Robert Mons Guy (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Robert Mons Guy (source primaire)

« Et je savais que j’avais tué la plupart de ces jeunes soldats au moment où ils sont venus à notre rencontre. Et ça semble être resté gravé dans ma mémoire, leurs visages. »

Pour le témoignage complet de M. Guy, veuillez consulter en bas.


Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Ailes du régiment des parachutistes, 1942.
Ailes du régiment des parachutistes, 1942.
Avec la permission de Robert Guy
Parachutistes en entrainement à l'aérodrome Ringway, Manchester, Angleterre, 1941.
Parachutistes en entrainement à l'aérodrome Ringway, Manchester, Angleterre, 1941.
Avec la permission de Robert Guy
Médailles de Robert Guy (de gauche à droite): 1939-45 Star; Africa Star; Italy Star; France and Germany Star; Médaille de la Défense; Médaille de guerre 1939-45.
Médailles de Robert Guy (de gauche à droite): 1939-45 Star; Africa Star; Italy Star; France and Germany Star; Médaille de la Défense; Médaille de guerre 1939-45.
Avec la permission de Robert Guy
Sergent Robert Guy, Afrique du Nord, 1943.
Sergent Robert Guy, Afrique du Nord, 1943.
Avec la permission de Robert Guy
Robert Guy, 2001.
Robert Guy, 2001.
Avec la permission de Robert Guy

Transcription

La guerre avait commencé en septembre 1939 et j’ai rejoint l’armée en décembre, juste avant Noël de cette année-là. Décembre 1939. Oh, l’entraînement était très bien parce que je l’ai fait dans le 1er régiment des Royal Fusiliers de la ville de Londres, et j’ai reçu une très bonne formation là-bas. Et ils demandaient, dans les journaux, ils demandaient des volontaires pour faire partie des commandos en partance pour la Norvège, parce que l’armée allemande était en train de prendre le dessus à grand pas en Norvège. Alors je me suis engagé dans les commandos et on nous a débarqués d’un petit tramp. On m’a déposé avec d’autres commandos dans un endroit qui s’appelait Trondheim. C’est juste au nord de Bergen, au nord de la ville.

Je suis retourné en Ecosse et quand je suis arrivé en Ecosse, ils parlaient de démanteler les commandos et d’en faire, et bien on était de petites unités et ils voulaient en former des plus grandes, et c’est ce qu’ils ont fait. Et on était le commando n°2 et puis je suis retourné dans mon ancienne unité, les Royal Fusiliers et je n’y avait pas passé deux mois, j’y étais depuis deux mois quand ils ont annoncé dans les journaux une fois encore, que Winston Churchill voulait 5000 parachutistes qui devraient suivre un entraînement éclair. Alors je me suis porté volontaire pour faire partie du régiment de parachutistes. Et j’avais suivi la formation, étais devenu parachutiste et je suis resté dans le régiment des parachutistes pendant toute la guerre jusqu’à ce qu’on me rendre à la vie civile en 1946.

Très dur. Et c’était tellement dur que, un grand nombre de soldats qui s’étaient portés volontaires abandonnaient, beaucoup d’entre eux ont abandonné. Et après ça ce que l’armée a décidé de faire, ils ont décidé, qu’ils ne renverrait pas les soldats tout simplement dans leurs unités quand ils voulaient abandonner mais ils les ont mis en accusation. Il les accusaient de lâcheté devant l’ennemi et les mettaient au milieu du bataillon tout entier pendant l’exercice et ils leur faisaient honte là. Et ensuite ils les renvoyaient dans leurs unités. Terrible.

Je n’aimais pas parler de ça. Et, à cause des choses qui se sont passées. Et aussi parce que je faisais des cauchemars, jusqu’à il y a quelques années, quand je m’en suis finalement débarrassé. Non pas que j’ai eu de l’aide avec ça mais ma femme avait l’habitude de me réveiller la nuit parce que je hurlais et je transpirais. Et puis, et puis je rêvais beaucoup et ce que, ce que j’avais dans la tête pour beaucoup c’était de pouvoir voir le visage des jeunes soldats allemands que j’avais tués, et particulièrement ceux que j’avais tués en Norvège quand on leur tendait des embuscades la première fois qu’on est allé là-bas à Trondheim ou juste au nord de Trondheim. Et notre boulot dans les commandos, on était aux avants postes pour savoir d’où l’armée allemande venait. Et sur les routes qu’ils empruntaient on se mettaient en position, on dressait des embuscades et on les tuait.

On tuait le premier, celui qu’ils appelaient l’éclaireur celui qui se présentait au détour du chemin et l’armée britannique à un moment quand on avait commencé notre entraînement, ils envoyaient deux éclaireurs en avant et le premier, quand il repérait l’ennemi, levait son fusil en l’air et le deuxième le regardait et levait son fusil et le groupe s’arrêtait et se mettait dans des positions de défense. Bon, c’est ce que l’armée allemande faisait aussi pendant la première partie de la guerre, autant que je sache. Et on laissait passer les deux éclaireurs, parce que deux éclaireurs ça ne pouvaient pas vraiment nous faire de mal comparé avec le gros de la troupe.

Alors on laissait passer les deux éclaireurs et on les capturait ensuite et l’armée allemande savait ça. Donc la première fois que j’ai monté une embuscade et tué un jeune soldat allemand c’était, ils ont passé le tournant et ils étaient au moins 35, des jeunes soldats allemands en bicyclette avec des carabines en bandoulière dans le dos et ils roulaient en vélo. Et nos soldats du génie pendant ce temps, on était dans un escarpement sur le côté d’un fjord, et sur la gauche il y avait une haute montagne et nos gars du génie étaient monté là-haut à deux endroits et avaient fait sauter la montagne pour bloquer la route des deux côtés. Comme ça si quelqu’un passait par là et l’armée allemande devait passer par là, ils devaient escalader les gravats qui étaient en travers de la route et c’est ce que ces jeunes soldats avaient fait. Et comme je dis, ils étaient si disciplinés, ils sont passés par-dessus et se sont remis en rangs par trois avec leurs vélos de l’autre côté, avec soit un officier ou un officier non mandaté, pour les superviser. On pouvait l’entendre hurler ses ordres d’escalader et de se remettre en formation, ce qu’ils ont fait. Et quand ils ont été à nouveau bien rangés, il leur a dit d’avancer. Mais en regardant par-dessus ils pouvaient voir les autres débris qui encombraient la route et qui les bloquaient à nouveau et là ils ont su qu’il y avait quelque chose qui clochait. De même que celui qui les commandait, quel qu’il soit.

Et quand ils se sont trouvé juste au milieu des deux endroits qu’on avait fait exploser, nos ordres étaient de faire feu et on les a tués sur cette route. Je pouvais voir leurs visages parce qu’on est resté là encore deux heures de plus. A ce moment-là, j’avais une mitraillette Bren, et elle tirait 500 coups à la minute. Et je savais que j’avais tué la plupart de ces jeunes soldats au moment où ils sont venus à notre rencontre. Et ça semble être resté gravé dans ma mémoire, leurs visages.

Alors ils avaient trois mitrailleuses lourdes dans les montagnes à notre gauche et ils nous ont tiré dessus avec leur artillerie lourde, celle qui reste à l’arrière, vous savez. Et c’était du costaud parce qu’ils utilisaient des balles traçantes et une balle traçante c’était une balle, toutes les sept balles, celle qui sortait de la mitrailleuse était une traçante. Et ça émettait de la lumière rouge tout le long de la trajectoire et la nuit ou à n’importe quelle heure, quand la mitrailleuse faisait feu, une équipe pouvait voir exactement où était leur cible, grâce aux balles traçantes. Et ils ont tout simplement décapité les arbres autour de nous, et ils ont décimé la plupart de nos, ils ont abattu la moitié de la cinquantaine de jeunes gens, les commandos qui étaient là-haut dans l’escarpement. Ils leur avaient tiré dans le dos, ils n’avaient pas quitté leur position, et nous non plus. Je me souviens du sang et de la cordite [poudre explosive], l’odeur de la cordite dans le dos de ces jeunes gens qui avaient été frappés. Comment n’avons-nous jamais, été touchés, le reste d’entre nous, on ne sait pas. Mais nous, quelqu’un veillait sur nous.

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