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Statut d’Indien

Le statut d’Indien est une identité légale définie par la Loi sur les Indiens. Il s’applique à certains peuples autochtones au Canada. Les personnes ayant le statut d’Indien (ou Indien inscrit) remplissent les conditions énoncées dans la loi. Ces conditions, y compris qui est considéré comme Indien selon la loi, ont changé avec le temps.

Qu’est-ce que le statut d’Indien?

La section 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982 définit trois groupes de peuples autochtones : les Indiens, les Inuits et les Métis. « Indiens », dans ce cas-ci, désigne les Premières Nations. Cependant, sur le plan légal, les membres des Premières Nations ne sont pas tous Indiens – c’est-à-dire qu’ils n’ont pas tous le statut d’Indiens. Indien est une identité légale qui a été définie en 1876 selon les critères énoncés dans la Loi sur les Indiens. Ceux qui répondent à tous les critères ont le statut d’Indien. En dehors du contexte légal, le terme « Indien » est désormais considéré comme caduque et offensant.

Les Indiens inscrits figurent sur le Registre des Indiens, le dossier officiel identifiant tous les Indiens inscrits au Canada, géré par le gouvernement fédéral. Ce registre contient les noms, les dates de naissance, les dates de décès, les détails concernant le mariage et le divorce, ainsi que les données sur les transferts d’une bande à une autre de tous les Indiens inscrits. Tous les Indiens inscrits reçoivent une carte d’identité (connue sous le nom de « carte de statut ») qui comprend des renseignements sur l’identité, la bande d’appartenance et le numéro d’inscription.

Selon le gouvernement fédéral, « sous la Loi sur les Indiens, les Indiens inscrits sont éligibles à une variété d’avantages, de droits, de programmes et de services offerts par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. » Par exemple, tous les Indiens inscrits sont exonérés de l’impôt sur le revenu à payer sur tout salaire qu’ils gagnent sur une réserve, et leur propriété privée ne peut pas être saisie si elle se trouve sur le territoire d’une réserve. Toutefois, les dispositions régissant ces exemptions sont complexes et ne sont pas applicables uniformément dans tous les cas de figure. En outre, l’enregistrement ne garantit pas nécessairement certains droits, notamment la capacité de vivre sur une réserve. Dans certains cas, des personnes non inscrites peuvent vivre sur une réserve si les règlements de la communauté le permettent.

Indiens inscrits et adhésion à une bande

L’enregistrement ne garantit pas non plus l’adhésion à une bande. À la suite de l’amendement de la Loi sur les Indiens en 1985, les bandes ont l’autorité d’établir leurs propres règlements d’adhésion. (Si elles ne le souhaitent pas, le gouvernement fédéral continue de gérer les listes d’adhésion.) Les bandes peuvent désormais établir les critères permettant de déterminer ceux qui peuvent participer à la vie politique de la bande et ceux qui peuvent accéder à ses ressources et à ses biens. Cependant, les bandes ne contrôlent toujours pas les modalités d’acquisition ou de perte du statut d’Indien inscrit, le gouvernement fédéral conserve ce pouvoir. Même si la plupart des membres de bandes sont également des Indiens inscrits, il est possible d’être titulaire de ce statut sans appartenir à une bande et réciproquement.

Indiens visés par un traité

Les Indiens visés par un traité sont des Indiens inscrits qui appartiennent à une Première Nation ou à une bande qui a signé un traité avec la Couronne depuis 1701, cédant ainsi des terres en échange d’avantages particuliers. Certains Indiens visés par un traité vivent sur une réserve qui n’est pas couverte par un traité, c’est-à-dire que leur communauté n’a jamais signé un traité avec le gouvernement pour céder (renoncer à) leurs terres. Ces personnes vivent sur ce qui est reconnu comme des territoires non cédés.

Le terme s’applique également aux Premières Nations qui ont des ententes d’autonomie gouvernementale. Les traités peuvent assurer aux descendants des signataires des pensions (paiements annuels) et des droits (comme celui de chasser et de pêcher) en plus de ceux déjà octroyés à tous les Indiens inscrits.

Indiens non inscrits

On définit les Indiens non inscrits comme les personnes appartenant à une Première Nation qui ne sont pas inscrites auprès du gouvernement fédéral. Dans certains cas, elles ne se qualifient pas pour l’enregistrement selon les critères énoncés dans la Loi sur les Indiens du gouvernement fédéral. Dans d’autres cas, les Indiens non inscrits ont perdu leur statut après avoir épousé une personne non inscrite, après s’être émancipés ou pour d’autres restrictions légales (voir aussi Droit de vote des peuples autochtones et Les femmes autochtones et le droit de vote).

N’étant pas reconnus selon la Loi sur les Indiens, les Indiens non inscrits ne jouissent pas des mêmes droits et privilèges que les Indiens inscrits ; certains font même face à des critiques de groupes autochtones remettant en cause leur authenticité d’Indiens. Toutefois, le fait que la loi définisse ou non une personne comme un Indien ne détermine pas complètement son ascendance et son identité culturelle. Les Indiens non inscrits sont tout de même porteurs d’une identité autochtone. Ils partagent souvent, avec les Indiens inscrits, les mêmes problématiques socio-économiques, notamment l’accès aux soins de santé et à l’éducation, la pauvreté, l’arrachement à leurs terres ancestrales et la perte de la culture et des langues autochtones. N’étant pas admissibles au statut d’Indiens inscrits, les Indiens non inscrits éprouvent des difficultés pour accéder à différentes formes de soutien dans ces différents domaines. Certaines organisations comme le Congrès des Peuples autochtones cherchent à porter les préoccupations des Indiens non inscrits (et d’autres peuples autochtones) au Canada.

Dans une décision d’avril 2016, la Cour suprême du Canada reconnaît que « Indien », comme défini dans la section 91(24) de la Constitution, inclut les Indiens non inscrits et les Métis. Cependant, les Indiens non inscrits ne deviennent pas des Indiens inscrits. Cette décision ne modifie pas la Loi sur les Indiens qui continue de définir les Indiens inscrits. Ce jugement de 2016 signifie que les Indiens non inscrits relèvent de la compétence législative du gouvernement fédéral.

Métis et Inuits

Le statut d’Indiens n’est accordé qu’aux peuples autochtones qui sont définis comme tels selon la Loi sur les Indiens. Les Inuits et les Métis n’ont pas ce statut, tout comme les Indiens non inscrits. Cependant, dans deux jugements distincts, la Cour suprême reconnaît que les Métis et les Inuits sont sous la responsabilité du gouvernement fédéral (plutôt que des gouvernements provinciaux et territoriaux). Dans une décision de 1939, la Cour stipule que les Affaires inuites relèvent d’Ottawa ; en 2016, c’est au tour des Métis et des Indiens non inscrits. Avec cette décision, la Cour décide que ces peuples sont des Indiens en vertu de la section 91(24) de la Constitution qui couvre le pouvoir du gouvernement fédéral sur la question des « Indiens, et des terres réservées aux Indiens ».

Démographie

Selon le recensement 2016 de Statistique Canada, 1,7 million de personnes s’identifient comme Autochtones, ce qui représente 4,8 % de la population canadienne. Parmi ces personnes, 58,4 % (977 235) sont membres des Premières Nations, 35,1 % (587 545) sont Métis et 3,9 % (65 025) sont Inuits.

Au sein de la population des Premières Nations, 83,9 % (820 120) sont des Indiens inscrits (qui ont le statut) ou visés par un traité, et 2,83 % (232 380) s’identifient comme non inscrits. Au sein de la population des Indiens inscrits et visés par un traité, 44,2 % (744 855) vivent sur des réserves. Les autres vivent à l’extérieur des réserves. De 2006 à 2016, on constate une croissance démographique tant sur les réserves (avec une augmentation de 12,8 %) qu’à l’extérieur (49,1 %).

Amendements de la Loi sur les Indiens qui affectent le statut

Depuis 1876, de nombreux Indiens inscrits ont perdu leur statut en raison de la terminologie discriminatoire utilisée dans la Loi sur les Indiens. Jusqu’en 1951, la Loi sur les Indiens force plusieurs Indiens et Indiennes inscrit(e)s à « s’émanciper », c’est-à-dire à renoncer aux droits que leur confère leur statut en échange de droits de citoyenneté. L’obtention du droit de vote, l’enrôlement dans l’armée, l’obtention d’un diplôme collégial ou le fait de devenir un professionnel entraîne automatiquement la perte du statut d’Indien inscrit. De plus, tout(e) Indien(ne) inscrit(e) qui réside à l’extérieur du Canada durant cinq ans ou plus se voit révoquer son statut. (Voir aussi Droit de vote des peuples autochtones.)

Des amendements à la loi en 1951 remplacent le concept de « sang indien » par celui de statut par le biais de l’enregistrement. Autrement dit, le fait d’être issu d’une Première Nation ne suffit plus pour obtenir le statut. Malgré tout, la loi privilégie encore les lignées de descendance masculine. Avant 1985, une Indienne inscrite est privée de son statut lorsqu’elle épouse un homme qui n’en dispose pas lui-même, les enfants du couple en sont également exclus. Parfois, la perte de ce statut aboutit à une rupture des liens entre les personnes ainsi exclues, leur communauté et leurs origines.

Tout au long des années 1970 et 1980, la question de la discrimination de genre dans la Loi sur les Indiens attire l’attention nationale et internationale, poussant le gouvernement fédéral à la modifier à nouveau. En 1985, le projet de loi C-31 permet aux femmes ayant épousé un homme non autochtone et aux autres ayant perdu leur statut d’Indien de demander la restauration de leur statut et de leurs droits. Plus de 117 000 personnes obtiennent ou retrouvent ainsi le statut d’Indien inscrit.

Le projet de loi C‑31 crée, en outre, deux catégories d’Indiens inscrits, avec des conséquences sur le nombre de personnes pouvant se prévaloir des droits liés au statut. La première catégorie, définie au paragraphe (6)1 de la Loi, concerne les personnes dont les deux parents ont ou avaient le droit d’être inscrits. (Cette catégorie est, elle‑même, divisée en plusieurs sous‑catégories qui diffèrent en vertu de la façon dont le statut est transmis héréditairement.) La deuxième catégorie, définie au paragraphe 6(2) de la Loi, s’applique lorsqu’un seul parent a droit à l’inscription en vertu du paragraphe 6(1), le statut d’Indien ne pouvant pas être transmis si le parent en question est lui‑même inscrit en vertu du paragraphe 6(2). En d’autres termes, après deux générations de mariages mixtes avec des partenaires non inscrits, les enfants ne sont plus admissibles au statut d’Indien. C’est ce que l’on appelle la règle « d’inadmissibilité de la deuxième génération ».

Bien que le projet de loi C-31 offre à de nombreuses femmes l’opportunité de voir leur statut rétabli, il n’élimine pas la discrimination de genre de la Loi sur les Indiens. Les affaires portées devant les tribunaux par les peuples autochtones influencent la mise en œuvre de nouveaux amendements à la Loi. Par exemple, en réponse à l’affaire McIvor, le gouvernement fédéral adopte le projet de loi C-3 en 2011. Cet amendement accorde le statut 6 (2) aux petits-enfants des femmes qui ont récupéré leur statut en 1985. Cependant, il ne supprime pas complètement la discrimination de la Loi.

Le projet de loi S-3, dont une partie entre en vigueur le 22 décembre 2017, est introduit à la suite de l’affaire Descheneaux en 2015. Le projet de loi S-3 permet à davantage de personnes de transmettre leur statut à leurs descendants, et rétablir le statut de ceux qui l’ont perdu avant 1985. L’autre partie du projet de loi, lié au rétablissement du statut des femmes, et de leurs descendants, qui ont perdu leur statut avant 1951 (connu sous le nom de « date limite de 1951 »), entre en vigueur le 15 août 2019. Selon le gouvernement fédéral, « toutes les iniquités connues fondées sur le sexe relativement à la Loi sur les Indiens ont maintenant été éliminées. »

Débat : conserver ou éliminer le statut?

Certains peuples autochtones croient que le statut d’Indien et la Loi sur les Indiens ont une place légitime dans la législation fédérale et dans les communautés autochtones. Le Livre blanc de 1969, une proposition fédérale dont l’objectif est de supprimer les réserves et le statut d’Indien inscrit, a rencontré une vive résistance de la part des Premières Nations. Ces dernières font en effet valoir que le statut d’Indien inscrit témoigne non seulement de l’histoire et des relations entre la Couronne et les Premières Nations au Canada, mais qu’il oblige également le gouvernement à reconnaître cette relation et à respecter ses engagements vis-à-vis des Premières Nations. En outre, certains Indiens inscrits et visés par un traité craignent une éventuelle assimilation en l’absence de la protection de ce statut. Comme l’explique David Newhouse, directeur de l’école Chanie Wenjack pour les études autochtones de l’Université Trent, « [La Loi sur les Indiens] offre une structure pour la gouvernance locale et la vie communautaire. La réforme de la Loi d’un seul coup, ou son abolition, perturberait grandement les Premières Nations. »

D’autres peuples autochtones soutiennent que, puisque « Indien » est une identité légale définie par le gouvernement fédéral plutôt que par les nations autochtones, le statut d’Indien et la Loi sur les Indiens doivent être abolis. Comme le déclare Perry Bellegarde, chef de l’Assemblée des Premières Nations en 2018, « Nous voulons tous avancer au-delà du contrôle qu’exerce la Loi sur les Indiens et nous reconstituer à titre de peuples et de nations autochtones qui ont des droits fondamentaux inhérents. » Des critiques mettent de l’avant le fait que la Loi a été utilisée pour brimer de nombreuses personnes, surtout les femmes et leurs enfants. Ils plaident que la Loi maintient une relation paternaliste entre les peuples autochtones et le gouvernement canadien en vertu de laquelle les Indiens sont perçus comme des « pupilles » de l’État devant être contrôlés et guidés.

Qui plus est, des critiques prétendent que le gouvernement a utilisé la Loi sur les Indiens ainsi que d’autres lois comme des instruments d’assimilation des peuples autochtones à la culture canadienne blanche et coloniale. Ces peuples autochtones espèrent que le statut de « pupilles » évoluera avec la tendance grandissante vers l’autonomie gouvernementale et la réconciliation, contribuant ainsi à changer les relations entre le gouvernement et les Autochtones. Des critiques soutiennent généralement qu’authenticité culturelle et statut ne sont pas reliés, et que les définitions législatives du terme « Indien » ne sont guère plus que des mesures imposées par le gouvernement.

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