La principale question en litige dans le renvoi sur les salaires des juges (1997) avait trait à la sécurité financière des juges des cours provinciales. Dans cette cause, les gouvernements de l'Île-du-Prince-Édouard, du Manitoba et de l'Alberta avaient réduit les salaires des juges de leur cour provinciale sans consultation préalable. Le juge en chef Lamer a statué que le principe de l'indépendance judiciaire est une norme non écrite, reconnue et confirmée par le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867. Ce principe trouve sa source dans l'Acte d'établissement de 1701. Selon le juge Lamer, qui parlait au nom de la majorité, le paragraphe 11(d) de la Charte canadienne des droits et libertés affirme l'existence du principe général de l'indépendance judiciaire. De plus, l'article 92(14) de la Loi constitutionnelle de 1867 comprend une restriction implicite : les provinces ne peuvent pas saper le principe de l'indépendance judiciaire.
Le principe de l'indépendance judiciaire comprend l'inamovibilité, la sécurité financière et l'indépendance de gestion des juges, conformément à la cause Valente. Il faut tenir compte de l'indépendance individuelle et de la dimension collective ou institutionnelle de la sécurité financière des juges. La cause Valente n'a pas établi si la sécurité financière comporte une dimension collective. C'était là le problème à régler dans cette cause. Selon la majorité des juges, les cours provinciales ont droit à l'indépendance institutionnelle. L'indépendance des juges résulte de la séparation des pouvoirs qui comprend, en soi, une garantie objective d'une telle indépendance. Trois principes découlent de cette proposition :
1. les salaires des juges peuvent être réduits, augmentés ou bloqués, mais non sans recourir à une commission indépendante, efficace et objective;
2. les négociations portant sur les salaires des juges sont interdites entre le corps judiciaire, d'une part, et le corps exécutif et le corps législatif, d'autre part;
3. les salaires des juges ne peuvent être réduits en dessous d'un seuil minimal.
Le juge La Forest était dissident. Il n'a pas invoqué le préambule de la Constitution; il a plutôt fait référence aux articles 96 à 100 de la Constitution, au paragraphe 11(d) de la Charte, à l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 et aux principes généraux d'interprétation. Il a conclu qu'il n'y avait pas infraction au paragraphe 11(d) de la Charte.