Project Mémoire

Patricia « Pat » Collins (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

« Je me souviens en particulier de l’horreur des premières photos de l’infâme camp de concentration nazi à Bergen-Belsen. »

Pour le témoignage complet de Mme Collins, veuillez consulter en bas.


Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Patricia Collins (née Holden) était l’une des trois photographes de presse travaillant pour le Département des Relations Publiques du Licoln’s Inn Fields à Londres en Angleterre, 1944.
Patricia Collins (née Holden) était l’une des trois photographes de presse travaillant pour le Département des Relations Publiques du Licoln’s Inn Fields à Londres en Angleterre, 1944.
Avec la permission de Pat Collins
Patricia Collins (née Holden) a photographié le Général Dwight Eisenhower alors que le Chef d'état-major de la Force aérienne, Robert Leckie, lui présentait un drapeau à l’Ambassade des Etats-Unis à Londres en Angleterre en 1945. Eisenhower déclara que c’
Patricia Collins (née Holden) a photographié le Général Dwight Eisenhower alors que le Chef d'état-major de la Force aérienne, Robert Leckie, lui présentait un drapeau à l’Ambassade des Etats-Unis à Londres en Angleterre en 1945. Eisenhower déclara que c’
Avec la permission de Pat Collins
Patricia Collins (née Holden) dans l’Uniforme original de la Division Féminine avant que les képis ne soient changés. Photo prise à Rockcliffe, Ontario, 1942.
Patricia Collins (née Holden) dans l’Uniforme original de la Division Féminine avant que les képis ne soient changés. Photo prise à Rockcliffe, Ontario, 1942.
Avec la permission de Pat Collins
Patricia Collins (née Holden) se reposant après avoir nettoyé la chambre noire.
Patricia Collins (née Holden) se reposant après avoir nettoyé la chambre noire.
Avec la permission de Pat Collins
Patricia Collins (née Holden) à gauche et ses collègues de la Division Féminine posant avec leur supérieur ; le Sergent Morelli.
Patricia Collins (née Holden) à gauche et ses collègues de la Division Féminine posant avec leur supérieur ; le Sergent Morelli.
Avec la permission de Pat Collins
Je me souviens en particulier de l’horreur des premières photos de l’infâme camp de concentration nazi à Bergen-Belsen.

Transcription

J’avais été évacuée d’Angleterre avec ma mère et mon frère, qui avait deux ans et demi. J’avais moins de 16 ans quand je suis venue. Et la vie n’était pas facile du tout pour les gens qui venaient d’Angleterre parce qu’ils ne pouvaient pas apporter plus de 40 dollars et ma mère a découvert ça, et elle ne pouvait tout simplement pas s’y faire. Alors elle est repartie mais heureusement on avait un ami à Winnipeg qui s’est arrangé pour que mon frère aille vivre chez Mitchell Sharp, qui plus tard est devenu ministre des finances ; et moi j’ai été hébergée par un très gentil couple de gens âgés à Winnipeg.

Mon frère était à Ottawa et moi j’étais seule, et je ressentais le besoin d’être indépendante. Un jour, en passant devant le centre de recrutement aves des amies, nous sommes entrées et aucune de nous n’avait l’âge, mais heureusement, j’étais la dernière à qui ils ont demandé son âge, alors je me suis vieillie de deux ans. Je suis sûre qu’ils soupçonnaient quelque chose d’autre. Mais en tout cas, on m’a ensuite appelée pour la visite médicale. Je leur ai dit que j’étais née à Guernesey parce que je savais qu’ils ne pourraient pas obtenir d’acte de naissance car Guernesey était occupée par les nazis à ce moment-là.

Alors je m’en suis bien sortie et j’ai prêté serment. En tout cas, quelqu’un est venu et a demandé si quelqu’un était intéressé par la photographie. Et j’ai pensé, que ça paraissait très intéressant. Je n’avais pas la moindre idée du fait que ça conduisait à faire une formation en photographie. Après l’expérience au dépôt des effectifs, j’ai été une des six filles qui ont été envoyées à Ottawa pour la formation. Ça me convenait très bien parce que mon frère était là-bas ; et j’ai suivi, je suis restée bouche cousue et n’ai pas mentionné que je n’y connaissais rien en photo. Mais j’avais été dans une chambre noire avec des gens qui le mettaient simplement dans l’eau (le papier photo) et il en ressortait une photo. Et c’était là toute mon expérience en photo. Quoiqu’il en soit, les cours ne commençaient que six semaines plus tard et pendant ce temps, on m’a seulement demandé de ne rien dire et d’en apprendre le plus long possible.

Comme j’étais dans une base avec une majorité d’anglais à Fort Saskatchewan, c’était une base d’entrainement du Plan du Commonwealth, j’ai mis mon uniforme de Grande Bretagne. Et un jour alors que j’étais à Winnipeg, un officier supérieur s’est approché et a dit, je serais curieux de savoir, vous portez un uniforme canadien, mais avec des insignes anglais sur les épaules. Donc, je lui ai raconté mon histoire et il a dit, bon, vous n’avez pas le droit de faire ça, seulement au cas où vous êtes affectée à l’extérieur de la Grande Bretagne vous pouvez porter ça. Alors il m’a dénoncée à une femme officier à Winnipeg ; et elle m’a fait venir et elle a dit, elle a compris l’histoire, et je lui ai racontée. Elle a dit, bon, vous devez enlever les insignes de la Grande Bretagne. Mais, a-t-elle dit, je me demande si ça vous dirait de mettre les épaulettes du Canada, on a une affectation outre-mer pour un photographe et pensez-vous que vos parents seraient très ennuyés si on vous renvoyait en Angleterre ? Et j’ai répondu, non pas du tout. J’étais là surtout pour m’occuper de mon petit frère et ce n’était pas ce qui se passait. Alors j’ai eu l’affectation outre-mer, d’une manière complètement accidentelle. Et ce fichu officier supérieur, il ne saura jamais à quel point il m’a fait une faveur en me dénonçant. Donc c’est comme ça que j’ai été envoyée outre-mer.

Pendant que j’étais à Londres, nos fonctions dans et autour de Londres, c’était surtout des mariages, des funérailles et des investitures et nominations. Les mariages c’était des événements heureux, les funérailles de jeunes pilotes le plus souvent ou membres d’équipages c’était toujours émouvant au moment de la salve d’adieu tirée au fusil. Les investitures au Palais de Buckingham étaient intéressantes et hautes en couleur, et quand les aviateurs canadiens recevaient comme distinction une décoration de la main d’un des membres de la famille royale. On travaillait aussi dans la chambre noire ce qui pouvait être intéressant, en particulier après l’invasion de Normandie quand on développait les prises de vues faites à proximité des combats sur le continent. Je me souviens en particulier de l’horreur des premières photos de l’infâme camp de concentration nazi à Bergen-Belsen.

Bon, le fait est, quand vous développez une photo, vous devez savoir ce que vous êtes en train de développer, de quoi il s’agit sur la photo. Et je la tournais et la retournais dans tous les sens, et j’ai pensé, bon sang mais qu’est-ce que c’est que ça ? Et il y avait juste des montagnes et des montagnes de cadavres empilés les uns sur les autres qui avaient été photographiés dans des fosses à ciel ouvert. Et l’odeur que j’ai perçue de la légende qui était dessus, qu’il avait envoyée, c’était tout simplement inimaginable. Il a dit que c’était ainsi. Vous pouviez sentir ça à des kilomètres de là. Et comme je l’ai dit, vous ne pouviez pas arriver à y croire, je suis rentrée chez moi ce matin-là et j’ai réveillé mes parents et j’ai dit, mon Dieu, vous savez. En fait ils, parce qu’ils étaient dans la censure, ils étaient au courant de ça, mais ils ne pouvaient rien dire. Mais quand je leur en ai parlé, ils ont répondu qu’il y avait eu des bruits qui avaient couru. On n’avait pas de preuves, mais ça c’était la première preuve qu’ils avaient mutilé et simplement jeté tous ces gens dans d’immenses fosses. C’était horrible. Je n’oublierai jamais.

Le fait est que, je n’ai pas fait ces photos. Je les ai seulement développées, alors c’était proprement inimaginable. Je veux dire, mais le garçon qui les a prises, je pense qu’il n’a jamais dû pouvoir s’en remettre. Non. Le seul se dérobait sous vos pieds à la vue de ces photos. C’était impossible à imaginer. Et, bien sûr, c’est là qu’on a été mis en présence des camps et des chambres à gaz