Joseph Léonce Gallant (Source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Joseph Léonce Gallant (Source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Joseph Gallant a servi dans l'armée canadienne pendant la Guerre de Corée. Lisez et écoutez son témoignage ci-dessous.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Léonce Gallant
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Photo prise la première journée de l'arrivée au front en Corée avec le 2e Bataillon du Royal 22e Régiment. À gauche, le soldat R. Roussin; à droite, le lance-caporal Gallant. 21 mai 1951.
Léonce Gallant
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Photo de M. Gallant prise en décembre 1950 lors de son entraînement à Fort Lewis dans l'État de Washington entre novembre 1950 et avril 1951.
Léonce Gallant
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Sur une position en réserve du front, le caporal Gallant (à gauche) et le soldat Bergeron (à droite) Corée, janvier 1952.
Léonce Gallant
J’ai changé aussi. Puis j’étais timide. Par contre, j’ai changé très vite. Je suis devenu assez sévère comme sous-officier pendant toute ma carrière. Puis j’avais une raison pour le faire.

Transcription

Mon nom c’est Joseph Léonce Gallant et je suis né le 10 novembre 1930 à Bouctouche au Nouveau-Brunswick. Le commandant et le commandant adjoint, les commandants de compagnie c’étaient tous des vétérans avec des individus qui avaient vu le combat. Tandis que dans les autres, les commandants de peloton dans la majorité, c’étaient des individus qui n’avaient pas d’expérience de (19)39-(19)45. Quelques-uns oui, mais c’était plutôt des individus qui s’étaient enrôlés ou qui avaient été appelés en 1944 (dans le contexte de la conscription pour le service outre-mer appliquée au Canada à partir de novembre). Mais les officiers, les commandants de compagnie et les commandants des armes de soutien, tel que Forbes (Charles Forbes, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale avec le Régiment de Maisonneuve), ces gars-là ils avaient vu de l’action en (19)39-(19)45.

La majorité des commandants de peloton c’étaient des individus. C’était des jeunes hommes sans expérience de (19)39-(19)45. Comme je dis, il y a quelques-uns d’eux autres qui avaient eu, comme mon comandant de peloton, un nommé Labrecque, lui, il s’était enrôlé en (19)44, (19)43-(19)44. Il avait un couple de médailles. Mais surtout la Médaille de volontaire (Médaille canadienne du volontaire) et la Médaille de la Guerre (19)39-(19)45. Lui il m’a réellement impressionné ce gars-là, parce que naturellement c’était un leader. C’était un comandant, il commandait. Naturellement aussi il était raide, il fallait qu’il soit raide parce que naturellement, il y avait beaucoup d’individus… parce que naturellement encore…. Faut réaliser une chose, l’infanterie à cette époque-là naturellement, on n’avait rien d’autre à faire que de shooter (tirer) des poignées de porte puis faire de la drill (exercices) puis on n’avait pas d’équipement comme tel. Puis dans les années (19)50, aussi naturellement, si je compare aujourd’hui avec ces années-là, la comparaison est totalement différente. Aujourd’hui, la section que moi j’ai commandée en Corée, la section 2 du peloton 2 de la compagnie A, naturellement, comme arme j’avais un Bren (fusil-mitrailleur léger britannique Bren), une Sten (pistolet-mitrailleur britannique Sten) puis le reste c’était des .303 (carabine britannique Lee-Enfield No. 4 Mk. 1 de calibre .303).

Aujourd’hui ils sont un LAV3 (Véhicule blindé léger III, le principal véhicule d’infanterie actuellement en service dans l’Armée canadienne), vous savez, ils ont des ordinateurs. Y’a un paquet de choses. Mais lorsque la même... Puis là en (19)53 en Allemagne (avec la force d’occupation de l’armée canadienne), j’étais sergent de peloton, mais on n’avait pas de rien autre que de l’exercice militaire que de la drill et des route march (marches forcées) pour s’occuper dans les quartiers, pour les tenir occupés, sans ça on les perdait. Fallait qu’il soit dur sans ça on les perdait.

Un autre aspect de ça aussi, c’est qu’on a été entraîné avec l’expérience de la guerre en Europe puis on allait en Asie dans les montagnes. C’était totalement différent. Ceux qui nous commandaient, l’expérience qu’ils avaient eue, c’était durant la guerre (19)39-(19)45, La guerre (19)39-(19)45 ce n’était pas la même chose que la Corée. Puis la seule expérience qu’eux avaient, c’était ce qu’ils avaient appris en Angleterre pendant trois, quatre ans avant le débarquement en Europe ou en Italie. Puis ce n’était pas la même chose.

Au mois de juillet (1951), moi j’étais dans la compagnie A. On a eu une attaque. Naturellement, on a perdu un officier, Carrier (le lieutenant J. L. R. Carrier, mort le 20 juillet 1951). On a perdu Ben Poirier (le caporal J. H. B. Poirier, mort le 20 juillet 1951) qui s’est fait pogner avec un outpost (poste avancé). Naturellement il y a ça. Puis c’était, y’a aussi peut-être le mois de novembre, naturellement ça a été le 21 novembre au matin (la bataille de la colline 355). Ça a été là que ça a été la plus grosse expérience en fait qu’on a eu au point de vue du contact avec l’ennemi. Moi j’étais encore commandant adjoint d’une section et j’étais le dernier trou de la compagnie A qui faisait entre la compagnie D et la compagnie A. La compagnie D était sur la montagne entre la (colline) 227 et la (colline) 355. Et puis naturellement il y avait une trail (sentier) qui descendait. Et lorsqu’il arrivait au bas de la trail il y avait une petite route qui allait vers l’arrière. Et moi j’étais dans le premier trou là. Ce qui veut dire que tout le trafic qui a passé naturellement, il passait par chez nous.

Tout d’abord, la première chose, c’est le son du clairon qui naturellement, parce qu’eux autres ils faisaient ça, une attaque ou quelque chose, c’était tout par clairon. Je me rappelle en 1985 en exercice à Wainwright (Alberta). À Wainwright, (…) on est allé avec le commandant de l’armée. J’étais adjudant-chef de la Force mobile à cette époque-là. Puis on a été un matin voir une attaque faite par le PPCLI (Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, un régiment d’infanterie de l’armée régulière du Canada). Eux autres faisaient ça aussi avec le clairon. Ils ont sonné le clairon et puis et tabaslac ! Ça m’a figé. Le commandant m’a dit : « Qu’est ce qui a ? » J’ai dit : « Criss! Ça me rappelle des caliques de souvenirs. » Non, c’était en fait, c’était ben ben du shelling (bombardement d’artillerie), ben des morts, c’était énervant.

En fait nous, on n’a pas eu. Mais là, je ne m’en rappelle pas. Y’en a peut-être eu une couple. Je pense que le peloton 1 ou 2, pas 2, mais 1 ou 3. Il y a eu une couple de morts dus au shelling. Mais on n’a pas eu de Chinois comme tels qui nous ont attaqués. Parce que naturellement, tout se passait sur, en haut de la montagne entre la 227 et la 355. Y’avait sur le côté gauche, il y avait chose, le lieutenant (Raymond) MacDuff qui était là. MacDuff, oui, et Coté (le lieutenant Mario Côté) était au centre, mais c’est eux autres qui ont mangé la claque. Et là, naturellement, nous et moi j’ai vécu le trafic qui passait chez nous, les morts et tout ça naturellement. Le contrôle de tout ça, parce que c’était moi qui était le dernier trou. C’était, mais on n’a pas eu de morts comme tels dans ma section ou dans mon peloton.

Je pense qu’on était entraîné pour ça. Tout d’abord, on était jeune, première des choses. Deuxième des choses, y’a aussi, naturellement, l’aspect que c’est qu’on ne peut pas démontrer non plus à notre copain vous savez. On était bien entraîné pour ça, y’avait pas de problèmes. Lorsqu’on a des responsabilités, comme commandant de section, moi j’étais commandant de section, à un moment donné j’ai agi comme sergent de peloton. Le sergent de peloton s’est fait blesser. J’ai été même commandant de peloton. Ben lorsqu’on a des responsabilités, on pense différemment parce que naturellement il faut commander. Par contre après, quand c’est terminé, c’est là peut-être qu’on est tout seul ou qu’on se repose, mais définitivement le fait qu’on a des responsabilités, je pense que ça nous aide à passer au travers de bien des choses. Moi, personnellement, ça m’a changé beaucoup, simplement parce que j’étais... On ne comprend pas ça dans ma famille, comment j’ai pu changer. J’ai changé aussi. Puis j’étais timide. Par contre, j’ai changé très vite. Je suis devenu assez sévère comme sous-officier pendant toute ma carrière. Puis j’avais une raison pour le faire.