Traité de l’île Manitoulin de 1862 | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Traité de l’île Manitoulin de 1862

Le Traité de l’île Manitoulin de 1862 a été signé le 6 octobre. Ce traité visait à ouvrir environ 23 000 îles de la chaîne de l’île Manitoulin pour la colonisation et l’extraction de ressources par les Européens et les Canadiens. Ce traité est également connu sous le nom de Traité McDougall ou Traité no 94. Ce document prévoyait la création de cinq réserves selon les termes du traité. Les habitants de la péninsule est de l’île Manitoulin ont refusé de participer au processus de traité. Ce refus a fait en sorte que les terres de Wiikwemkoong demeurent non cédées (voir Le territoire non cédé de Wiikwemkoong). Par conséquent, ces terres sont régies selon les termes du Traité Manitoulin de 1836.

Contexte

À la suite du Traité de Manitoulin de 1836 et du rejet des politiques de retrait de sir Francis Bond Head, le Haut-Canada reprend ses efforts pour christianiser et « civiliser » les peuples des Premières Nations. En 1838, Manitowaning est rouverte en tant que poste de mission gouvernemental et anglican. La même année, les catholiques ouvrent une mission à Wiikwemkoong, de l’autre côté de la baie de Manitowaning. La cérémonie annuelle de la remise des présents se poursuit à Manitowaning. Entre-temps, l’agent des Indiens gouvernemental encourage les Premières Nations à se déplacer ou s’installer sur l’île Manitoulin. Durant cette période, certains Odawas, Ojibwés et Potawatomi fuient vers le Haut-Canada et l’île Manitoulin. Ils font cela pour éviter les politiques de retrait des États-Unis. Quelques individus de diverses communautés odawas et ojibwées s’installent également sur l’île, soit de manière permanente ou saisonnière. Dans l’ensemble, les Premières Nations ne déménagent jamais sur l’île en masses. En 1860, près de 1000 membres des Premières Nations sont installées en permanence sur l’île. De plus, les peuples des Premières Nations accèdent aux îles de manière saisonnière.

En 1858, le surintendant général des Affaires indiennes, R.T. Pennefather, conclut que la proposition de 1836 de Bond Head visant à rassembler les peuples des Premières Nations sur l’île Manitoulin est un échec. R.T. Pennefather affirme que le manque de mise en place autochtone « permanente » sur l’île, au-delà de quelques maisons à Wiikwemkoong et Manitowaning, prouve cet échec. R.T. Pennefather se réfère au Traité de 1836 comme étant une cession. Il est important de noter que les Premières Nations avaient refusé l’offre de Bond Head de placer l’île sous la protection de la Couronne. De plus, la présence croissante des pêcheurs eurocanadiens commerciaux et indépendants ainsi que la réglementation de la pêche créent des problèmes. Les protestations autochtones, tout au long des années 1840 et 1850 sont liées à la pêche. Ces enjeux nécessitent une solution. Finalement, vers le milieu des années 1850, les demandes des colons pour avoir des terres s’ajoutent à la demande accrue d’avoir accès à l’île Manitoulin.

Au début d’octobre 1861, deux commissaires aux traités, W. R. Bartlett et Charles Lindsay, arrivent à Manitowaning. Le 5 octobre, ils s’adressent aux membres des Premières Nations rassemblés. Ils déclarent que l’échec du déplacement vers l’île d’environ 9300 membres des Premières Nations du Haut-Canada annule les termes du Traité de l’île Manitoulin de 1936. Ils déclarent également qu’en raison de cet échec, la Couronne ne réserve plus l’île exclusivement pour eux. Finalement, les commissaires offrent de créer des réserves basées sur une formule de 25 acres par famille. Après avoir entendu ceci, les chefs et les membres des Premières Nations des îles Manitoulin rejettent la notion d’un traité et d’un arpentage. Un guerrier anonyme déclare aux commissaires : « Cette île dont je parle, je la considère comme mon propre corps. Je ne veux pas qu’une de mes jambes ou un de mes bras me soit enlevés. » Contrariés par ce rejet de leur offre d’un traité, les commissaires dénotent que l’arpentage aura lieu, peu importe les volontés des Premières Nations.

Au cours de l’hiver 1861 et jusqu’en 1862, l’agent des Indiens, George Ironside Jr., continue de parler de la nécessité d’un traité. Durant cette période, il tente également de déterminer les revendications potentielles des Autochtones. Ses rapports font état de la volonté des Autochtones à envisager un traité. Pendant ce temps, l’arpentage des îles est complété par l’arpenteur colonial John Stoughton Denis. Ceci contribue à accroître la demande des colons pour l’île. Les rapports de George Ironside et de John Denis mènent à la création d’une deuxième commission des traités à l’automne 1862.

Négociations et termes du traité

Territoire non cédé de Wiikwemkoong

À cette époque, William McDougall est le surintendant général des Affaires indiennes et William Prosperous Spragge est le surintendant adjoint. Ils sont nommés commissaires aux traités. Ils arrivent à Manitowaning en octobre 1862. Le 4 octobre, William McDougall et Prosperous Spragge convoquent un conseil des principaux chefs de l’île Manitoulin pour accepter une cession. Encore une fois, les chefs rejettent le traité. Ne se laissant pas décourager, les commissaires suspendent le conseil. Ils déclarent qu’ils sont prêts à rencontrer quiconque sera disposé à discuter des termes. Durant cette suspension, les commissaires prennent conscience de divisions au sein de la communauté de l’île Manitoulin et ils les exploitent. Plus précisément, ils réalisent que les gens de Wiikwemkoong s’y opposent farouchement. Les chefs présents constituent la majorité des gens de Wiikwemkoong.

William McDougall décide de traiter avec ceux qui sont disposés à accepter une cession. Il exclut ensuite Wiikwemkoong des négociations. Apparemment, les commissaires utilisent également librement de l’alcool pour encourager l’acceptation des demandes du gouvernement. Les bandes restantes, provenant en grande partie de la région Ouest de l’île Manitoulin, acceptent le traité. Ce dernier leur garantit des réserves basées sur une formule de 100 acres par famille, et 50 acres par individu seul, un paiement en argent comptant, un accès égal à la pêche ainsi que des sommes provenant des ventes des terres.

La question de l’exclusion de Wiikwemkoong du traité est gérée dans les articles 7 et 8 du traité. Le traité de William McDougall précise que « la portion de l’île qui est située à l’Est de Heywood Sound et de Manitoulin Gulf, ainsi que les Indiens qui y résident actuellement » continueront d’être sous la protection de la Couronne et des termes du Traité de l’île Manitoulin de 1836. De plus, il permet aux Premières Nations qui ne font pas partie du traité de « déclarer leur volonté d’adhérer au présent accord à tous égards ».

À la suite du traité, Wiikwemkong expulse tous ceux qui se sont prononcés en faveur du traité. Les autres qui se sont opposés au traité déménagent à Wiikwemkoong. Dans les années qui suivent le traité, Wiikwemkoong continue de s’y opposer.

Legs et importance

Le Traité de 1862 forme les communautés des six Premières Nations de l’île Manitoulin, soit la Première Nation M’Chigeeng, la Première Nation de Sheguiandah, la Première Nation de Sheshegwaning, la Première Nation Aundeck Omni Kaning, et la Première Nation de Zhiibaahaasing. Il établit également le territoire non cédé de Wiikwemkoong. Il ouvre l’île Manitoulin pour la colonisation non autochtone. Pourtant, le traité laisse un héritage de questions concernant l’île Manitoulin et la chaîne d’îles. Il est important de noter que le refus de Wiikwemkoong et son exclusion du processus du Traité de 1862 créent de nombreux problèmes. Premièrement, l’exclusion délibérée des dirigeants de Wiikwemkoong soulève des questions sur la nature de la cession et sur le titre global sous-jacent de l’île. Plus particulièrement, le Traité de l’île Manitoulin de 1836 a placé l’île entière sous une propriété collective. Deuxièmement, la limite entre les terres non cédées de Wiikwemkoong et le reste de l’île n’a pas été arpentée. Troisièmement, les îles adjacentes à Wiikwemkoong ne sont pas cédées en 1862. Quatrièmement, Wiikwemkoong, en tant que non-partie du traité, ne peut pas consentir, et n’a pas consenti, à la création de sa réserve et de ses limites. Elle est créée par le gouvernement. Cinquièmement, Wiikwemkoong n’a jamais consenti au contrôle des pêches non autochtones.

D’autres questions découlent de la nature collective de la propriété autochtone de la chaîne des 23 000 îles selon le Traité de 1836. Les gens qui résident sur le continent ont accès à plusieurs de ces îles de manière saisonnière. L’utilisation de ces terres et des eaux adjacentes ne peut pas être cédée par les chefs résidents. Pourtant, ces communautés ne sont pas incluses ou consultées en 1862.

Ces préoccupations, ainsi que d’autres concernant les termes du Traité de 1862, l’arpentage et sa relation avec le Traité de 1836, donnent lieu à des revendications territoriales contemporaines. En 1990, un accord est conclu entre la province de l’ Ontario et les Premières Nations Aundeck Omni Kaning, M’Chigeeng, Sheguiandah, Sheshegwaning et Zhiibaahaasing, concernant les terres cédées non vendues dans le cadre du Traité de 1862. L’Ontario, le Canada et les Premières Nations travaillent toujours à résoudre cet accord. De même, en 1997, Wiikwemkoong soumet une revendication pour les îles non cédées adjacentes à la communauté. En 2022, un règlement est conclu pour « les terres de la Couronne provinciale situées dans la région qui fait l’objet d’une revendication frontalière et d’autres terres de la Couronne provinciale dans la partie continentale, ainsi que l’île Philip Edward et les îles avoisinantes, à titre de remplacements de terres cédées par lettres patentes (propriété privée) et qu’il est impossible de rendre au territoire non cédé de Wiikwemkoong. »

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