. Simplement, le traité reconnait et protège la souveraineté autochtone sur la chaîne de l’île Manitoulin. En d’autres mots, les Odawas et les Ojibwés acceptent de renoncer à leurs revendications territoriales en faveur d’une souveraineté autochtone détenue par tous ceux qui se sont installés sur l’île.

Subséquemment, la compréhension qu’ont les colons du Traité de 1836 change. En 1858, lorsqu’il rédige le Report of the Special Commissioners, le surintendant général des Affaires indiennes, R. T. Pennefather, se réfère au Traité de l’île Manitoulin de 1836 comme étant une cession de terres, et il affirme que l’expérience de colonisation des Premières Nations a échoué. Cette nouvelle compréhension du document mène éventuellement à un nouveau traité en 1862. Néanmoins, la compréhension des Autochtones voulant que le traité reconnaisse leur souveraineté sur les îles ne change jamais. L’interprétation des Autochtones du Traité de 1836, maintenue jusqu’à ce jour, est plausiblement soutenue par l’article 35 de la Constitution du Canada de 1982 et par diverses décisions contemporaines de la Cour suprême. Cependant, les divergences d’interprétation ont soulevé, et continuent à soulever, de nombreuses questions pour les Canadiens, leurs gouvernements et leurs tribunaux concernant la propriété et la souveraineté d’environ 23 000 îles sur le lac Huron s’étendant de la péninsule Bruce jusqu’à l’île Saint-Joseph, située à l’embouchure de la rivière Ste-Marie.

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