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Musique électroacoustique

Terme qui désigne un courant musical reposant sur l'utilisation de moyens électroacoustiques pour la conception, la production, la diffusion, la conservation et la perception des oeuvres.
Les musiques électroacoustiques font appel à des sources sonores naturelles (pouvant être captées au microphone), électroniques (produites par des appareils comme les synthétiseurs) et numériques (générées à l'aide d'ordinateurs). Ces sources sont ensuite traitées et organisées par des moyens électroacoustiques ou assistées par ordinateur avant d'être la plupart du temps fixées ou présentées sur un support magnétique. En réalité, les musiques électroacoustiques recouvrent une production et une recherche artistiques complexes, allant de la simple diffusion acousmatique en concert ou de l'usage pédagogique, jusqu'à la combinaison élaborée d'événements multimédias en passant par tous les degrés d'association des instruments et des moyens électroacoustiques ainsi que de la recherche sur ordinateur, sans oublier les musiques qui accompagnent entre autres la danse, le théâtre, les arts visuels, les installations, et sans compter les sonorisations de lieux, les musiques d'ambiance et d'environnement, les musiques pour la publicité, le cinéma, les effets spéciaux, etc. La frontière des musiques électroacoustiques est élastique et s'adapte autant aux contours de l'évolution technologique qu'aux innovations des créateurs. C'est pourquoi on préfère quelquefois le terme générique d'art électroacoustique ou de genre électroacoustique, pour ainsi signifier que les moyens électroacoustiques ne sont plus l'apanage des seuls musiciens.

Il y a trois principaux aspects à considérer pour cerner le développement des musiques électroacoustiques au Canada. Premièrement, les institutions universitaires responsables de la majeure partie de l'activité musicale électroacoustique canadienne. Deuxièmement, les regroupements de compositeurs qui se subdivisent en ensembles, en sociétés ou en associations et dont le rôle s'accroît graduellement. Enfin, les personnalités indépendantes souvent reconnues comme pionniers et qui ont grandement contribué aux musiques électroacoustiques. Par ailleurs, il importe d'insister sur l'évolution technologique et son impact sur l'éclosion générale du genre électroacoustique, notamment depuis le début des années 1970.

Voir aussi Instruments électroniques, Multimédias, Musique nouvelle - Sociétés et ensembles de.

Institutions universitaires

C'est principalement dans les institutions universitaires qu'a véritablement démarré le genre électroacoustique au Canada. C'est encore dans celles-ci que se concentre aujourd'hui la pratique de l'électroacoustique, et presque toutes les universités d'importance possèdent un ou plusieurs studios. Elles constituent les lieux d'élection privilégiés pour l'apprentissage des compositeurs et de ceux qui désirent se familiariser avec les moyens électroacoustiques.

Le premier studio (le deuxième en Amérique du Nord) vit le jour en 1959 à l'Université de Toronto, sous l'impulsion d'Arnold Walter avec le concours de Hugh Le Caine qui dirigeait alors le laboratoire de musique électronique au Conseil national de recherches à Ottawa (ELMUS). Le University of Toronto Electronic Music Studio (UTEMS) fut d'abord dirigé par Myron Schaeffer (1908 - 1965), secondé par Harvey Olnick, puis en 1965 par Gustav Ciamaga. Ce dernier fut un des premiers initiateurs canadiens des applications de l'ordinateur à la musique. L'Université de Toronto a toujours été depuis un centre actif de la musique par ordinateur, grâce notamment aux contributions actives de personnalités comme Norma Beecroft, William Buxton, Bruno Degazio, John Free, James Gabura et David Jaeger. Parmi les principales réalisations, mentionnons le PIPER II, les programmes Outperform et Midiforth, et le SSSP (Structured Sound Synthesis Project).

L'Université McGill suivit en 1964 avec la création du McGill Electronic Music Studio (EMS). István Anhalt reçut là aussi l'assistance de Hugh Le Caine. Anhalt avait déjà composé quatre oeuvres intitulées Electronic Composition et organisé à l'Université McGill (1959) le premier concert de musiques sur bande au Canada. Après Anhalt, le studio a été dirigé par Paul Pedersen (1971-74) et, à partir de 1974, par Alcides Lanza assisté de Bruce Pennycook (1988 -). Après avoir été doté d'un des premiers synthétiseurs Moog (1969), puis d'un système complet Synclavier, l'EMS possède maintenant un studio entièrement MIDI (Musical Instrument Digital Interface / Interface numérique des instruments de musique).

Deux ans après que Cortland Hultberg ait ouvert en 1965 un studio à l'Université de la Colombie-Britannique, R. Murray Schafer et Anthony Gnazzo fondèrent le Sonic Research Studio à l'Université Simon Fraser. Schafer acquit bientôt une renommée internationale grâce non seulement à sa musique, mais également au World Soundscape Project qui donna naissance au concept de paysage sonore. Avec la collaboration de plusieurs musiciens et chercheurs comme Barry Truax, Bruce Davis, Peter Huse, Howard Broomfield, Hildegard Westerkamp et Jean Piché, Schafer étudia l'environnement sonore de nos villes et de nos cultures et proposa une nouvelle approche des problèmes du bruit et de la qualité sonore en milieu urbain. Il invita en même temps le compositeur à devenir un intervenant actif dans ce processus. Barry Truax, qui succéda à Philip Werren comme dir. du studio en 1975, est également connu pour son système de composition assistée par ordinateur, le POD, et pour son procédé original de synthèse sonore, dite « par granulation ». Martin Gotfrit et Martin Bartlett contribuèrent eux aussi à l'application des outils informatiques à la musique dans cette même université.

Trois autres studios sont nés durant les années 1960 dans les institutions d'enseignement. En 1966, le RCMT devint le premier conservatoire au Canada à s'équiper d'un studio. Samuel Dolin en assura d'abord la direction et Wes Wraggett lui succéda en 1978. Puis, un studio fut inauguré à l'Ontario College of Education en 1968 par Richard Henninger. Enfin, Nil Parent fonda en 1969 le premier studio francophone au pays, le Studio de musique électronique de l'Université Laval (SMEUL) à Québec. Nil Parent est également l'auteur de deux cahiers de terminologie française sur le synthétiseur et d'un concepteur d'instruments numériques.

Le développement des studios dans les universités prit de l'ampleur dans la décennie suivante. Mentionnons l'Université York (1970, réalisation de James Tenney); l'Université de Calgary (1970, Warren Rowley); l'Université Queen's (1970, David Keane) où l'on a également mis sur pied une section d'informatique musicale avec Bruce Pennycook; l'Université de Dalhousie (1971, Steve Tittle); l'Université de Victoria (1971, Rudolf Komorous) où John Celona dirigea l'ensemble Sonic Lab (1982-89); l'Université de la Saskatchewan (1972, Richard Wedgewood); l'Université de Western Ontario (1972, Peter J. Clements); l'Université Carleton (1974, David Piper); l'Université de Guelph (1978, Charles Wilson); et l'Université Wilfrid Laurier (1978, Owen Underhill).

Entre 1971 et 1976, Kevin Austin mit sur pied le studio de l'Université Concordia à Montréal. Il a assumé depuis la direction, à l'exception des années 1986 à 1989 où le studio fut confié à Jean-François Denis, et Mark Corwin s'est joint à lui en 1991 à titre de codir. Durant la même période, le Groupe informatique-musique de l'Université de Montréal qui réunit, sous la conduite d'Éric Regener, Walter Boudreau, Jean-Marie Cloutier, Robert Dupuy, Alain Fortin, Daniel Hennequin, Robert Léonard, Denis Lorrain, Jean-Louis Richer et Pierre Trochu, contribua, dans la foulée des efforts de Louise Gariépy et du Laboratoire d'acoustique, à la naissance en 1980 d'un studio dédié à la musique électroacoustique. Marcelle Deschênes, assistée de Francis Dhomont et de Jean Piché à l'enseignement, organisa un programme de composition électroacoustique au niveau du baccalauréat, de la maîtrise et du doctorat.

Enfin, il faut mentionner l'arrivée au CMQ (1978) et au CMM (1980) de studios consacrés à la pratique électroacoustique. Yves Daoust y a été chargé de l'enseignement qu'a également assuré, au CMM, Micheline Coulombe Saint-Marcoux (1971-84).

Regroupements de compositeurs

En se regroupant entre eux, les compositeurs se sont dotés de moyens de diffusion et de promotion pour mieux faire connaître leurs musiques. Plusieurs organismes ont ainsi vu le jour, soutenant à divers degrés le développement du genre électroacoustique au Canada. On peut distinguer trois types de regroupements : les ensembles, qui assurent la création et l'interprétation d'oeuvres en concert; les sociétés, le plus souvent subventionnées et dont le but est principalement l'organisation de saisons de concerts; les associations, qui offrent un ensemble de services à leurs membres.

Le premier regroupement d'importance pour la musique contemporaine a été la SMCQ. Initiée par Jean Papineau-Couture, Jean Vallerand et Wilfrid Pelletier, auxquels se joindront Maryvonne Kendergi, Hugh Davidson et Serge Garant, la fondation de la SMCQ en 1966 jeta les premières assises sur lesquelles s'appuieront les organismes subséquents. Représentatifs de la musique qui se fait ici et ailleurs, les concerts de la SMCQ ont su faire place aux compositeurs et aux moyens électroacoustiques de plus en plus intégrés aux oeuvres instrumentales.

Les New Music Concerts sont le pendant torontois de la SMCQ. Fondé en 1971 par Norma Beecroft et Robert Aitken, cet organisme, que dirigait toujours ce dernier en 1991, poursuit une activité soutenue de concerts et de créations de musique contemporaine.

Le Canadian Electronic Ensemble, fondé en 1971 par David Grimes, David Jaeger, Larry Lake et James Montgomery, fut l'un des premiers groupes canadiens à se consacrer à la musique électronique en direct. Il installa son propre studio en 1973. L'ensemble a produit et commandé plusieurs oeuvres et comptait en 1991 une demi-douzaine d'enregistrements à son actif.

Dans la même veine, Nil Parent fonda à Québec en 1973 le GIMEL (Groupe d'interprétation de musique électroacoustique de Laval), tandis qu'à Montréal, le groupe Sonde (Charles de Mestral, Pierre Dostie, Christopher Howard, Robin Minard, Keith Daniel et Andrew Culver) apparut en 1976. Les musiciens de Sonde fabriquèrent leurs propres instruments, improvisèrent une musique électronique en direct et collaborèrent étroitement avec les artistes visuels jusqu'en 1988, année où le groupe cessa ses activités.

Après MetaMusic (1971-78) qui réunit Kevin Austin, Howard Abrams, Dawn Luke, Martin Gotfrit, Ross McAuley et David Sutherland, Austin mit sur pied en 1982 le Groupe électroacoustique de Concordia (devenu en 1989 Électroacoustiques Université Concordia) avec Daniel Feist, Dave Lindsay, James Tallon et John Wells. Le groupe gère, en plus de ses séries de concerts annuelles, une magnétothèque de plus de 1100 oeuvres sur bande, répertoriées par Jean-François Denis dans les ouvrages Q/Résonance et Q/Résonance Addendum.

Vouée à toutes les tendances musicales et artistiques, la Music Gallery de Toronto débuta en 1976 autour d'Allan Mattes et Peter Anson du CCMC. Un nombre considérable d'événements et de compositeurs se sont succédés dans ce lieu de production dont l'influence continue toujours de se faire sentir aujourd'hui. La direction de la Music Gallery était assurée en 1991 par James Montgomery.

À Montréal cette fois, l'ACREQ (Assn pour la création et la recherche électroacoustiques du Québec) fut lancée en 1977, par Yves Daoust, Marcelle Deschênes, Michel Longtin, Philippe Ménard, Jean Sauvageau et Pierre Trochu. L'ACREQ se consacre exclusivement aux musiques électroacoustiques et est responsable de la venue au Canada de plusieurs compositeurs et groupes influents du genre, comme le Groupe de musique expérimentale de Bourges, Charles Dodge, Pierre Henry, Léo Küpper, Luc Ferrari, François Bayle, Alain Savouret, etc. En 1983, le Printemps électroacoustique donnait le coup d'envoi à l'un des premiers festivals de musique électroacoustique à l'échelle canadienne.

Mais c'est à la Communauté électroacoustique canadienne (CEC) que revient le mandat d'établir un lien entre les compositeurs canadiens oeuvrant dans le domaine. Née en 1986 à l'initiative de Kevin Austin et de Jean-François Denis, la CEC a été le premier véritable organisme pancanadien pour l'électroacoustique. Un réseau national d'information a été instauré ainsi que les Journées électroacoustiques CEC qui ont lieu périodiquement dans une ville différente du pays. Ces Journées, le plus important événement électroacoustique au Canada, permettent la diffusion et la création d'un grand nombre d'oeuvres, offrent aux chercheurs une tribune pour présenter leurs travaux et fournissent aux membres l'occasion de faire le point sur des projets communs. À l'actif de la CEC, il faut aussi mentionner la publication de six Bulletins bilingues ainsi que du périodique Contact! (1988 -) qui informe régulièrement les membres sur les activités électroacoustiques au pays et à l'étranger. De plus, une entente a été négociée en 1988 entre la CEC et le Centre de musique canadienne pour constituer des archives électroacoustiques nationales.

D'autres groupes ont aussi contribué à l'expansion des musiques électroacoustiques au Canada. Mentionnons le Group of the Electronic Music Studio (GEMS) créé en 1983 à l'Université McGill par Alcides Lanza, John Oliver et Claude Schryer; le groupe Arraymusic de Toronto avec Henry Kucharzyk et Linda C. Smith; la Vancouver New Music Society; le Comus Music Theatre; l'ensemble NOVA MUSIC; le groupe Numus avec Peter Hatch à Kitchener-Waterloo; le New Directions Ensemble avec Jeffrey Bush et Thomas Shudel à Regina; et le Music Inter Alia avec Diana McIntosh à Winnipeg. Au Québec, on doit aussi mentionner les Événements du neuf (1978-90), l'Assn de musique actuelle de Québec, la Société des concerts alternatifs du Québec, et Musiques itinérantes fondées par Michelle Boudreau.

Personnalités indépendantes

En dehors des universités et des regroupements, plusieurs compositeurs ont contribué dès les années 1950 à faire connaître les musiques électroacoustiques au Canada. On peut considérer la plupart comme des pionniers et on ne doit pas oublier leur apport aux premières manifestations de l'électroacoustique au Canada.

La personnalité marquante de ces débuts fut sans conteste Hugh Le Caine. Après des études en musique et en physique, il s'impliqua dans l'exploration de nouvelles sources sonores pour les compositeurs. Il inventa plusieurs instruments, ancêtres des synthétiseurs d'aujourd'hui, comme le saqueboute, le Polyphonic Synthesizer (PAULY), le Serial Sound Structure Generator, ainsi qu'un orgue électronique à touches sensibles, un magnétophone multipistes, etc. Au sein du Conseil national de recherches à Ottawa, Le Caine diriga le laboratoire de musique électronique (ELMUS) et jeta les bases des premiers studios à Toronto, à l'Université McGill et à l'Université Queen's. Le Conseil national de recherches a également accueilli le chercheur Ken Pulfer qui développa de 1968 à 1972 un système de composition assistée par ordinateur.

On ne saurait non plus passer sous silence la contribution particulière de Maurice Blackburn. Particulière, puisque c'est au cinéma que Blackburn a fait entendre ses premiers « collages », « grattements » et autres manipulations qui peuvent être associées à la musique concrète. Sa collaboration avec le cinéaste Norman McLaren à l'ONF est demeurée célèbre, et plusieurs des films d'animation réalisés conjointement (notamment Blinkety Blank) ont reçu des distinctions internationales. Le compositeur torontois Louis Applebaum profita de cette influence dans une série de courtes études créées entre 1950 et 1955.

À son retour de France en 1952, Serge Garant entreprit de faire connaître les musiques nouvelles. En plus d'être l'auteur de la première pièce de musique mixte (qui marie une bande électroacoustique aux instruments traditionnels) au Canada, Nucléogame (1955), Garant joua un rôle déterminant dans la diffusion des musiques contemporaines y compris les musiques électroacoustiques.

De leur côté, Otto Joachim et Udo Kasemets s'imposèrent dès leur arrivée au Canada. Joachim fut l'un des premiers à monter un studio personnel et à promouvoir l'usage du synthétiseur. On lui confia la musique d'environnement du Pavillon du Canada de lExpo 67, Katimavik. Kasemets, quant à lui, prit contact avec l'avant-garde américaine. Il est reponsable de la venue au Canada de plusieurs de ses représentants, dont Gordon Mumma, John Cage et Alvin Lucier, et de l'organisation de festivals d'art expérimental. Kasemets a été l'un des tout premiers à explorer l'art multimédias, c'est-à-dire la combinaison de moyens électroacoustiques et de diverses manifestations artistiques.

Gilles Tremblay revint de Paris en 1961 avec deux Exercices composés au sein du Groupe de recherches musicales nouvellement constitué par Pierre Schaeffer. Si Tremblay n'a pas poursuivi dans cette voie, il n'en laisse pas moins deviner l'influence sur son écriture dans plusieurs de ses oeuvres comme la sonorisation du Pavillon du Québec de l'Expo 67.

La contribution de Pierre Mercure, décédé en 1966, sera décisive durant ces premières années. Impliqué dans les principaux courants artistiques de l'époque (dont les Automatistes, important groupe artistique québécois qui signa en 1948 le manifeste du Refus global), défenseur acharné des musiques nouvelles, Mercure fut le premier à combiner au Québec les moyens électroacoustiques avec le film ou la danse. Il avait été pressenti pour devenir le premier directeur artistique de la SMCQ.

Après Paris, où elle avait pris connaissance du genre électroacoustique et même fondé le Groupe international de musique électroacoustique de Paris en 1969, Micheline Coulombe Saint-Marcoux composa de nombreuses oeuvres de musique mixte et pour bande seule. Elle enseignait la composition électroacoustique au CMM avant son décès en 1985.

Norma Beecroft s'initia très tôt aux techniques électroacoustiques, d'abord à l'Université de Toronto avec Myron Schaeffer, puis à l'Université Columbia-Princeton de New York, à Utrecht et à Stockholm. Elle a été une collaboratrice active dans la conception de systèmes musicaux assistés par ordinateur et l'auteure de plusieurs oeuvres de musique mixte.

Enfin, on ne peut ignorer la production de Michel Longtin qui a composé durant les années 1970 de nombreuses oeuvres électroacoustiques pour bande seule et pour la danse.

Années 1980

Si la plupart des studios d'importance sont apparus lors des années 1970, c'est surtout dans la décennie suivante qu'ils se sont consolidés et ont pris de l'expansion. En outre, plusieurs organismes ou services gravitent désormais autour ou en dehors des institutions et contribuent à insuffler au genre électroacoustique un essor soutenu.

En plus de l'Université d'Ottawa avec Michael Bussière et de l'Université de Waterloo avec David Harrison, le CA Banff est maintenant équipé d'un studio. Dans le cadre du programme d'arts médiatiques que dirige Michael Century avec l'assistance de Maureen Lee et de Claude Schryer, le CA Banff est l'hôte d'événements électroacoustiques d'importance. Mentionnons aussi la mise sur pied d'un programme d'enseignement en électroacoustique à l'Université de l'Alberta dirigé par George Arasimowicz.

Le Sound Symposium qui revient tous les deux ans à Saint-Jean, T.-N., est un vaste festival artistique où le son et les moyens électroacoustiques occupent le premier plan. Don Wherry en assure la direction artistique depuis sa fondation en 1983.

Les média ne sont pas en reste. Les émissions radiophoniques « Transfigured Night », de David Olds, sur les ondes de CKLN à Toronto ainsi que « Two New Hours » et « Musique actuelle » à la SRC, sans compter de nombreuses radios communautaires ou universitaires, offrent chaque semaine un aperçu de l'activité électroacoustique canadienne et internationale. David Olds commandite même la création d'oeuvres destinées à la radio.

Par ailleurs, en 1989 naissait le groupe Diffusion i MÉDIA (dirigé par J.-F. Denis et Claude Schryer), responsable de l'étiquette de disques compacts empreintes DIGITAL es consacrée à la musique électroacoustique, tandis qu'en 1990, RCI faisait paraître dans sa collection Anthologie de la musique canadienne un coffret CD entièrement voué à ce genre (4-ACM 37). D'autre part, plusieurs enregistrements figurent dans les entrées individuelles consacrées aux compositeurs et groupes mentionnés dans le présent article.

Enfin, mentionnons encore la multiplication des studios privés, les concours des sociétés de droits d'auteur ou les concours radiophoniques, différentes associations ou groupes musicaux électroacoustiques (comme le New Digital Orchestra ou le Canadian MIDI Users Group), des concepteurs de produits (comme le synthétiseur Delta Music Research 2000 de Tim Lawrence, le module de synthèse FDSS de la compagnie Lyre, la compagnie Technos de Nil Parent ou divers logiciels de musique sur micro-ordinateurs, par exemple, Eric Johnstone), l'intervention de plus en plus fréquente des moyens électroacoustiques dans le cinéma, le théâtre, les arts visuels, l'art vidéo, les arts multimédias, la danse, la publicité, etc., et on aura une plus juste idée du dynamisme qui anime la scène électroacoustique canadienne.

En témoigne également divers festivals ou événements consacrés au genre électroacoustique. Outre ceux déjà cités, il faut mentionner le festival Music Here & Now à Hamilton dont s'occupe Elma Miller, le Stream Festival à l'Université Wilfrid Laurier auquel collabore le groupe Numus, et l'Annual Computer Music Weekend à l'Université Simon Fraser, depuis 1979, sous la conduite de Barry Truax. Au même endroit, et toujours à l'initiative de ce dernier, se tenait en 1985 l'International Computer Music Conference (ICMC), événement qui se déroule annuellement dans un pays différent et réunit les principaux intervenants de la musique par ordinateur. Elle fut tenue à l'Université McGill en 1991. Enfin, il faut signaler le seul concours international à avoir été tenu au Canada, celui organisé par Robert Pritchard à l'Université Brock en 1985, mis à part le concours international Électro-Clip, coordonné par Myke Roy, parrainé par l'ACREQ, et qui s'est tenu à Montréal en 1990.

Il ne faut pas oublier dans ce foisonnement l'impact capital des changements technologiques. L'obstacle majeur à la diffusion du genre électroacoustique, qui était le coût prohibitif des studios et des équipements, est maintenant surmonté. Grâce à l'apparition des microprocesseurs dans les instruments de musique, grâce surtout à la mise en place d'un protocole d'échange de données entre ces mêmes instruments (l'interface MIDI), grâce enfin à la prolifération de programmes informatiques qui permettent de puissants traitements de studios, très longs et très coûteux avec les moyens traditionnels, de nombreux créateurs ont désormais accès à des moyens qui étaient impensables en 1980.

Ces moyens ne sont d'ailleurs plus la chasse gardée du domaine musical, et c'est là ce qui fait justement l'originalité du genre électroacoustique. Aujourd'hui, les artistes de diverses tendances peuvent désormais bénéficier de la mise en commun d'outils qui favorisent d'enrichissantes interactions, et stimuler une activité culturelle caractéristique, à la croisée des origines européennes et du contexte nord-américain.