Jack Sures, C.M., céramiste (né le 20 novembre 1934 à Brandon, au Manitoba; décédé le 12 mai 2018 à Regina, en Saskatchewan). Jack Sures est au nombre des plus grands céramistes au Canada, autant sur le plan de la création que sur celui de l’enseignement. Ses œuvres lui valent au fil des ans de nombreux prix nationaux et internationaux, y compris la médaille d’honneur à l’Exposition internationale de Genève et le Grand Prix à l’exposition internationale de céramique à Mino, au Japon. Il est membre de l’Ordre du Canada et de l’Académie internationale de la céramique. Jack Sures se voit décerner le prix du lieutenant-gouverneur pour l’ensemble de sa carrière par le Saskatchewan Arts Board, ainsi que le prix Saidye-Bronfman pour l’excellence dans les métiers d’art à l’occasion de la remise des Prix du gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques.
Jeunesse et éducation
Jack Sures fréquente l’école à Melita, au Manitoba, avant que sa famille déménage à Winnipeg en 1948. En 1952, il s’inscrit à la Faculté des sciences de l’Université du Manitoba. Il changera toutefois de parcours un peu plus tard, s’inscrivant au programme de beaux-arts de l’établissement, où il choisira pour spécialités la gravure et la peinture. Une fois son diplôme obtenu en 1957, Jack Sures déménage à Regina, où il travaille pour le Chemin de fer du Canadien Pacifique comme serre-frein. En janvier 1958, il se réinstalle à East Lansing, au Michigan, pour poursuivre des études supérieures à l’Université d’État du Michigan. Il reçoit sa maîtrise en beaux-arts en 1959.
Étudiant diplômé, Jack Sures poursuit ses études en gravure et en peinture. Il suit également un cours de céramique; ce sera le seul cours structuré dans ce domaine qu’il prendra dans toute sa carrière universitaire. À cette époque, l’artiste est particulièrement inspiré par le travail de Franz Marc, Albrecht Dürer et Paul Klee, ainsi que par les œuvres de différents peintres surréalistes. À ce chapitre, l’imagerie fantaisiste des peintures du Hollandais Hieronymus Bosch, artiste du 15e siècle, se retrouve dans beaucoup de céramiques réalisées par Jack Sures plus tard en carrière.
Début de carrière
De retour à Winnipeg après avoir obtenu son diplôme, Jack Sures enseigne pendant un an à l’école secondaire John Hugh Macdonald. Il trouve cependant cet emploi peu satisfaisant, en raison de sa charge de travail trop élevée et des restrictions qu’il impose à sa carrière d’artiste. Après avoir quitté son poste d’enseignant, Jack Sures déménage à Londres, en Angleterre. Là-bas, il décroche un poste chez Chelsea Pottery et dans une fabrique de céramique, où il découvre les techniques de tournage de pièces, de fabrication de moules et de coulage en barbotine. C’est là sa première véritable expérience de travail avec l’argile. Dans de telles installations, il a accès à des tours de potier, à de l’argile et à un four.
Pendant son emploi chez Chelsea Pottery, Jack Sures part à l’aventure à Chypre avec un ami, et s’installe pendant un certain temps dans la ville de Lapithos. Il poursuit ses périples en 1961, faisant de l’art, visitant des galeries et des musées et occupant divers emplois un peu partout en Europe. Pendant plusieurs mois, il travaille dans un kibboutz en Israël, puis sur une base des forces aériennes américaines à Lisbonne, au Portugal. Il revient au Canada en 1963 et ouvre un atelier de poterie à Winnipeg grâce à un prêt bancaire. Il construit plusieurs tours de potier (utilisant pour l’un d’entre eux un séparateur à lait issu d’une exploitation agricole) et assemble le premier four à gaz dans la province. Jack Sures parvient à gagner sa vie en vendant des articles en céramique qui répondent à la demande croissante de produits d’artisanat faits à la main. Les cours de poterie sur six semaines qu’il donne à douze dollars la séance, ainsi que les ateliers qu’il loue à des artistes, lui permettent de payer ses frais.
Carrière universitaire et succès artistique
En 1965, Jack Sures est embauché par le peintre Art McKay (à l’époque doyen du département d’art de l’Université de Regina) pour mettre en place les nouveaux départements de céramique et de gravure de l’établissement. Cet emploi procure à l’artiste une liberté dont il n’avait jamais profité jusque-là. « Ce fut pour moi une occasion unique », racontera-t-il plus tard. « Je parvenais à peine à joindre les deux bouts. À l’université, je recevais un excellent salaire[…] je n’avais qu’à enseigner 18 heures par semaine, et le reste de mon temps m’appartenait. »
En 1965, Jack Sures se voit octroyer une bourse du Conseil des Arts du Canada grâce à laquelle il pourra travailler et étudier au Japon de mars à septembre de l’année suivante. L’artiste fait la connaissance de céramistes japonais reconnus, dont il acquiert certaines méthodes et philosophies de travail. Cette expérience est pour l’artiste d’une grande utilité : elle l’aide à mieux définir sa propre perception de l’histoire et des traditions du travail de l’argile, tout en développant une nouvelle approche de l’union des origines artisanales de cette matière avec une expression esthétique bien vivante.
Entre-temps, son nouveau poste à l’université lui donne le temps et les ressources nécessaires pour s’établir en tant qu’artiste, en plus de le mettre dans la position idéale pour influencer le développement de la céramique en tant qu’aspect florissant de l’expression artistique dans les Prairies. À cette époque, la céramique artistique n’en est qu’à ses premiers balbutiements en Saskatchewan, et on la perçoit largement comme un sujet peu adapté aux études universitaires. Jack Sures travaille aux côtés de Ric Gomez, récemment embauché pour mettre sur pied le département de sculpture de l’université. L’artiste fabrique un autre four à gaz, cette fois-ci le premier en Saskatchewan. Jack Sures joue un rôle de plus en plus central au département d’art de l’université, créant les programmes de baccalauréat et de maîtrise en beaux-arts en 1969.
En plus de la sécurité et des défis stimulants associés à son nouvel emploi, Jack Sures profite cette année-là d’une occasion qui aura un effet positif à long terme sur son travail de création artistique. Il explore alors depuis un certain temps de nouvelles méthodes de fabrication de céramique, expérimentant notamment l’inclusion de fibre de verre dans ses œuvres. Cela lui permet de créer des pièces de plus en plus sculpturales et de repousser les contraintes matérielles qui limitent la céramique à sa seule utilisation fonctionnelle.
Jack Sures commence à cette époque à participer à des compétitions artistiques à l’échelle nationale et internationale, où il jouit d’un succès grandissant. En 1967, il reçoit le prix de la meilleure création en grès à la compétition de la Canadian Handicraft Guild. On lui décerne également le premier prix lors de la compétition de céramique de la même année. En 1968, Jack Sures est décoré de la médaille d’honneur lors de l’Exposition internationale de Genève. À la même époque, ses responsabilités administratives à l’Université de Regina se poursuivent. De 1969 à 1971, Jack Sures siège en tant que président du département d’arts visuels. Il embauche également David Gilhooly, céramiste californien, pour diriger le département de céramique.
Art moderniste et « Prairie Funk »
Le leadership administratif et artistique de Jack Sures contribue à la création d’un milieu artistique axé sur l’argile à Regina qui lui vaudra une reconnaissance nationale et internationale. Regina avait déjà attiré l’attention au début des années 1960 grâce à un groupe de peintres abstraits connus sous le nom de Regina Five, composé de Kenneth Lochhead, Arthur McKay, Douglas Morton, Ted Godwin et Ronald Bloore. Ces artistes, dont plusieurs enseignent à l’université à différents moments, sont les premiers artistes contemporains des Prairies à exposer leurs œuvres ensemble au Musée des beaux-arts du Canada. Ils contribuent à asseoir la réputation de la Saskatchewan en tant que centre névralgique pour l’art moderniste avancé (voir L’art moderniste dans les Prairies).
Au bout de quelques années, la renommée des artistes créateurs d’objets en argile en vient à détourner l’attention de l’abstraction moderniste, au profit d’une manifestation régionale propre aux Prairies (en anglais, « Prairie Funk »). Ce genre artistique, enraciné localement du point de vue de sa production et de son attrait, se caractérise par une représentation artisanale de la matière locale traitée et se présente généralement sous une forme fantaisiste, souvent humoristique ou satirique. Évoluent dans ce milieu David Gilhooly, Joe Fafard, Vic Cicansky, Russell Yuristy, Marilyn Levine et David Thauberger, pour ne nommer que ceux-là.
Le groupe compte plus de sculpteurs que d’artistes créateurs de vases. Les œuvres de Jack Sures se démarquent donc du lot, l’artiste continuant de travailler dans ce deuxième format. Néanmoins, il partage la tendance qu’ont ses collègues à exploiter une imagerie humoristique, concevant à l’occasion des motifs à petites formes animales s’entremêlant de façon improbable. Tandis que d’autres membres du groupe de Regina explorent la texture granuleuse de l’argile cuite à basse température, Jack Sures, lui, se concentre plutôt sur les surfaces lisses et émaillées de main d’expert, les décorant souvent de superbes motifs évoquant la calligraphie orientale ou l’ornementation mauresque.
Départ à la retraite
Jack Sures demeure à l’emploi de l’Université de Regina jusqu’à son départ à la retraite en 1998, année où il se voit décerner le titre honorifique de professeur émérite. Il continue à faire de l’art à temps plein.
Œuvres remarquables et expositions
Bon nombre des œuvres de Jack Sures font partie de collections privées et publiques, y compris celles du Saskatchewan Arts Board, d’Affaires extérieures Canada, de la province de la Saskatchewan, de l’Université de la Saskatchewan, de l’Université de Regina, de la Banque d’œuvres d’art du Conseil des Arts du Canada, du Musée des beaux-arts de Montréal et du Musée national hongrois de Pécs. Il crée plusieurs œuvres d’art sur commande, dont des murales pour l’édifice des bureaux provinciaux à Saskatoon et le Musée canadien de l’histoire à Gatineau, ainsi qu’un ensemble de pièces de céramique pour le ministère du Secrétariat d’État et un plancher de terrazzo pour le centre de réadaptation Wascana de Regina.
Distinctions et héritage
Jack Sures reçoit en carrière de nombreux prix soulignant ses réalisations artistiques, y compris le prix Saidye-Bronfman pour l’excellence dans les métiers d’art, qui lui est décerné deux mois avant sa mort. Bien que le nom du prix mentionne les « métiers d’art », Jack Sures se soucie peu, quant à lui, de la distinction que certains font entre artisanat et beaux-arts, affirmant ceci : « J’ai toujours voulu faire les choses à ma façon. En tant qu’artiste, j’ai voulu être réellement créatif dans ma façon de faire, en exprimant ma personnalité et non pas les idées de notre culture ou celles d’autres personnes. »