En 2010, le Projet Mémoire s’est entretenu avec Peter Hardy MacKay Braidwood, ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale. L’enregistrement et la transcription qui suivent proviennent de cet entretien. Né en Écosse le 30 novembre 1922, Peter Hardy MacKay Braidwood est déménagé chez son oncle au Manitoba en 1938; il s’est enrôlé dans l’Armée canadienne à 20 ans et a servi dans le 1er Bataillon canadien de parachutistes de 1943 à 1945. Il a été parachuté dans plusieurs zones de combat, notamment lors du jour J et au-dessus du Rhin. Après la guerre, il s’est réengagé dans l’armée et a pris sa retraite alors qu’il était adjudant-maître en 1974. Dans son témoignage, il décrit son service au sein du 1er Bataillon canadien de parachutistes. Il évoque également son enfance et son adolescence d’orphelin et ce qui l’a amené à immigrer au Canada chez son oncle. Il est décédé à Chilliwack, Colombie-Britannique, le 11 mai 2015.
Prenez note que les sources primaires du Projet Memoire abordent des temoignages personnels qui refletent les interpretations de l'orateur. Les temoignages ne refletent pas necessairement les opinions du Projet Memoire ou de Historica Canada.
Transcription
Je faisais partie du 1er Bataillon canadien de parachutistes. Je suis né en Écosse en 1922. J’ai passé la majeure partie de ma vie dans un orphelinat. Mes parents étant décédés, lorsque j’ai quitté l’école, j’avais le choix de m’enrôler dans la marine britannique ou de venir au Canada. J’avais un oncle au Canada, alors j’ai pris la deuxième option. Je suis donc arrivé au Canada en 1938, dans une ferme du Manitoba. J’y ai travaillé quelques années, puis, lorsque la guerre a commencé, j’ai décidé de m’enrôler. C’est devenu chose faite en janvier 1943.
Je suis allé à Winnipeg pour ce faire et j’ai suivi mon instruction élémentaire [au centre d’instruction (élémentaire) de l’Armée canadienne no 103] à Winnipeg, puis je suis allé au camp Shilo, au Manitoba, pour l’instruction avancée. À l’époque, le Bataillon canadien de parachutistes était venu de Fort Benning [Géorgie] pour s’entraîner à Shilo, et j’ai donc décidé de me joindre à eux. Je faisais partie de la compagnie C qui, le jour J, devait sécuriser la zone de parachutage avant l’arrivée du bataillon principal. Nous y sommes donc allés vers minuit le 6 juin dans des [Armstrong Whitworth] Albemarle [bombardiers moyens transformés en avions de transport], d’autres bombardiers britanniques obsolètes. Il ne pouvait y avoir que 10 parachutistes à la fois.
D’après moi, le but était en fait de tromper les Allemands en envoyant des parachutistes depuis de vieux bombardiers. Nous étions censés être une centaine à atterrir au même endroit pour accomplir notre mission. Mais on tirait sur les avions, et ces derniers ont dû aller dans tous les sens. Seulement 30 d’entre nous sont arrivés à destination.
Je ne sais pas si nous avons réellement réussi à dégager la zone de largage pour le bataillon qui arrivait. C’était un véritable brouhaha. Nous avions tous l’air d’ignorer ce que nous faisions. Mais nous savions ce que nous faisions en réalité, car nous avons accompli notre mission. Puis le bataillon est arrivé et nous nous sommes stationnés à notre position en hauteur à l’extrémité est de la tête de plage. Le jour J a commencé ce matin-là et les troupes sont arrivées par la mer.
Nous n’étions que de simples soldats, nous ne savions jamais vraiment ce qui se passait, ce que nous étions censés faire. On s’en rend compte quand tout est terminé… Bref, comme je disais, notre compagnie a pris place et est arrivée une demi-heure avant les forces principales. Nous avons décollé d’un aéroport en Angleterre différent de celui du bataillon principal. Je me souviens que j’étais censé être le premier à sortir de l’avion; on sautait par une trappe dans le plancher, qui faisait environ un mètre de long. Comme je disais, il n’y avait que dix personnes dans cet avion et, vu qu’il y a des fenêtres à l’arrière des Albemarle, alors j’ai pu voir un peu à l’extérieur pendant la traversée de la Manche. On pouvait apercevoir tous les navires sur l’eau.
Nous nous sommes approchés de la côte, notre zone de largage étant assez proche de la côte. J’ai dû m’agenouiller à l’arrière de l’avion sur le bord du trou, les mains de chaque côté, face au pilote. Je voyais tout. Je pouvais voir l’eau, puis la terre et enfin toutes les fortifications. Et là, je me suis demandé ce que j’étais en train de faire. Nous sommes arrivés à environ 150 mètres, une très faible altitude vu qu’on ne peut pas sauter de bien haut. C’était le seul moyen d’atteindre le sol. Nous étions donc à 150 mètres et avons vu ce qui se passait. Nous avons franchi le barrage de tirs et c’était donc le temps d’y aller, alors j’ai sorti les bras et j’ai roulé la tête la première dans la trappe. Le parachute s’est ouvert et à 150 mètres d’altitude, l’atterrissage a été rapide.
En temps de guerre, il n’y a pas vraiment de moments heureux. Nous avons eu de bons moments en Angleterre loin des combats, oui, mais dès que nous sommes arrivés en Europe et que nous avons commencé à nous battre, les bons moments sont complètement disparus.