Albert Gagnon a servi dans la guerre de Corée. Vous pouvez lire et écouter le témoignage d'Albert Gagnon ci-dessous.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Parce qu’on est embarqué tous les trois dans la fameuse bataille du 355 (la bataille de la colline 355 où se distingua le 2e Bataillon du Royal 22e Régiment en Corée, du 22 au 25 novembre 1951). On était tous les trois, Hubert dans le peloton 11, Yvon dans le peloton 12 et moi j’étais dans le peloton 10 (de la compagnie D. M. Albert Gagnon servit avec ses deux frères, Hubert et Yvon). On a subi la grosse bataille du 355. Les Américains se sont sauvés (2nd Battalion, 7th U.S. Infantry Regiment). Ils étaient sur la montagne et ça faisait un fer à cheval de même. On était sur le flanc gauche nous autres, ici. Les Américains, quand ils (les Chinois) ont attaqué, ils n’ont pas été capables de nous défoncer nous autres. Mais ils sont rentrés dans la vallée, il y avait une équerre (une position à contre-flanc) ici, on ne les voyait pas. Ils sont rentrés dans la vallée puis les Américains se sont sauvés. Donc, dans la nuit, ils sont revenus sur nous autres. Ça, ça fait dur pas mal. Ça fait dur. Je pourrais dire des exploits qui se sont passés là, mais ça ne servirait pas à grand-chose. À côté de moi le sergent Lapierre, il a gagné la MM (Military Medal), juste à côté de moi et le lieutenant (Walter) Nash (d’Ottawa) à gagner la DCM (Distinguished Conduct Medal) je pense. On était seulement que trois qui défendaient le derrière du peloton 10. On avait deux mitrailleuses Bren (fusil-mitrailleur britannique). Parce que quand je suis arrivé sur la Vickers (mitrailleuse britannique) j’étais numéro quatre (le servant no. 4). Il y quatre personnes: un, deux, trois, quatre. Le quatrième, il est Bren Gunner lui (mitrailleur sur Bren). C’est lui qui donne la munition au numéro trois et le numéro trois il couvre les (…) puis il donne ça au numéro deux puis lui il feed (alimente) la Vickers. Donc le numéro un s’est fait blesser dans le commencement de la bataille et puis le sergent Lapierre a dit : « Hé! Envoyez-nous du renfort parce qu’on va se faire attaquer par en arrière ». Parce qu’ils (les Chinois) montaient dans la vallée. Ils étaient loin. Ils étaient rendus quasiment sur la montagne. On leur tirait dans le dos. Mais dans la nuit, ils sont revenus sur nous autres, dans la nuit. Là ça fait dur. Là, ce n’était pas beau. Le sergent Lapierre, il pensait que j’étais mort. Ils tiraient avec des tracers , des balles lumineuses (traçantes) eux autres. Ç’a passé juste ici. Puis entre une balle lumineuse puis une autre balle lumineuse, il y a quatre balles. Moi, je suis Bren Gunner. Le sergent Lapierre il pensait que (…), il était à ma gauche. Il pensait que je m’étais fait pogner là. Il dit : « Crime! » Moi, j’étais sur la Bren. J’ai dit : « Je sais où ce qu’il est (l’ennemi). » J’ai dit ça à Lapierre. Il n’a pas re-tiré, moi j’ai tiré à peu près 25 balles dans sa direction. Le lendemain matin, je sors de la tranchée, là c’était tranquille, il était parti. Je suis allé chercher une carabine d’un Chinois qui était mort, puis je l’ai plantée devant moi comme ça, par la baïonnette, ça rentre bien. Puis j’ai dit : « Asteure , viens la chercher! » Le sergent Lapierre il m’a dit, ça faisait 24 heures qu’on n’avait pas dormis, il dit : « Va donc prendre un repas, c’est tranquille, ils sont partis ». Les Américains commençaient à remonter sur la montagne. Il dit : « Va donc prendre un repas en arrière. » Je suis arrivé en arrière au B Echelon (l’Échelon B, la zone arrière du front de bataille) qu’ils appellent, c’est à peu près à huit kilomètres en arrière des lignes. Ils savaient déjà par radio que je m’en allais là. Je suis descendu avec des blessés. J’ai dit : « Qu’est-ce que je viens faire ici moi? » Il dit : « Vas à la petite cuisine qu’il y a là, il y a une tente pour prendre un bon repas. Tu iras te coucher dans un lit plus loin » J’ai dormi à peu près dix ou douze heures. Je suis retourné au bureau, j’ai dit : « Qu’est-ce que je fais ici la moi? » Je voulais avoir des nouvelles de mes deux frères, je ne le savais pas (ce qui leur était arrivé suite à la bataille). C’est pour ça que je suis parti. Sinon j’aurais dit au sergent Lapierre : « Non, non je reste ici ». Je voulais avoir des nouvelles de mes deux frères, c’est pour ça que je suis descendu. Ils ont dit : « Tu veux remonter, tes deux frères sont corrects, ils ne sont pas passés ici, ils ne sont pas blessés, rien. » Je suis remonté à la compagnie C avec le sergent Floris. Le sergent Floris, il m’a dit : « Apparemment, tu connais ça une Vickers? » J’ai dit : « Bien oui, j’ai eu le cours au complet. » C’est parce que les Canadiens, l’équipe du 22 (Royal 22e Régiment), le 2e Bataillon, quand ils sont allés s’entrainer à Fort Lewis aux États-Unis (État de Washington), ils s’entrainaient avec des armes américaines. De la .30 (mitrailleuse américaine Browning M1919 de calibre .30). Puis quand ils sont arrivés en Corée, les Américains ont dit : « On ne vous fournit pas les armes. ». Ils ont dit : « Vous faites partie de l’armée britannique ». Donc, ils leur ont donné des Vickers et ils ne connaissaient pas la Vickers. Puis là mon frère s’est fait tuer, puis l’autre a été gravement blessé. Il s’est fait tuer le 7 juin 1952. Et puis Yvon a été blessé la première fois au mois de janvier (1952) dans le dos, du shrapnel. Et puis par après, il a été blessé en avant, dans la vessie. Il a servi de cobaye tout le temps de sa vie. Il est mort il y a trois ans. Il portait des champlures, des sacs, et toutes sortes d’affaires. À toutes les années, il avait deux ou trois opérations. Ç’a fini que ç’a affecté son sang puis tout le kit (et le reste).