Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
« Nous avons mis de l’argent de côté sur notre solde pour acheter des tablettes de chocolat, des cigarettes, de la dinde aussi et d’autres plats, puis nous les avons tous bien nourris. »
Transcription
Et bien, je suis né ici à Restigouche (Listuguj, Nouveau Brunswick). Je suis né le 22 août 1924 et je suis resté dans la région du Restigouche toute ma vie et… Bon, ma mère ne savait pas (que je m’étais engagé dans l’armée) jusqu’à ce que je lui dise. Elle n’aimait pas ça mais mon père avait fait la Première Guerre mondiale alors ça lui était égal, après ça elle a dit, d’accord. Alors on est partis et on a débarqué (en France), on s’est éparpillés au bord du champ et ensuite on a eu nos repas là, on a pris le petit-déjeuner là, tout était tranquille, pas d’avion qui soit venus nous bombarder. On avait des haies qui nous entouraient tout le temps, au cas où les allemands viennent pour mitrailler ou quelque chose comme ça, alors ils étaient prêts pour nous. Je veux dire, les avions l’étaient, au cas où il se passe quelque chose.
Alors après qu’on ait pris le petit-déjeuner et tout, ils nous ont dit ce qu’on allait faire maintenant, il a dit, il faut que vous enterriez les morts, ils étaient étendus là depuis un mois. Et bon sang, tout le monde a levé la tête et, enterrer les morts ? Les allemands.
Alors on les a tous jetés là, le bulldozer est venu cet après-midi là, les a recouvert entièrement… Donc voilà ce qu’on a fait disons le premier jour où j’étais là-bas. À deux ou trois kilomètres à l’arrière, juste au cas où on nous aurait bombardés ou quelque chose comme ça, parce que c’était déjà arrivé. C’est comme ça qu’ils ont bombardé les polonais, l’armée canadienne, les allemands ont dû bien se moquer de nous cette fois-là, et ils ne voulaient pas que ça arrive encore une fois (les troupes canadiennes et polonaises ont été bombardées par erreur par l’aviation alliée le 14 août 1944.) Alors, pour que nous on soit en sécurité, on a attendu jusqu’à ce que ce sergent vienne, il dit, on va attendre jusqu’à ce que le jour se lève, la lumière du jour, on pourra voir, tant qu’ils ne nous tirent pas dessus, on ne réplique pas. Alors d’accord. Alors le jour vient juste de se lever, il y avait ces deux allemands qui arrivent avec un drapeau. Camarade, camarade, vous savez, il dit, on se rend. Donc, (on a dit) dites à vos amis de se montrer eux aussi et tout ça, vous n’allez pas leur tirer dessus et tout ça. Alors j’ai trouvé un allemand qui parlait bien anglais.
Bon en tout cas, ce qui s’est passé c’est qu’on a eu deux, un, cinquante allemands qui sortent de partout, de par là-bas, dans les champs. Alors ce qu’on a fait, on les a fouillés et on n’avait pas de voiture pour les ramener, vous leur dites juste de prendre la route ici pour retourner et qu’ils vont venir vous chercher…quelque part par là-bas dans le fond.
Ils ont trouvé un endroit avec un petit ruisseau là-bas… comme ça ils pouvaient installer des douches et tout ça. Alors on a pris des douches, on a eu des uniformes fraichement nettoyés et tout et c’était en, la dernière partie du mois d’août (1944) à ce moment-là. Alors on était plutôt sale la plupart du temps en tout cas à ce moment-là mais ils disaient, on se sent mieux quand on est propre, on s’est nettoyés entièrement parce que la plupart du temps, vous vous lavez juste la figure avec de l’eau froide et tout et quelquefois les mains.
Bon, ça vous inquiète un peu, mais pas tant que ça. Vous y pensez tout le temps parce que vous êtes sous pression tout le temps. Vous, si vous vous faites du mauvais sang à propos de trucs, et en fait en pensant à quelque chose, vous allez oublier, vous savez ? Comme c’est présent en permanence, alors votre pression, votre esprit est en éveil, vous êtes sur les nerfs tout le temps. Pas de repos du tout. Le seul moment où vous vous reposez, quelque chose se passe et tout à coup, vous vous retrouvez apeuré mais vous en revenez, vous dites, ça va passer, je vais surmonter ça, vous savez. Ce n’est pas moi ou quelqu’un d’autre, vous savez, mais quand même, si vous avez les nerfs solides, c’était très important. Mais certains, si vous n’aviez pas ça, ça les rendait fous. C’est ce qui arrive quand vous avez les nerfs fragiles. Parce que comme dit notre sergent, il nous a raconté une histoire comme quoi pendant deux semaines il s’est fait du souci à notre sujet, ce qu’il fallait pas faire en pensant comment il faisait vous savez, et faire attention à tout, vous savez. Ça tournait plus rond dans sa tête vous savez. On a rapporté ça et ils l’ont fait partir.
À huit kilomètres à l’est de Nimègue (Hollande), il y avait seulement un village, du nom de Hernen. Il doit y avoir une centaine de personnes dedans, un tout petit village. Donc c’est là qu’on a passé l’hiver jusqu’en février (1945). Alors on a fait une fête de Noël là-bas avec les gens du coin. On a économisé de l’argent, on a pris de l’argent sur nos soldes et acheté des barres de chocolat et des cigarettes et des dindes et ce genre de dîners, on leur a donné à tous un bon repas, tout le monde a eu un bon repas, les enfants là-bas, quelques enfants, juste des femmes là-bas et des dames âgées, des vieillards. On avait une grande grange là-bas pour installer une cuisine et tout ça et tous les soldats canadiens ont fait ça. Quelque soit l’endroit où ils se trouvaient, ils ont fait une fête avec les hollandais.
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