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"L’avion tombait. Il n’y avait rien à faire. Les indicateurs de montée et de glissade tournoyaient, l’altimètre chutait et nous savions qu’il y avait un terrain montagneux sous nous mais nous ne savions pas exactement à quelle distance"
Transcription
Je suis Robert Farquharson. Je suis né en Alberta en 1923 et mon service militaire a commencé lorsque je me suis joint à la milice à l’âge de 17 ans à Delia en Alberta, une petite ville près de Drumheller, au pays des dinosaures.
J’ai travaillé au bureau d’ordonnance. C’est en lisant les ordres courants de l’Armée canadienne que j’ai appris que l’Armée permettrait jusqu’à douze transferts par mois pour ceux qui voulaient se joindre au personnel volant de l’Aviation royale du Canada. 05:40
Vous savez, il n’y a aucune route qui relie l’Inde et la Birmanie. En fait, à cette époque, la Birmanie n’avait aucune route qui la reliait à aucun pays. Le pays était complètement entouré de montagnes. Il y avait une seule route, nommée le ‘’chemin de la Birmanie’’, qui se rendait en Chine mais elle était sous le contrôle des Japonais. Il n’y avait donc aucun moyen d’approvisionner l’Armée, l’Armée alliée qui se battait contre les Japonais – sauf par la voie des airs. Et, c’est ce que nous avons fait.
Pour faire le dépôt, vous devez survoler aussi bas et aussi lentement que possible – à environ 300 pieds d’altitude. Les préposés empilaient les sacs de riz ou autres provisions dans les portières. Et, nous faisions la livraison de tout. J’ai même livré une boîte d’œufs empaquetée dans la paille et un panier en osier, un gros panier en osier. Nous utilisions aussi le parachute pour déposer des œufs et pour livrer la gazoline. Mais le riz, on laissait tomber des ballots, librement. Nous employions la méthode ‘’ slack packed-double sacked’’ ce qui signifie qu’on empaquetait le riz de manière à laisser de la place dans un premier sac de jute et ensuite on emballait le tout dans un deuxième sac de jute. De cette manière, le ballot n’éclatait pas sur impact. En fait, il bondissait sur une bonne distance avant de s’arrêter.
Et, puis nous déposions absolument de tout. Si quelqu’un sur le front avait perdu ses lunettes ou son dentier, nous déposions des lunettes et des dentiers. Nous acheminions des munitions, des vêtements, des rations : pétrole, fil de fer barbelé, pièces pour véhicules. Tout ce dont l’Armée avait besoin parce que c’était la seule façon de faire.
L’Aviation ne cesse de nous rappeler de ne jamais voler dans un cumulonimbus. Ces nuages font habituellement 40,000 pieds d’épaisseur et renferment des turbulences avec de vents allant jusqu’à 100 milles à l’heure dans toutes les directions. Mais, vous savez, lorsque le ciel et rempli de nuages…nous disions que le temps était ennuagé à 10/10 parsemé de quelques pics de montagne. Il était impossible d’éviter ces nuages. Même s’il était interdit de voler à travers ces nuages, je ne connais aucun pilote de DC-3 sur ces missions qui a pu les éviter complètement. Je me souviens d’un pilote qui est rentré avec un avion dont le fuselage arrière avait été tordu à un angle de 15 degrés par la force d’un cumulonimbus. Ou un autre, où les carénages avaient été arrachés – les carénages sont les parties qui relient l’aile et l’avion et qui ont été lissés. Et, nous avons perdu trois cerfs-volants qui sont disparus à jamais dans un cumulonimbus.
Mais, j’ai moi-même été pris dans un cumulonimbus. Nous naviguions dans un immense nuage noir. La méthode habituelle d’en sortir est de tenter d’identifier un éclairci et d’y aller de l’avant. C’est ce que nous avons fait mais nous nous sommes retrouvés complètement engloutis dans le noir. Nous étions dans un cumulonimbus. On s’est fait brasser. Nous tentions en vain de repositionner l’avion. L’avion tombait. Il n’y avait rien à faire. Les indicateurs de montée et de glissade tournoyaient, l’altimètre chutait et nous savions qu’il y avait un terrain montagneux sous nous mais nous ne savions pas exactement à quelle distance. Nous tombions du ciel à l’allure de 3000 pieds par minute.
Mon deuxième pilote et moi, les pieds bien plantés sur tableau de bord, et les mains agrippées au volant, nous tentions de relever le volant pour arrêter la descente en plongée. Nous n’y arrivions pas ; les contrôles étaient comme ‘’soudés’’. Et, tout d’un coup, l’avion s’est mis à remonter. Un peu de turbulence a fait que l’avion s’est mis à remonter à toute allure mais nous avons aperçu un éclairci et nous en sommes finalement sortis.
Une fois sorti de là, j’ai eu l’impression d’avoir livré tout un combat; j’étais déterminé de gagner contre ce vilain qui me cherchait. Mes pieds tremblaient, mes genoux tremblaient contre les pédales du gouvernail. J’ai ordonné au deuxième pilote de nous ramener à la maison. C’est la sorte d’expérience que les nuages de la mousson réservent pour tous les pilotes qui doivent opérer, sans faute.
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