Leonard “Scotty” Wells (Source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

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Leonard “Scotty” Wells (Source primaire)

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Dr Cyr est sorti; il venait de finir d’opérer un de ces gars. Et vous pouviez, il était dégoulinant de sueur. Vous pouviez voir, je veux dire évidemment, la pression dont il était l’objet était incroyable.


"Dr Cyr est sorti; il venait de finir d’opérer un de ces gars. Et vous pouviez, il était dégoulinant de sueur. Vous pouviez voir, je veux dire évidemment, la pression dont il était l’objet était incroyable. "

Transcription

On travaillait avec la Marine de la République de Corée, et ils étaient sur des petits bateaux, avec une trentaine de personnes à bord, ou une vingtaine, il y en avait c’étaient des jonques, certaines avaient des moteurs. Et ils occupaient une grande partie des îles situées derrière les lignes ennemies, et ils continuaient à garder ces îles. Alors notre bulot c’était d’aider ces gens. Et on y allait et si on avait un excédent de provisions on leur envoyait à terre parce qu’ils nous avaient envoyé un message pour nous dire qu’ils manquaient de provisions ou qu’ils n’avaient plus de riz ou autre chose. Alors on leur donnait ce qu’on pouvait. Et les guérilléros [sud-coréens] faisaient sans arrêt des raids sur le continent. Et alors ils nous appelaient pour les appuyer militairement. Et ils y allaient, une trentaine de gars à peu près, et ils faisaient un raid sur le continent et volaient tout ce qu’ils pouvaient, des légumes verts, n’importe quoi. Et ils rapportaient tout ça pour leur consommation. Et on les soutenait avec des tirs navals en quantité pendant ce temps. Ils nous appelaient tout simplement – en général ils avaient un signaleur ou un opérateur avec eux, qui parlait suffisamment anglais, ils disaient « D’accord lance un obus, ça et ça », ou « Ceci et cela », et on le faisait.

Ils avaient des petits walkie-talkies; c’était un truc TBS comme on disait. Mais ils n’étaient pas très – pas comme aujourd’hui. Ils n’étaient pas précis. Vous savez, ils marchaient la moitié du temps et le reste du temps ils ne marchaient pas. En général aussi on avait un interprète coréen qui – d’ordinaire il s’agissait d’un officier de ce bateau, quand ils conduisaient une grande opération ils en avaient toujours un sur le bateau. Donc il se tenait là debout à côté des signaleurs. Donc c’était retransmis et ça marchait vraiment bien.

Si quelque part, je savais le nombre d’obus qu’on utilisait, et c’était bien plus de 10 000 obus oranges. Et ils ripostaient très souvent avec des armes légères, les petits canons qu’ils avaient. Ils n’étaient pas très précis en général. Mais une fois on était à, il y avait une péninsule qui s’appelait la Péninsule de Am gap. Et on était allé là-bas de nombreuses fois avant de ravitailler, parce qu’il y avait quelques îles adjacentes, et on envoyait nos bateaux de la marine, des petites embarcations, là-bas avec de la nourriture et parfois quelques munitions, enfin tout ce qu’on pouvait leur donner. Et on s’est approchés ce jour-là. Parce qu’on nous avait prévenus le jour précédent que les canons avaient ouvert le feu sur un autre navire, alors on allait détruire ces canons. Donc on s’est approchés de là, on a descendu l’ancre – je ne sais pas pourquoi – et c’était lors du second voyage là-bas, on avait le Commandant (James) Plomer, c’était notre capitaine

En tout cas, on était juste là à attendre, le bateau était, ils allaient apporter quelques trucs aux guérilléros là-bas, et soudainement, deux obus sont tombés et un immense geyser d’eau a jailli et tout le monde s’est retrouvé trempé sur la plage arrière. Et très vite, deux de plus sont arrivés à côté de nous. Or on avait jeté l’ancre, donc au lieu de la relever ils l’ont laissé filer. Et vous pouvez donner un coup sur la chaine et, on a laissé filer l’ancre. Il a fallu qu’on revienne pour la récupérer quelques jours plus tard. Et on s’est tirés de là. Et à peine on était repartis que juste à l’endroit où on se trouvait il y a eu de grosses explosions d’obus. Si ça nous avait touchés, on aurait sans doute sauté. Vous savez.

En tout cas, on y est retournés et puis on a appelé l’armée de l’air – les avions sur les porte-avions. Et ils ont arrosé toute l’île au napalm, ils ont allumé l’incendie. Je veux dire que ces bombes au napalm, quand elles frappent, je veux dire tout ce que vous voyez c’est du feu partout. Incroyable. La chaleur. Mais cependant, quelques jours plus tard, ça n’avait manifestement pas fait de tort, parce qu’ils continuaient à tirer sur les gens. Leurs armes étaient cachées dans des grottes, elles étaient sur rails. Alors ils les faisaient rouler jusqu’à l’extérieur, tiraient, et les ramenaient à l’intérieur. Vous ne pouviez pas les détruire.

Cyr était… C’était un officier, c’était un gars petit et trapu en quelque sorte. Pas beaucoup d’officiers venaient dans les postes d’équipage des matelots de rangs inférieurs comme nous, mais lui il descendait souvent dans le poste de communications ou dans les postes d’équipage pour vous parler. C’était vraiment un gars charmant. Et alors que les autres officiers étaient anglais dans l’ensemble, vous savez, ils ne fréquentaient pas les gens des ponts inférieurs. Mais lui, il était différent. Et il m’a fait des piqûres, on n’avait toujours des vaccins à faire pour une chose ou l’autre. Et lui et son aide infirmier « tiffy »,  c’était son assistant.  Hoss – comment s’appelait-il? Hodge.

Oui, en tout cas, il a fait… Il était peu soigneux en un sens on pourrait dire, mais très gentil. Et quand un B-29* est tombé sur une île pas très loin de l’endroit où on patrouillait, alors on nous a donné l’ordre d’aller à terre pour, et on a pris, les gens du bateau l’ont amené à terre pour aider les aviateurs blessés. Il a fait ça.

Mais côté guérilla la principale activité, on était au milieu d’un très gros raid un jour, et on leur assurait l’appui feu, et je pense qu’il n’y avait pas d’autre navire là-bas, à l’exception de la Marine de la République de Corée. Et quelques gars s’étaient fait tirer dessus, et trois ou quatre d’entre eux ont été rapatriés sur notre bateau, ce qui était normal. Ils étaient grièvement blessés, et je m’en souviens comme si c’était hier. On m’avait fait venir du pont pour quelque chose, et il y avait trois ou quatre civières entreposées à l’extérieur de la cabine du capitaine. Et Dr Cyr est sorti; il venait de finir d’opérer un de ces gars. Et vous pouviez, il était dégoulinant de sueur. Vous pouviez voir, je veux dire évidemment, la pression dont il était l’objet était incroyable. Mais il dégoulinait juste de sueur, et d’après tous les rapports il a sauvé la vie de ces hommes en fait. Il avait, il avait extrait une balle près du cœur de l’un des gars et il a fait ça uniquement à partir de, je dirais qu’il avait sans doute quelques connaissances médicales parce qu’il travaillait à l’hôpital d’Halifax à Stadacona (la Nouvelle-Écosse) avant de partir.

Et il avait aussi arraché une dent au capitaine une nuit, il avait une dent de sagesse qui le faisait vraiment souffrir. C’était juste avant cette action-là, mais le capitaine avait dit qu’il fallait qu’on lui arrache cette dent. Cyr a lu un bouquin sur la dentisterie. Le lendemain matin, il a arraché la dent du capitaine. Et il a dit que c’était le meilleur boulot jamais pratiqué sur lui.

Et en tout cas, quand Cyr, quand on a reçu le message, c’était mon, mon ami faisait du décodage, c’était un spécialiste des communications, il a décodé le message disant que Cyr était probablement un imposteur. Le message a été apporté au capitaine, et le capitaine a dit qu’il n’y croyait pas, que ce n’était pas possible. Alors je suppose qu’il a appelé Cyr et Cyr n’a pas nié alors, qu’il était un imposteur, qu’il n’était pas médecin. Alors on ne l’a revu que deux jours plus tard. On était, je crois que c’était le Ceylon, c’était un croiseur britannique, on s’est placés le long du Ceylon, et on l’a déplacé en civière. Parce qu’il avait pris des barbituriques, et ensuite il a été ramené à Tokyo, je pense, et renvoyé au Canada en avion. Et puis réformé.

On était très au nord du 38e parallèle (qui sépare les deux Corées), et on nous avait donné l’ordre de laisser deux hommes sur une île derrière les lignes ennemies pour compter les bateaux. Donc moi comme signaleur et Petersen, un autre gars de la marine, on nous a envoyés dans la matinée dans le bateau qui nous a laissé sur cette île. Et on était morts de peur. Ils n’étaient pas certains s’il y avait ou non des gens là-bas. Comme armes on avait, moi j’avais un révolver. Ça fait cinq balles. Je ne sais pas pourquoi cinq, mais il n’avait que cinq balles. Et il avait un fusil Lee Enfield (N°4 Mk 1) avec une lame de cartouches. C’était tout ce qu’on avait comme munitions.

On nous a emmenés, débarqués sur cette île; et on a grimpé le plus haut possible parce qu’on avait un, j’avais un truc du genre talkie-walkie pour communiquer. Et on nous a laissés là toute la journée. Bon, on ne savait pas, on n’a pas fait le tour de l’île, je vous dirais, on est restés cachés autant qu’on a pu. Et je crois qu’on a dénombré une demi-douzaine de jonques qui passaient par là, et je ne sais pas ce qui était en rapport avec ça. Et le NCSM Cayuga est remonté beaucoup plus au nord, a tiré quelques tirs d’appui ou quelque chose comme ça, et ensuite ils nous ont récupérés sur le chemin du retour. Ce fut probablement l’expérience la plus difficile nerveusement qu’on ait traversée.

On avait mes jumelles et on ne lâchait pas des yeux l’île et le continent, un œil sur chaque. Parce qu’il y avait beaucoup de remue-ménage; vous ne saviez pas s’ils étaient… si les jonques étaient de sortie pour poser des mines ou bien… ils passaient beaucoup de temps à faire ça. C’était un endroit dangereux en quelque sorte.

*Super forteresse B-29, un bombardier lourd américain quadrimoteur

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