Projet Mémoire

Bruce Wetherall (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Prenez note que les sources primaires du Projet Memoire abordent des temoignages personnels qui refletent les interpretations de l'orateur. Les temoignages ne refletent pas necessairement les opinions du Projet Memoire ou de Historica Canada.

SS Point Pleasant Park
La transcription en français n’est pas disponible en ce moment. Veuillez consulter la transcription en anglais.

Transcription

Le père de mon ami Frank était proche d’un homme nommé Lloyd Spalding, qui dirigeait le conseil scolaire de Hamilton. Frank nous a suggéré de prendre contact avec lui parce qu’il pourrait nous aider. Nous avons pris rendez-vous avec lui et sommes allés le voir. Il nous a malheureusement dit qu’il ne pouvait rien faire pour nous faire entrer dans la marine, mais qu’il pouvait nous faire entrer dans la marine marchande. À l’époque, aucun d’entre nous n’avait idée de ce qu’était la marine marchande.

En novembre 1942, j’ai été affecté au Point Pleasant Park, tandis que Frank a été affecté, si je me souviens bien, au Glacier Park. C’est là que nous nous sommes séparés. Il est parti en Grande-Bretagne et j’ai embarqué sur un navire à destination de l’Afrique du Sud. Aucun d’entre nous ne connaissait sa destination avant de prendre la mer; elle ne nous était révélée que lorsque nous étions déjà en route.

Nous avons donc quitté Montréal [Québec] et descendu le Saint-Laurent. La seule véritable tempête que j’ai connue a eu lieu dans le golfe du Saint-Laurent, au point où nous avons reculé de treize kilomètres. Le navire n’était pas complètement chargé non plus. Comme il était tard et qu’on craignait la glace, on nous a redirigés vers Halifax [Nouvelle-Écosse] pour remplir le navire. Après avoir traversé la tempête, nous avons atteint Halifax, fait le chargement et poursuivi notre route vers l’Afrique du Sud.

Nous nous sommes rendus jusqu’aux Antilles et, lorsque nous sommes arrivés à Port of Spain, à Trinité, il y avait une mission pour les marins [mission chrétienne dans les ports de partout dans le monde destinée aux marins marchands], mais il n’y avait pratiquement aucun marin dans les parages. Apparemment, le convoi qui nous précédait avait été décimé par les sous-marins allemands et tous étaient retournés se recharger. Nous sommes arrivés quelques jours plus tard et n’avons rien vu du tout. Nous sommes restés là pendant deux semaines pour faire le plein, puis nous sommes repartis pour Le Cap [Afrique du Sud], en suivant à peu près la même route que précédemment. Au retour, nous nous sommes rendus à Takoradi, sur la Côte-de-l’Or [aujourd’hui le Ghana] et avons chargé du minerai de manganèse. Nous avons refait le plein à Trinité, puis nous sommes allés à Philadelphie, où nous avons déchargé le minerai. Ce minerai était utilisé pour fabriquer des canons de fusils, car il produisait un acier très résistant.

En décembre [1944], quelques jours avant Noël, quelqu’un du gouvernement canadien (je n’ai jamais pu me rappeler qui, même si j’aurais dû) a annoncé que tous ceux d’entre nous qui étaient intéressés par un cours d’opérateur radio y auraient accès à leurs frais. En échange, ils s’arrangeraient pour que nous ayons un sursis d’appel. Dans la marine marchande, après un voyage complet, il était possible de quitter le navire et d’en rester là. Mais les autorités savaient qu’on n’était plus en service, et on finissait par se faire rappeler dans l’armée.

On a donc eu un sursis et j’ai voulu en profiter. Je n’ai pas fait de troisième voyage, une vraie bénédiction pour moi. J’ai commencé un cours d’opérateur radio à Toronto [Ontario] au Radio College of Canada. Six semaines plus tard, le navire, sur le chemin du retour, a été torpillé au large de la côte ouest de l’Afrique, et dix membres d’équipage sont morts. La plupart d’entre eux se trouvaient dans les quartiers des marins à l’arrière du navire; neuf ont été tués lors de l’explosion initiale et un autre est mort plus tard dans les canots de sauvetage.

Aujourd’hui encore, lorsque je mentionne que j’ai été dans la marine marchande pendant la guerre, les gens me demandent ce que c’est. Beaucoup ne savent toujours pas ce que c’est aujourd’hui. Pourtant, c’est nous qui en avons perdu le plus en pourcentage pendant la guerre.

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