Qu’est‑ce que l’obligation
fiduciaire?
Le système
juridique reconnaît de nombreuses relations spéciales dans le cadre desquelles
une partie est tenue de veiller aux intérêts supérieurs de l’autre partie, de
la meilleure façon possible. Ces relations sont appelées relations fiduciaires.
Il s’agit notamment des relations entre un avocat et son client, entre un
médecin et son patient, entre un prêtre et son paroissien, entre un parent et
son enfant, entre un administrateur et la société qu’il administre et entre un
mandant et son mandataire. Les relations fiduciaires impliquent nécessairement
la confiance. Elles exigent que le fiduciaire, c’est‑à‑dire la partie s’occupant
de l’autre partie, à savoir le bénéficiaire, agisse honnêtement, de bonne foi
et strictement dans l’intérêt supérieur de ce bénéficiaire.
Les
relations fiduciaires découlent des attentes raisonnables des parties, souvent
dans des circonstances où une personne compte sur l’autre pour protéger ses
intérêts. Elles mettent souvent en jeu des engagements, explicites ou
implicites, de l’une des parties à veiller aux intérêts de l’autre. Même les
relations où l’on attend des parties qu’elles poursuivent leur propre intérêt
peuvent, dans des circonstances appropriées, s’avérer constituer des relations
fiduciaires. Dans plusieurs affaires, des banques ont été considérées comme
fiduciaires de leurs clients.
Habituellement,
les fiduciaires ont un pouvoir ou une influence sur les intérêts économiques,
juridiques ou pratiques des bénéficiaires, qui, dans une certaine mesure, sont
vulnérables. La question de savoir si les bénéficiaires doivent être
vulnérables et, dans l’affirmative, dans quelle mesure, pour que ce domaine du
droit s’applique à leur bénéfice, fait débat parmi les juristes. Certaines lois
fédérales et provinciales, en matière de droit des sociétés, contiennent
indubitablement des dispositions conférant un caractère légal aux obligations
fiduciaires dans le monde de l’entreprise.
Manquement à l’obligation
fiduciaire
Le
manquement à une obligation fiduciaire constitue une violation grave de la loi.
Des règles rigoureuses de réparation sont utilisées pour mettre les
bénéficiaires dans la situation dans laquelle ils se seraient trouvés s’il n’y
avait pas eu manquement à l’obligation fiduciaire. Un bénéficiaire sera
indemnisé pour toutes les pertes découlant d’une telle violation de l’obligation
fiduciaire, notamment la perte d’un placement, ou, par exemple, des souffrances
physiques et mentales découlant d’abus sexuels ou d’autres formes de violence.
Tout profit indûment obtenu par le fiduciaire sera remis au bénéficiaire. Les
fiduciaires qui manquent à leurs obligations se voient plus souvent imposer des
dommages‑intérêts punitifs, l’un des types de sanctions possibles, que les
défendeurs ordinaires. Les obligations fiduciaires peuvent se maintenir, même
après la fin de toute relation contractuelle entre le fiduciaire et le
bénéficiaire.
Habituellement,
les fiduciaires ne peuvent pas exploiter des occasions qui leur profiteraient,
d’une manière ou d’une autre, en raison de leur rôle dans la relation. Il
existe des règles très contraignantes qui interdisent la réalisation de profits
et tout conflit d’intérêts, allant au‑delà de ce qui est nécessaire à la
relation. Les avantages secrets prenant la forme de pots‑de‑vin, de commissions
et de bénéfices non divulgués, ainsi que de conflits d’intérêts et de remises,
sont strictement interdits. Un avantage indu est généralement financier, mais
peut également inclure pratiquement toute autre forme de gain personnel.
Un
fiduciaire ne peut généralement ni acheter quoi que ce soit du bénéficiaire ni
lui vendre quoi que ce soit. Il est aussi habituellement interdit au fiduciaire
de recommander au bénéficiaire une entreprise dans laquelle il a un intérêt. En
outre, il ne peut, sans susciter de suspicion, recevoir un cadeau quelconque de
ce dernier. Les fiduciaires comme les médecins ne peuvent mener de recherches
sans le révéler à leurs patients qui en font l’objet. Les fiduciaires qui, de
quelque manière que ce soit, exercent une violence physique ou sexuelle sur
leurs bénéficiaires sont coupables d’une forme particulièrement grave de
manquement à leur obligation fiduciaire.
Peuples autochtones
La Couronne a une obligation fiduciaire envers
les Autochtones. La Proclamation royale de 1763 définit les termes de la relation
entre la Couronne et les peuples autochtones et souligne que la Couronne ne
doit agir que dans l’intérêt des peuples autochtones. Autrement dit, la
Couronne doit se comporter conformément à son obligation fiduciaire. Dans la
foulée de l’affaire Guérin, l’obligation fiduciaire joue désormais
un rôle essentiel au cœur de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui y inscrit un certain nombre de
protections des droits autochtones. (Voir également Titre autochtone.)
La Couronne
a également une obligation de consulter les peuples autochtones. Il s’agit
d’une obligation légale, qui doit être remplie par la Couronne, avant de
prendre toute mesure ou toute décision susceptible d’avoir des conséquences sur
les droits des peuples autochtones au Canada.