Ashbury Roland Tony Truax a servi dans l'Armée canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale.
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Transcription
Avant le débarquement, le Jour J, le temps était mauvais, donc la marine a pris le commandement. La marine ne tenait pas compte du temps qu’il faisait, beau ou mauvais, qu’importe. Quant à l’armée de l’air, elle était hors-jeu quand on a débarqué à cause du mauvais temps. La marine avait donc pris le commandement. Il était quelque chose comme 4 h du matin, le 6 juin 1944. À mesure qu’on débarquait et avant qu’on commence à débarquer, la marine avait ramolli les plages si vous voyez ce que je veux dire. Autrement dit, elle les avait bombardées pour qu’il nous soit plus facile de nous rendre dans l’arrière-pays.
C’était l’enfer, c’est tout ce que c’était, l’enfer. Le pire, c’est que nous avions un capitaine à bord du LCT [barge de débarquement de chars d’assaut], il commandait le navire, il venait de la marine britannique, la marine marchande, on l’avait mis au poste de commandement. Il ne pouvait pas me parler sans placer un juron, au moins un, il était écossais. Et il avait avancé le bateau jusqu’à la proue sur le rivage quand on a débarqué. Normalement, quand on suivait l’instruction, on avançait dans six ou sept pieds d’eau et puis on marchait dans l’eau pour atteindre le rivage. Le Jour J, nos tenues n’étaient même pas mouillées, on était entièrement imperméables parce que son LCT qui valait environ un ou deux millions de dollars était considéré comme quantité négligeable le jour du débarquement. En d’autres mots, il pouvait l’endommager sans qu’on lui reproche quoi que ce soit.
On était au moins six à bord et quand ils ont baissé la barrière – je ne me souviens plus si c’était mon frère (qui était officier) ou si c’était moi – mais ce que je sais, c’est qu’on a tous essayé de descendre du navire aussi vite que possible. Le pire, c’est que tous les gars de l’infanterie étaient à côté de nous et ils avaient reçu l’ordre de descendre du, du – comment ça s’appelle? – du LCI, le chaland de débarquement d’infanterie. Rien à voir avec les chars d’assaut, ces gars-là étaient tous armés, ils avaient des fusils, des mitrailleuses légères, des armes de ce genre, ils avaient donc reçu l’ordre de descendre. Et il y a eu beaucoup plus de noyades, je crois, le Jour du débarquement, dans l’infanterie que dans notre groupe. Quand on est descendu de la barge de débarquement, on touchait le sol, mais les autres qui débarquaient, ils obligeaient leurs hommes à descendre dans environ trois pieds d’eau; en réalité, il y avait sept pieds d’eau. Comment est-ce que vous pouvez porter un fusil, une mitrailleuse et nager en même temps? La moitié des hommes ne savaient pas nager. Ils se sont noyés. Y a pas d’autre mot, c’était l’enfer.
Un char d’assaut est imperméable. Il est imperméabilisé pour que l’eau n’entre pas. Les tourelles peuvent aller sous l’eau, on les avait toutes imperméabilisées. On a dû aller à terre et nouer une corde autour d’un arbre, quelque chose dans ce genre, pour couper les toiles qui avaient servi à imperméabiliser le char. On les a toutes déchirées. Donc l’ennemi, quand on a débarqué, a pris une telle raclée par la marine qu’il a dû battre en retraite, les Allemands sont partis. C’était ce qu’ils faisaient de mieux, en tout temps. Ils partaient, ils se regroupaient et ils revenaient avec deux fois, trois fois plus d’hommes.
Bon, le Jour J, ils ne sont pas venus en masse parce qu’ils n’avaient pas de chars là où on était, à Juno Beach, le jour J + 1, le lendemain. Le lendemain, je crois qu’il était 4 h, 4 h 15. Ils sont venus pour nous attaquer. Et l’enfer a recommencé. Pas de repos, personne dans notre escadron ne s’est reposé au cours de ces 72 heures. On dormait debout. À ce point-là. On se réveillait mutuellement pour permettre à un autre gars de se reposer un peu et changer la garde, ça n’arrêtait pas.
Le Jour + 1, j’étais le dernier officier subalterne de notre escadron. Ils n’avaient pas tué tout le monde. Il y en avait un qui avait été abattu par les SS, un autre qui avait explosé en petits morceaux, un autre qui avait été laissé pour mort sur la plage et deux autres qui étaient blessés. J’étais donc le dernier, il fallait qu’on obtienne du renfort à ce moment-là.
C’est l’un des premiers ordres qu’on a reçu du colonel : « Brûlez toutes les meules de foin. » Ce que les Allemands faisaient, c’est qu’ils construisaient une charpente et ils garaient leur char sous cette charpente, un peu comme un garage ouvert. Ensuite, ils couvraient la charpente de foin. Quand on passait à côté, ils sortaient du foin avec leur char et ils nous tiraient dessus et nous envoyaient en enfer. On a donc dû brûler toutes les meules de foin. Une fois qu’on comprend pourquoi on devait faire ça, eh bien, on comprend que c’était logique.
Mon caporal dans le char des caporaux était dans le char numéro trois dans ma troupe. On était en Angleterre, il revient un jour avec un sac de paquetage. Je lui dis : « Eh mon gars, où tu vas comme ça? » Il me répond : « Monsieur, vous n’avez rien vu, n’est-ce pas? » Je lui dis : « Oui, j’ai bien vu quelque chose. » Il y avait cette petite tête de chien qui sortait du sac. Je lui ai dit : « Vous n’avez pas le droit d’avoir un chien. » Il me répond : « Est-ce que vous avez vu quelque chose? » Je dis : « Mais de quoi est-ce que vous parlez? Qu’est-ce que vous voulez dire? Vous tenez un sac de paquetage à la main, et puis après? » Cette chienne, un mélange de plusieurs races, était très très affectueuse, elle a débarqué en Normandie avec nous. Et elle a donné naissance à 24, je dis bien 24 chiots alors qu’on était en route pour Berlin. Elle s’est rendue à Berlin. Moi, je me suis arrêté bien avant Berlin, mais elle, elle y est allée et elle est devenue la mascotte du régiment.
Quand on était en Normandie, je vous parlais des meules de foin tantôt, on venait juste de se battre et il y avait cette grosse meule de foin, on allait passer la nuit sur cette meule. Je crois qu’elle a eu un choc parce qu’elle était en train de cacher les chiots qu’elle venait tout juste d’avoir mis au monde, elle était en train de les cacher sous le foin pour les protéger. Quand elle est arrivée à Berlin, ils en ont fait leur mascotte. Après la guerre, ils l’ont ramenée au Canada et elle est enterrée dans un cimetière pour animaux, à Toronto, mais elle n’a pas reçu les honneurs militaires.