1492 Land Back Lane | l'Encyclopédie Canadienne

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1492 Land Back Lane

L’expression « 1492 Land Back Lane » fait référence au site qui, en juillet 2020, fait l’objet d’une protestation à Caledonia, en Ontario, durant laquelle les protestataires haudenosaunee – connus sous le nom de « défenseurs du territoire » – occupent le site du complexe d’habitation projeté, dont ils font valoir qu’il est situé sur un territoire non cédé des Six Nations. Le site 1492 Land Back Lane fait partie d’un problème de longue date existant entre les Haudenosaunee, les colons et le gouvernement relatif aux droits fonciers à Caledonia qui remontent à la Proclamation Haldimand de 1784.

Contexte

Le 19 juillet 2020, des membres des Six Nations de la rivière Grand, la réserve la plus peuplée du Canada située à proximité de Hamilton, en Ontario, entament l’occupation, qui s’étendra sur plusieurs mois, d’un projet de logements résidentiels situés au village de Caledonia, à proximité. Ils nomment le site « 1492 Land Back Lane. »

1492 fait référence à l’année à laquelle l’explorateur Christophe Colomb a traversé l’océan Atlantique, de l’Espagne aux Amériques. Elle renvoie également à la colonisation ultérieure des peuples autochtones par les puissances européennes présentes dans ces territoires.

La société à l’origine du complexe d’habitation McKenzie Meadows, Foxgate Developments, prévoit de construire 218 unités d’habitation sur les terres agricoles situées au sud du village. Des plans distincts visent la construction, par une autre société du nom de Wilwood Developments, d’unités supplémentaires non loin de là.

Les Haudenosaunee – nom qui signifie « peuple des maisons longues » – font valoir que le territoire sur lequel se trouvent ces complexes n’a jamais été cédé à la Couronne et qu’il constitue un exemple représentatif d’appropriation illégitime des terres.

Durant l’été 2020, les défenseurs du territoire haudenosaunee installent des campements et exigent du gouvernement fédéral qu’il renouvelle les négociations en matière de revendications territoriales. Le conflit s’intensifie lorsque la Police provinciale de l’Ontario fait une descente sur le territoire occupé, arrêtant plusieurs manifestants autochtones et leurs alliés. Après l’intervention de la police, des membres des Six Nations érigent trois barrages routiers et allument des feux.

La Proclamation Haldimand de 1784

Ce conflit est en lien avec la Proclamation Haldimand de 1784 qui doit garantir la jouissance des terres sur 10 km de part et d’autre de la rivière Grand et sur toute la longueur de cette dernière, qui s’étend du lac Ontario à Dundalk et représente une superficie de 385 000 hectares. Ces terres, souvent appelées les « Terres de Haldimand », sont accordées aux Six Nations par sir Frederick Haldimand, à l’époque gouverneur du Québec, pour leur alliance avec les Britanniques durant la Révolution américaine (1775-1783). Cette proclamation stipule que les Six Nations doivent :

prendre possession des berges de la rivière, communément appelée rivière Ouse ou rivière Grand et se jetant dans le lac Érié, et s’y installer, se voyant ainsi attribuer à ces fins une bande de terre de six milles de large de part et d’autre de la rivière, laquelle commence au lac Érié et s’étend jusqu’à la source de ladite rivière, et dont ils peuvent disposer à tout jamais, tout comme leurs descendants.


En dépit de la formulation de la proclamation, des différends territoriaux ne cessent d’éclater depuis, principalement en raison d’interprétations divergentes de l’entente. À l’origine, Joseph Brant (Thayendanegea), qui contribue à la négociation du traité, affirme que les Six Nations détiennent des droits sur ces terres; la Couronne croit alors que les Six Nations ne peuvent vendre de terres à toute autre entité que la Couronne elle-même.

Comme l’illustre la manifestation au site 1492 Land Bank Lane, les Haudenosaunee cherchent toujours à obtenir réparation pour la perte de ces terres. Des villages entiers, tout comme celui de Caledonia, sont construits et demeurent en bordure ou à proximité des berges de la rivière Grand.

Frederick Haldimand, army officer, governor

Établissement de la réserve des Six Nations, 1847

La réserve des Six Nations, dont quelque 13 000 membres vivent au sein même de la réserve et plus de 14 000 membres résident hors réserve, est la plus peuplée du Canada. Le périmètre de la réserve représente à peu près 5 % du territoire faisant partie des Terres de Haldimand.

Au milieu du 19e siècle, les colons investissent la vallée de la rivière Grand, menaçant d’autant plus le contrôle des Six Nations sur leurs terres. En guise de solution permettant d’assurer la protection de ce territoire, la Couronne recommande aux Six Nations de lui vendre les acres de terres restants. En échange de la vente de ces terres, les Six Nations reçoivent de l’argent et une réserve d’environ 8 093 hectares. La Couronne affirme que les Six Nations acceptent ces conditions, mais cela reste contesté. La Confédération Haudenosaunee affirme que les Six Nations n’ont jamais accepté de vendre ces terres, mais plutôt de les louer. Les défenseurs du territoire affirment que ce territoire, et les droits qui y sont liés, n’ont jamais été cédés.

Terres de Haldimand.
(avec la permission de Native Land Digital / Native-Land.ca)

La gouvernance des Six Nations et le site 1492 Land Back Lane

La plupart des Premières Nations du Canada sont assujetties à la Loi sur les Indiens, laquelle définit le statut d’Indien et remplace les modes traditionnels de gouvernance par des conseils de bande élus, dont les affaires administratives sont, dans l’ensemble, rattachées au gouvernement fédéral.

Les Six Nations ont à la fois un conseil de bande élu et un gouvernement traditionnel, à savoir la Confédération Haudenosaunee, une union historique des Premières Nations considérée comme la plus ancienne forme de démocratie participative en vertu de laquelle la collectivité est habilitée à prendre des décisions politiques.

Ces deux gouvernements distincts sont souvent en opposition. Par exemple, la confédération soutient le site 1492 Land Back Lane, tandis que le conseil de bande élu des Six Nations approuve en 2019 les deux complexes d’habitation en échange d’environ 17 hectares de terres et de 325 000 $.

L’occupation du projet immobilier Douglas Creek Estates de 2006

Le site Kanonhstaton, qui signifie « le lieu protégé » en langue mohawk, est situé à proximité du site 1492 Land Back Lane. Son histoire s’enracine elle aussi dans la réclamation de terres incluses dans les revendications territoriales en suspens associées à la Proclamation Haldimand.

Au début de l’année 2006, un groupe de femmes haudenosaunee occupe le complexe d’habitation projeté appelé Douglas Creek Estates situé sur le site Kanonhstaton. Des barricades sont érigées sur des routes et des voies de chemin de fer. Quelques mois plus tard, la société à l’origine de ce projet obtient une injonction. La Police provinciale de l’Ontario fait une descente sur le site et arrête plusieurs personnes en faisant usage de violence; les Haudenosaunee s’organisent et ripostent. Cette opposition se transforme en un conflit qui dure des mois et donne lieu à des affrontements violents, à l’érection de barrages et à une occupation durable. En vue de mettre fin à ce conflit, le gouvernement de l’Ontario intervient, achetant finalement la parcelle de terre destinée au projet. Ces terres demeurent en fiducie.

En 1995, les Six Nations intentent une poursuite en justice à l’encontre de la province de l’Ontario et du gouvernement fédéral relativement à ce qu’elles considèrent comme une dépossession des terres incluses dans la Proclamation Haldimand. Le procès est prévu pour octobre 2022.

Liste chronologique relative au site 1492 Land Back Lane

19 juillet 2020 : Des membres des Six Nations établissent un campement sur le site du complexe d’habitation projeté McKenzie Meadows et renomment ce dernier le « site 1492 Land Back Lane ».

31 juillet 2020 : Les policiers délivrent une injonction judiciaire, obtenue par Foxgate Developments et le comté de Haldimand, qui vise à mettre fin à l’occupation. Les défenseurs du territoire n’en tiennent pas compte et restent sur le site.

5 août 2020 : La Police provinciale de l’Ontario fait une descente sur le site 1492 Land Back Lane et procède à plusieurs arrestations. Les défenseurs du territoire ripostent en déclenchant un incendie de pneus et en bloquant un chemin de fer et une autoroute.

18 août 2020 : La Confédération Haudenosaunee publie une déclaration indiquant qu’elle soutient le site 1492 Land Back Lane.

19 août 2020 : Les ministres fédéraux déclarent publiquement qu’ils sont ouverts à reprendre les négociations portant sur les revendications territoriales avec les Six Nations.

21 août 2020 : La plupart des barricades sont démantelées, tandis que quelques-unes restent érigées sur le site Kanonhstaton.

22 octobre 2020 : L’injonction de la Cour supérieure devient permanente. Des escarmouches ponctuelles continuent d’avoir lieu entre la police et les défenseurs du territoire.

18 janvier 2021 : Les défenseurs du territoire publient une déclaration indiquant qu’une barricade qui bloque une autre autoroute sera retirée.

1er juillet 2021 : Les représentants du projet immobilier McKenzie Meadows annoncent l’annulation du projet et envoient des lettres aux acheteurs de maison indiquant que tout dépôt serait remboursé entièrement.

14 décembre 2022 : Le juge Paul Sweeny de la Cour supérieure de l’Ontario accorde une autre injonction permanente contre 1492 Land Back Lane. Les organisateurs de 1492 Land Back Lane déclarent : « [nous] continuerons à cultiver des vergers, à chanter nos chansons et à occuper l’espace ici. Nous serons libres sur notre terre pour le temps qu’il soit nécessaire au Canada de réaliser que nous, ainsi que les générations d’après nous, ne partirons jamais ».