Yucho Chow, photographe (né le 3 juin 1876 à Kaiping, dans la province de Guangdong, en Chine; décédé le 10 novembre 1949 à Vancouver, en Colombie-Britannique). Yucho Chow a été le premier et le plus prolifique photographe d’origine chinoise de Vancouver du début du 20e siècle. Au cours de 42 ans d’une carrière qui a couvert des périodes de grands bouleversements, le studio de photographie de Yucho Chow, situé dans le quartier chinois, a été un refuge momentané pour d’innombrables familles et individus de communautés marginalisées. Son travail offre une tapisserie diversifiée du passé de Vancouver. Il a photographié des personnes des communautés noires, chinoises, sikhes, hindoues, autochtones, et d’Europe de l’Est. Les gens célèbres et riches ont été présentés dans sa collection, tout comme les pauvres. Si les gens ne pouvaient pas se faire prendre en photo à d’autres studios en raison de la couleur de leur peau, ils savaient que Yucho Chow les accueillerait. (Voir aussi Racisme.)
Émeutes de 1907 dans le quartier chinois
Comme tous les immigrants venant de la Chine, Yucho Chow paie la taxe d’entrée discriminatoire pour venir au Canada en 1902, qui lui coûte une somme élevée de 100 $. On ne sait que peu de choses sur sa vie avant 1906-1907, époque de l’ouverture des portes de son studio au 68 West Hastings Street. Des membres de sa famille ont émis l’hypothèse qu’il a peut-être été travailleur domestique. Le seul indice est une annonce dans un journal où il offre ses services en tant qu’interprète en langue chinoise.
Lorsque Yucho Chow arrive et ouvre son entreprise de photographie, il existe de profondes divisions raciales à travers le Canada et dans la région du Lower Mainland de la Colombie-Britannique. À l’époque où il ouvre son studio dans le quartier chinois, le racisme anti-asiatique est imprégné dans tous les aspects de la vie, incluant l’emploi, le logement, l’éducation, et l’engagement civique. Du 7 au 9 septembre 1907, des manifestants blancs en colère attaquent les devantures des magasins et les commerces des communautés chinoises et japonaises de Vancouver. Les manifestants perçoivent les Japonais et les Chinois comme étant des menaces à leurs moyens de subsistance. D’autres estiment que les populations croissantes pourraient déstabiliser la population à majorité blanche. (Voir Ségrégation raciale des Canadiens d’origine asiatique.)
Histoires des familles
Yucho Chow travaille dans un climat de racisme et de discrimination. Ses portraits photographiques capturent les histoires des personnes qui sont privées de leurs droits, mais ils reflètent également les difficultés de la vie des premiers immigrants. Plusieurs de ses clients sont des célibataires chinois venant de l’Asie du Sud ou de l’Europe de l’Est. Certains d’entre eux ont probablement travaillé sur le chemin de fer du Canadien Pacifique, ou dans les industries des ressources naturelles du Canada. Parfois, Yucho Chow aide à réunir des familles par le biais de la photographie, comme dans le cas d’une photo représentant un homme et son fils adulte qu’il a superposée avec celle d’une femme et d’un autre enfant qui ont probablement été photographiés en Chine. Cette histoire reflète le désir des familles chinoises à se retrouver et être ensemble, quelque chose qui est potentiellement impossible en raison de la Loi de l’immigration chinoise, qui interdit l’immigration des Chinois pendant 24 ans.
Les enfants apparaissent souvent dans les portraits de familles pris par Yucho Chow. En 1940, il photographie la famille Grant, y compris leurs trois enfants aînés : Gordon, Larry, et Helen. Leur mère, Agnes Grant, est Musqueam (voir Premières Nations en Colombie-Britannique) alors que leur père, Hong Tim Hing, est chinois. La famille Grant ne peut pas vivre ensemble en raison de la Loi sur les Indiens. Les mariages mixtes sont rares et mal vus à l’époque, mais la collection de Yucho Chow documente plusieurs mariages et familles interraciaux. Des familles d’origine italienne, croate, allemande, juive, roumaine, japonaise, sikhe, hindoue, et sud-asiatique passent par le studio de Yucho Chow.
Parmi les photos d’enfants, on retrouve celles appartenant à l’influente famille Louie (voir Brandt Louie). L’une de ces photos est le portrait de l’enfant du patriarche Hok Yat Louie, un jeune garçon nommé Quan J. Louie. Malgré le fait qu’il n’ait pas de statut légal au Canada, Quan Louie qui est canadien de naissance, s’enrôle plus tard dans l’Aviation royale canadienne (ARC), et sert durant la Deuxième Guerre mondiale. De nos jours, l’entreprise familiale H.Y. Louie Company est surtout reconnue pour l’exploitation des supermarchés London Drugs et IGA.
Comme le studio de Yucho Chow est ouvert tout au long de la crise des années 1930, de la Première Guerre mondiale, et de la Deuxième Guerre mondiale, ce dernier capture les portraits de nombreux anciens combattants. L’un d’eux est Harry Gong. On croit que Harry Gong serait le seul Canadien d’origine chinoise à avoir piloté le célèbre avion de chasse Spitfire. (Voir aussi Hawker Hurricane.) Yucho Chow est le photographe du mariage de Harry et Leah Gong en 1948.
D’autres clients notables de Yucho Chow comprennent le docteur Sun Yat-Sen, Won Alexander Cumyow, Douglas Jung, Wayson Choy alors qu’il est nourrisson avec ses parents adoptifs, et Wally Oppal, ancien gouverneur général de la Colombie-Britannique.
La famille Chow
Au cours de la carrière de Yucho Chow, son studio est situé dans quatre endroits différents du quartier chinois. Il s’installe finalement au 518 Main Street, de 1930 jusqu’à sa mort en 1949. Parmi les photos qu’il a prises se trouvent des photos de ses propres enfants à différentes étapes de leur vie. L’aînée des sept enfants de Yucho Chow, une fille appelée Mabel, apparait dans de nombreuses photos qu’il a prises. Mabel fait partie intégrante de la gestion de l’entreprise. Elle l’aide à installer les lumières, à développer les films, et à peindre à la main certaines des photos, une technique que la cadette de Yucho Chow, Jessie, perfectionne également.
Lorsque Yucho Chow meurt d’une crise cardiaque en 1949, ses fils Peter et Philip reprennent le commerce en charge et le déménagent à quelques maisons de là. Lorsqu’ils prennent leur retraite en 1986, ne sachant pas quoi faire avec tous les négatifs, ils jettent l’entière collection de négatifs de Yucho Chow.
Des décennies plus tard, en 2011, l’historienne communautaire Catherine Clement découvre des photographies d’origine de Yucho Chow. À ce moment-là, elle travaille sur un projet sur les anciens combattants canadiens d’origine chinoise de la Deuxième Guerre mondiale (voir aussi Les Sino-Canadiens de la Force 136) lorsqu’elle commence à remarquer le sceau de signature de Yucho Chow apposé sur les photos rangées dans des albums de famille mis de côté. Il lui faut 10 ans pour récupérer une partie du travail perdu de Yucho Chow. Catherine Clement reconstitue lentement une collection « une photo à la fois, une famille à la fois, une histoire à la fois », a-t-elle écrit plus tard.
Le projet mène à la toute première exposition et à un livre intitulé Chinatown Through a Wide Lens: The Hidden Photographs of Yucho Chow, publié en 2019. Catherine Clement y décrit la découverte inattendue d’un studio qui a ouvert ses portes à des gens de tous les horizons.
Dans son livre, Catherine Clement écrit : « Ces photos, qui ont capturé le passage de gens ordinaires, qui ont figé sur place leurs espoirs et leurs aspirations, et ont marqué leurs victoires grandes et petites, elles sont les dernières preuves visuelles que cette histoire… leur histoire… a eu lieu. »
En 2021, Catherine Clement a fait don de plus de 600 photographies archivées de ses recherches aux City of Vancouver Archives.