« La guerre est une chose terrible. Et, les gens survivent avec un peu d’humour. »
Pour le témoignage complet de M. Davis, veuillez consulter en bas.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
La plus sale tâche de l’Armée canadienne a été la prise et le dégagement de l’estuaire du Scheldt parce que les Alliés devaient à tout prix rétablir l’accès au port d’Anvers. Anvers est en Belgique mais la plus grande partie du Scheldt est en Hollande. Alors, la 3e division devait dégager le côté ouest et nous, de la 2e division d’infanterie Canadienne, devions dégager le côté est qui comprend la péninsule de Beveland et l’île de Walcheren. Et ce fut la plus sale job que nous avons eu à faire (Bataille de Scheldt).
À l’époque, les pertes étaient si lourdes que l’armée a démantelé des unités antiaériennes et des unités de transmission pour en faire des soldats d’infanterie. Ces pauvres diables ; ils n’avaient aucune chance de s’en sortir. Ce fut vraiment horrible. Après les combats à Anvers, nous devions bloquer l’extrémité de cette péninsule et prendre la ville de Woensdrecht située sur l’isthme de la péninsule. Les ordres nous sont parvenues directement d’en haut ; nous devions procéder selon les ordres, sans discussion.
L’avance s’est amorcée. Nous avons quitté notre position de réserve vers 02 h 30 (le 13 octobre 1944) et nous nous sommes rendus à pied à notre point de départ. Vers 06 h 00 ou 06 h 30, nous avons lancé l’attaque. Nous avions fait à peine 50 pieds lorsqu’un barrage de mitrailleuses et de, je ne sais pas trop quelle autre artillerie, est venu nous faucher.
Alors, nous sommes retournés à notre point de départ – un fossé le long d’un chemin - et vers midi, je crois, nous avons lancé une seconde attaque. Nous devions parcourir une distance de mille verges (914 mètres) sur des polders, des terres endiguées et drainées par les Hollandais qui les utilisaient pour la culture maraîchère.
Nous avons traversé ces mille verges sans appui d’artillerie, sans rien. Tout ce qui avait c’étaient des betteraves ! Comment nous avons réussit, je n’en ai aucune idée parce que les Allemands, eux, étaient retranchés sur une haute digue de l’autre côté qui contenait un chemin de fer et une chaussée qui menait à l’île de Walcheren. On est restés là jusqu’à, je ne sais pas, 02 h00 ou 03 h 00 lorsqu’on a reçu l’ordre de se retirer. Dix-neuf hommes, dix-huit debout, c’est tout ce qui restait de ma compagnie.
Plus tôt dans la journée, notre commandant de compagnie, Popham, avait écopé d’une balle à la tête. Étant le prochain en ligne pour prendre la commande, je suis allé prendre son étui de cartes et ses documents et j’ai eu la peur de ma vie lorsque j’ai réalisé qu’il était toujours vivant. Alors, je lui ai pansé la tête et il a pu marcher de son propre chef jusqu’aux ambulanciers qui étaient prêts à transporter les blessés à l’hôpital. Ils nous ont empilés dans des camions et nous ont reconduits à notre point de départ. Ce gars-là s’est fait tiré dans tête mais il a survécu ; il est devenu avocat et à pratiqué à Montréal pendant plusieurs années. (Il rit.) C’était un dur-à-cuire.
Vous ne le croirez peut-être pas mais ce n’était pas le combat qui était difficile. C’était les conditions. Nous étions prêts à donner n’importe quoi pour une bonne nuit de sommeil dans un endroit sec et bien au chaud. C’est devenu notre objectif. Et, les Allemands étaient des obstacles à cet objectif. Ce n’était pas le combat mais les conditions. Cette année-là, en Hollande, ce fut le pire automne et le pire hiver en 50 ans.
Nous avancions sur la petite ville de Goes sur la péninsule de Beveland lorsque soudainement, tout le monde a sauté dans un fossé. Alors, j’ai fait de même. Je suis ensuite allé voir ce qui s’était passé. Un des gars était tombé sur la chaussée et tout le monde croyait qu’il avait été atteint d’une balle de tireur embusqué. Il s’était simplement endormi en marchant et s’était écroulé. Il pleuvait, il neigeait, il faisait tous les temps. Les gars étaient complètement épuisés.
Alors, lorsqu’on nous a emmenés à Cuijk [Les Pays-Bas] pour quelques jours de congé c’était comme une vacance pour nous, vous savez. Nous faisions quatre ou cinq jours sur la ligne ensuite, trois jours, parfois même une semaine de congé. Nous faisions l’entretien de nos armes et des petits travaux. Pour nous, c’était comme des vacances.
La guerre est une chose terrible. Et, les gens survivent avec un peu d’humour. Oh ! En congé, les gars faisaient toutes sortes de folies.
J’avais un gars avec moi qui, aujourd’hui on appelle ça un trouble post stress ou quelque chose comme ça. Dans ce temps là, on appelait ça ‘’être sonnés’’ (bomb-wacky). Les gars perdaient la boule, couraient partout et faisaient des choses bizarres. Mais, ce gars-là était déjà passé par ce qu’on appelait le ‘’camp du sommeil’’. On envoyait les ‘’sonnés’’ dans cet endroit où on leur faisait une piqûre pour les endormir pendant 48 heures. Ensuite, normalement, on les gardait quelques jours jusqu’à ce qu’ils se calment et on les retournait sur les lignes. Si ça se produisait une deuxième fois, ils étaient censés être envoyés dans un bataillon ou un camp de travail ; ils n’étaient pas normalement renvoyés aux lignes. Mais nous étions tellement à court d’hommes, qu’ils vous donnaient les 48 heures de sommeil et ensuite, ils vous donnaient une carabine et ils vous retournaient aux lignes.
Ce gars-là était revenu deux fois et aucune unité ne le voulait dans ses rangs parce qu’à chaque fois qu’il y avait barrage d’artillerie, il se mettait à courir partout et à crier. Mais, autrement, il était bon soldat. J’ai dit que je le prendrais. Je le gardais avec moi. Et, si jamais il recommençait, je l’assommais. Nous sommes devenus de très bons copains. Et, il a sauvé ma peau à plus d’une reprise.
On l’appelait ‘’Duke’’ suite à un incident à Groesbeek (Pays-Bas). Groesbeek était un point d’arrivée pour les parachutistes et les planeurs. Il y avait des milles et des milles de parachutes accrochés aux arbres et sur le sol. On les ramassait. J’en ai envoyé plusieurs à la maison. À cette époque, les parachutes étaient faits de la meilleure soie. Il s’était fabriqué une sorte de cravate qu’il portait au cou ; un vrai dandy.
Et tout le monde avait des armes allemandes de quelques sortes, des pistolets Luger ou autres. L’ordre est arrivé d’en haut que nous devions remettre toute arme allemande en notre possession. Alors, nous étions dans cette petite ville de Cuijk. Il y avait un petit pub à côté qui servait de la bière, à peine plus forte que de l’eau, mais c’était mieux que rien. Nous étions environ vingt, debout là, lorsque la police militaire est arrivée en jeep – deux ou trois véhicules. Tout le monde avait au moins une arme allemande. Le sergent nous a dit ‘’Remettez ces armes ou je vous arrête.’’
Et, Duke a fait son imitation de John Wayne. Il portait deux pistolets. ‘’Si vous les voulez, vous devez venir les chercher.’’ Évidemment, les policiers nous regardaient. Nous étions 20 gars armés jusqu’aux dents. Ils sont remontés dans leurs jeeps et ils sont partis. Ce genre d’histoire est légende dans l’armée. Et, nous avons tous bien rit.