Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
C’était un jour au mois d’août, comme aujourd’hui. C’était un dimanche. Dix heures du matin, le soleil brille, ils m’envoient porter un message et j’en ai apporté beaucoup, c’était ma principale occupation. Ils ne voulaient pas gaspiller plein de temps à envoyer ces messages par radio ou autre parce qu’ils risquaient d’être interceptés, c’était possible. Alors c’était plus sûr avec des gars comme moi, même si les tireurs embusqués aimaient bien nous tirer dessus et voir ce qu’on transportait. Mais en tout cas, alors j’y vais, et je suis sur la route et je découvre, j’ai un message pour la (1ère) division blindée polonaise. J’y vais et j’arrive à, oh, environ 800 mètres du camp, je peux les voir. Et voici que du côté du soleil il y a, oh je dirais dans les huit Messerschmitt (Bf109; avion de chasse allemand), juste sous le soleil, à basse altitude. Pas un seul tir et je regarde : « Hé, il faut que je me barre d’ici » et il y a une haie là-bas. Et je fais juste un bond, je veux dire, je vais me cacher comme un lapin. Donc ils n’ont pas tiré une seule fois, pas un seul coup et ils sont partis. Mais je suis allé voir ces Polonais, ils étaient en état de choc. Il y a des tas de coups de feu tirés maintenant. Peut-être en bas… Donc, bon ça va, ce n’était pas l’endroit où j’étais censé apporter le message, ce n’était pas le bon… Bon d’accord, je dois repartir et voir ce qu’on peut, l’endroit. Je suis sur le chemin du retour, belle journée, une moto Norton, ça roule bien, mais un peu plus de bruit que la normale. Et je tourne, et je regarde au dessus de ma tête et les voilà qui (les Messerschmitt) arrivent, juste derrière moi, tous en formation et en fait à cheval sur la route nationale. Bon, j’ai pensé, vous savez, j’aurais fait une cible parfaite, ils auraient pu en rire et dire : « Regardez quel bon tireur je suis. » Et je ne voulais pas que ça arrive. Alors immédiatement j’ai regardé, et je me dirige juste vers le fossé et voilà la moto qui passe au-dessus et d’un seul bond, j’étais comme un écureuil à cette époque. Et le Bon Dieu m’a peut-être procuré une tranchée, un terrier et cela. Et je suis là-dedans. Et ils n’ont pas tiré à nouveau. Ils s’en vont et je sors, il y a un groupe de Canadiens de l’autre côté de la route, une unité blindée, qui ressemblait à une unité de reconnaissance, je veux dire, ils ont dit : « Tu as été entraîné à faire ça? » J’ai demandé : « Quoi? » Il a dit : « On t’a observé en train de faire ton saut dans ce, et il a dit, c’est la plus jolie manœuvre qu’on n’ait jamais vue et tu dois être bien entraîné. » J’ai dit : « Vous savez quoi, quand il s’agit de me planquer, je ferais n’importe quoi. » Or, pour le reste, ils sont descendus jusqu’à mon quartier général et ils l’ont mitraillé, de l’endroit d’où je venais. Mais ils n’ont jamais, je ne peux pas vous raconter l’histoire, est-ce qu’on les a tous descendus ou quoi, c’est, mais je m’en souviens parfaitement. Parce que je n’aimais pas les avoir au dessus de ma tête comme ça. D’accord, le pont à Nimègue (Pays-Bas). Chaque fois que les Allemands battaient en retraite, ils faisaient sauter les ponts. Ils s’appliquaient à faire ça. C’était un grand pont, je dirais que c’était le Rhin, je connais le fleuve. Et alors ils l’ont traversé, ils avaient tous les trucs électriques prêts pour le faire sauter, mais un gamin était venu et avait séparé les fils. Quand ils ont appuyé dessus, il ne s’est rien passé. Mais ils avaient les Alliés aux trousses alors ils ont dû s’en aller. La ligne est restée stationnaire là-bas pendant à peu près, oh, deux ou trois mois. On était en garnison à environ quatre à cinq kilomètres du pont. Immédiatement, les armées, probablement, plus, je ne, des Canadiens, des Anglais, ils ont mis en place une cinquantaine de canons antiaériens autour du pont, parce qu’ils savent et la ligne est stationnaire, la frontière allemande est à environ douze à quinze kilomètres, je pense, en gros. Et il leur faut ce pont. Et vous savez, c’est stationnaire, ça leur donne beaucoup de temps pour procéder. Et ils ne sont pas idiots. Et alors ils placent un bateau, ils ont trouvé la vitesse du courant dans le fleuve. Il va d’Allemagne en Hollande. Ils ont trouvé la vitesse, à quelle vitesse l’eau coule, ensuite ils trouvent exactement à quelle distance le pont se trouve par rapport au bateau qu’ils vont envoyer. Ils mettent le bateau à l’eau, le remplissent de dynamite et mettent une mèche lente dedans, en se disant : « Bon, jusqu’où peut-on approcher pour l’envoyer sur le fleuve? » Bon, le bateau a fait une centaine de mètres au-delà de notre terrain et a explosé. Bon il a fait sauter le bâtiment, parti sur les côtés de la rivière pour, mais ça n’a pas fait sauter le pont. Trois fois, on les a pris trois fois avec le Génie, qui avait traversé nos lignes et était allé sur le pont avec assez de dynamite pour le faire sauter. Mais à chaque fois, on les a capturés sur le pont. D’accord, ils ne l’ont pas eu, ils l’ont copieusement bombardé. J’ai passé deux ou trois mois à trois kilomètres de là, les lignes stationnaires, qu’est-ce que c’était? La bataille des Ardennes (du 16 décembre 1944 au 25 janvier 1945; une offensive allemande de grande envergure pour traverser les Ardennes en Belgique) On vous a sûrement raconté ça en Belgique, ça se passait au même moment. Alors on ne nous a pas appelés pour ça, on était à seulement 80 kilomètres de là. Et je crois que j’étais avec l’artillerie à ce moment-là. Donc un matin, de bonne heure, une matinée assez brumeuse, je ne sais pas ce que je faisais dehors, mais il était 8 heures ou moins, j’ai entendu un bruit. Et j’ai levé la tête et il y avait un avion qui arrivait juste à la hauteur de la cime des arbres. Il passait sous les radars. Et il avançait à plein régime. Et entre les roues il y avait, je dirais, une bombe qui faisait dans les 450 kilos, peut-être plus, attachée au milieu. Il me paraissait évident que c’était une mission suicide. (L’ennemi pensait) : « On va avoir ce pont, on va perdre le pilote. » Il sait qu’il va y aller, mais il va… Alors pas de tirs antiaériens, rien. Et maintenant il est dans les, oh, à une minute, disons de… et il faut qu’il remonte un petit peu pour faire sa plongée. Ils l’ont fait explosé en plein ciel. Ils l’ont vu à la dernière minute, avec tous ces canons antiaériens, et je dirais à la dernière minute, et ils l’ont réduit en miettes là-haut.